Guide pour les victimes de violences policières,
en 17 fiches pratiques et juridiques

Version 2.2 publiée le 13/03/2024

Les infractions
policières

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Les dossiers de violences policières arrivent rarement jusqu’au tribunal. Il y a donc peu de décisions de justice sur ces affaires. Finalement, c’est surtout le droit européen qui encadre l’usage de la violence par la police. Sous la pression de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le droit évolue… doucement. Voici quelques repères pour comprendre les principaux critères légaux.

Dans cette fiche :

Qu’est-ce qu’un « homicide » ?
Qu’est-ce qu’une « violence » ?
Quelles peuvent être les autres infractions policières ?
Comment sont classées les infractions pénales ?
A quelles conditions la police peut-elle faire usage des armes ?
A quelles conditions la police peut-elle faire usage des armes dites « intermédiaires » ?
A quelles conditions la police peut-elle faire usage de la violence sans arme ?

Qu’est-ce qu’un « homicide » ?

L’homicide est un acte ayant entraîné le décès d’une personne. Comme les violences, il peut être intentionnel ou non. L’homicide est volontairenote (« meurtre ») si l’auteur voulait tuer. Cette intention peut se déduire des circonstances (zone vitale ciblée, arme létale employée…). L’homicide est involontairenote si l’auteur a commis une faute qui a causé la mort d’autrui, sans la vouloir. Enfin, le droit français prévoit une infraction intermédiairenote nommée « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Les violences sont volontaires, mais la mort ne l’est pas. Dans le « 17 » nous parlons d’« homicide » ou « homicide policier » pour tous les cas où une personne est morte suite à une action de police : coups de feu, usage de la force, course-poursuite, décès en garde-à-vue, etc. Pour la justice, ces faits peuvent recouvrir des qualifications juridiques très variées. Même le fait pour un policier ou gendarme de tuer une personne par arme à feu n’est pas forcément considéré par la justice comme un homicide volontaire, ni même comme des violences volontaires ayant entraîné la mort, mais parfois comme un simple homicide « involontaire »note.

Deux fois plus de personnes tuées par la police sous Macron que sous Sarkozy

L’IGPN recense les cas d’usage de l’arme individuelle des policiers : plus de 300 coups de feu par an sous Macron, contre 250 pendant le quinquennat précédent, soit une hausse de 20 % environ. Comme l’a récemment rappelé le journal Le Monde, cet usage a significativement augmenté depuis une loi ayant assoupli les règles de la légitime défense policière en 2017. Résultat, d’après les décomptes du média en ligne Bastamag : avec environ 30 morts par an sous Macron, le nombre de décès de personnes aux mains de la police atteint un taux inégalé : presque deux fois plus que sous Sarkozy ! Après une baisse au début des années 2000, le nombre de morts augmente de façon continue au fil des mandats présidentiels. D’après Bastamag, 60 % des décès ont eu lieu par arme à feu.

Flagrant déni, mai 2022

Qu’est-ce qu’une « violence » ?

Les violences sont tous les actes causant une atteinte à l’intégrité physique (blessure, mutilation) ou même psychologique (choc émotif, stress post-traumatique). Elles ne nécessitent pas forcément de contact physique entre l’auteur et la victime. Menacer une personne avec un revolver constituenote des violences, tirer vers elle au LBD, même sans la toucher, aussinote. Les violences sont involontaires lorsque l’auteur a commis une faute ayant contribué à blesser la victime sans le vouloir. Par exemple, des agents qui interpellent un individu en fuite, le projetant au sol sur un terrain en pente et le blessent peuvent commettre des violences jugées involontairesnote. A l’inverse les violences sont volontaires lorsque l’auteur a eu l’intention de blesser sa victime. Les peines encourues diffèrent en fonction de la gravité du dommagebook_2. Les violences volontaires sont réprimées plus durementnote si l’ITT est supérieur à 8 jours, et plus encorenote si elles ont entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (par exemple, perte définitive de l’ouïenote d’un seul côté, ou paralysie d’un piednote).

Quelles peuvent être les autres infractions policières ?

De nombreuses autres infractions peuvent être reprochées aux policiers ou gendarmes. Il peut s’agir de faux en écriture publiquenote (lors de la rédaction de procès-verbaux mensongers). Pour des personnes dépositaires de l’autorité publique (PDAP : policier, gendarme, douanier, surveillant pénitentiaire, etc.), il s’agit en principe d’un crimenote passible de la cour d’assises. Tout « acte attentatoire à la liberté individuelle » est également puni de prisonnote s’il est « arbitraire ». Un placement en garde à vue ou une retenue injustifiésnote peuvent être condamnés, par exemple s’ils avaient pour but d’empêcher une personne d’aller manifester. Le fait que la mesure soit ordonnée par une autorité hiérarchique ou même une circulaire illégalenote n’empêche pas la condamnation. Les injures à caractère raciste ou sexiste sont punies par une simple amendenote, même si elles sont commises par une personne dépositaire de l’autorité publique. En l’absence d’enregistrement audio ou vidéo, de tels faits sont très difficiles à prouver. Enfin, de nombreuses « circonstances aggravantes » peuvent être retenues contre des policiers : usage d’une arme, réunion, port illégalnote de la cagoule, motif raciste ou sexiste de l’agression, etc. Les procureurs « oublient » souvent de relever ces circonstances : soyez vigilant·e.

Comment sont classées les infractions pénales ?

Les « infractions » prévues par le Code pénal sont réparties en trois catégories. Les plus graves sont appelées « crimes ». Elles sont passiblesnote de dix ans de prison au minimum. Les « délits » sont passiblesnote de dix ans de prison au maximum. Les « contraventions » sont passiblesnote de 3000 euros d’amende au maximum, et jamais de prison. Cette échelle à trois degrés décide des juridictions compétentesbook_2 et de nombreuses règles de procédure. Par exemple, un juge d’instructionbook_2 ne peut pas être saisi en cas de contravention mais sera obligatoire en cas de crime. Les homicides sont des crimes s’ils sont volontaires, et des délits s’ils ne le sont pas. Les violences volontaires sont des contraventionsnote si l’incapacité totale de travail (ITT)book_2 est inférieure ou égale à 8 jours, ou des délits dans le cas contraire. Mais des « circonstances aggravantes » peuvent changer la donne. Si des violences volontaires avec ITT inférieure ou égale à 8 jours ont été commises par une personne dépositaire de l’autorité publique (PDAP), elles deviennent des délitsnote. Les circonstances aggravantes peuvent se cumuler pour aggraver les peines. Une violence sans ITT devient passible de 7 ans de prison si elle a été commise avec trois circonstances aggravantes.

A quelles conditions la police peut-elle faire usage des armes ?

Depuis 2017, le cadre légalnote est le même pour les policiers et gendarmes. Les cas possibles d’usage des armes sont nombreux et parfois très vagues (tirer pour « défendre les lieux qu’ils occupent »). Mais la loi rappelle deux grands principes fondamentaux. La « proportionnalité » impliquenote que « l’intensité » de la violence utilisée soit en rapport avec « but à atteindre » ou avec « la gravité de la menace ». Ensuite, la « nécessité » impliquenote que la force soit utilisée « en dernier recours », si les autres possibilités (dialogue, usage d’une force moindre, etc.) ne sont pas suffisantes. La nécessité impliquenote en outre que l’arme soit utilisée « dans le même temps » que l’atteinte physique ou la menace à laquelle elle répond. Par exemple, en l’absence de « danger immédiat », un tir sur une voiture qui « s’éloignait » des gendarmes est illégalnote. Tel que défini par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’hommebook_2 (CEDH) et des tribunaux français, le cadre légal est donc similaire aux conditions de la légitime défensenote applicables à toute personne : riposte à une atteinte injustifiée par un acte de défense proportionné et accompli dans le même temps. L’« instruction » interne de la gendarmerienote traduit assez bien ces principes. Celle de la policenote, beaucoup moins.

Légitime défense, ou vengeance

Depuis l’arrêt Toubache de la CEDH, un tir ne peut avoir lieu que si le danger auquel il répond est « actuel ». Ce principe a depuis été repris et précisé par la Cour de cassation. Dans un arrêt rendu en octobre 2021 (à propos d’un coup de matraque télescopique), elle estime que « l’usage de l’arme » d’un policier ou gendarme « doit être réalisé dans le même temps que sont portées des atteintes ou proférées des menaces à la vie ou à l’intégrité physique des agents ou d’autrui ». Marie Greciano, maître de conférences en droit pénal, explique : « la concomitance est une condition classique de la légitime défense. Si on réagit trop tard, on n’est plus dans la légitime défense, mais dans la vengeance ».

Flagrant déni, juin 2023

A quelles conditions la police peut-elle faire usage des armes dites « intermédiaires » ?

La loinote ne fait aucune différence juridique entre un « Taser », un lanceur de balles « de défense » (LBD) ou une arme qui tire à balles « réelles ». Un décretnote se contente de préciser quelles armes peuvent être utilisées pour disperser un attroupement : grenades lacrymogènes, grenades de désencerclement dans certains cas. C’est tout. Il n’existe aucun texte qui encadre quelles armes peuvent être utilisées par les policiers et gendarmes. Mais l’usage de n’importe quelle arme doit respecter les deux principes de nécessité et proportionnalitébook_2. Par exemple, un coup de matraque doit être « concomitant »note à la menace. Pour les grenades à effet de souffle (GM2L et ASSD), la jurisprudence française est laxiste. Un tir est justifiénote s’il répond à des projectiles « de nature à compromettre sérieusement l’intégrité physique des gendarmes ». D’un côté un simple risque de blessure suffit, de l’autre, un manifestant est mort. En revanche, un tir de LBD est illégalnote lorsqu’un jet de lacrymogène aurait suffi, par exemple face à des tirs de « projectiles (pierres, pavés, canettes) lancés à la main sur des fonctionnaires de police» à «une trentaine de mètres » (voir notre revue de jurisprudences sur le LBD)note.

Les grenades se suivent et la justice passe

Si une décision de justice intervenait à propos des GLI-F4, son utilité politique sera nulle : les GLI-F4 n’existent plus. A chaque fois, un petit changement de modèle de grenade suffit au ministère de l’Intérieur pour échapper à tout contrôle juridique. Comme le raconte Désarmons-les, l’histoire est ancienne. L’OF37 est en dotation depuis 1937. Elle tue des manifestants en mai 68, puis Vital Michalon, lors d’une manifestation contre la centrale « Superphénix » de Creys-Malville en juillet 1977. Quand la justice finit par prononcer un non-lieu en 1980, l’OFF1, sa remplaçante, est déjà utilisée. L’OFF1 tue Rémi Fraisse en octobre 2014 et est interdite en novembre de la même année. La GLIF4 est déjà en service depuis longtemps : elle avait déjà fait des dégâts en 1977 lors de la manifestation de Creys-Malville. Dès 2014, le ministère de l’Intérieur sait qu’il va devoir mettre en fonction une autre grenade et termine les stocks de GLIF4. Elle sera officiellement proscrite en janvier 2020. La GM2L est déjà entrée en scène.

Flagrant déni, avril 2023

A quelles conditions la police peut-elle faire usage de la violence sans arme ?

La police et la gendarmerie peuvent usernote de la violence (sans arme) uniquement si elle est « strictement nécessaire » et « proportionnée ». Ces deux principes sont les mêmes que ceux applicables à l’usage des armesbook_2. Par exemple, l’interpellation d’une personne adoptant une « attitude de résistance passive » avec une clef de bras, des coups divers sur le corps ayant conduit à une fracture, est illégalenote. Une giflenote injustifiée est tout aussi illégale. Le fait de maintenir une personne « au sol pendant trente-cinq minutes dans une position susceptible d’entraîner la mort par asphyxie », alors que cette technique « a été identifiée comme hautement dangereuse pour la vie » (technique dite du « plaquage ventral » ou « décubitus ventral ») est illégalenote également. Mais ces principes sont édictés par la CEDHbook_2, qui rend ses décisions souvent très tard. Les « gestes techniques professionnels en intervention » (GTPI) pouvant être pratiqués sont prévus par simple voie de notes internes des directions de la police et de la gendarmerie, sans aucune publicité. En tant que tel, le plaquage ventral, qui a causé la mort de nombreuses personnes, est toujours autorisé.

Clé d’étranglement proscrite par une décision interne de la police

Cette fois, c’est la fin officielle de la « clé d’étranglement ». Dans un courrier daté du 30 juillet 2021, le directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux, indique que cette technique d’interpellation policière présente des « risques » et qu’il est donc décidé d’y « renoncer définitivement ». En janvier 2020, le décès d’un livreur, Cédric Chouviat, après un contrôle par des policiers à Paris avait déclenché une vive controverse. Il y a plus d’un an, le 8 juin 2020, dans un contexte de mobilisation contre le racisme et les violences policières, le ministre de l’intérieur de l’époque, Christophe Castaner, avait annoncé l’abandon de cette pratique consistant à exercer une pression sur le cou d’une personne pour la maîtriser et l’interpeller. Mais le geste continuait à être utilisé. […] Frédéric Veaux détaille trois nouveaux gestes techniques d’interpellation « pour maîtriser des individus récalcitrants et limiter au maximum les risques pour les personnes interpellées comme pour les policiers ». Il s’agit, explique-t-il, de « l’amener au sol par pivot », de « l’amener au sol par contrôle de demie ligne d’épaule » et de « la maîtrise par contrôle de la tête ».

La Croix, août 2021

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Guide pour les victimes de violences policières,
en 17 fiches pratiques et juridiques

Version 2.1 publiée le 23/11/2023

Les infractions policières

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Les dossiers de violences policières arrivent rarement jusqu’au tribunal. Il y a donc peu de décisions de justice sur ces affaires. Finalement, c’est surtout le droit européen qui encadre l’usage de la violence par la police. Sous la pression de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le droit évolue… doucement. Voici quelques repères pour comprendre les principaux critères légaux.

Dans cette fiche :

Qu’est-ce qu’un « homicide » ?
Qu’est-ce qu’une « violence » ?
Quelles peuvent être les autres infractions policières ?
Comment sont classées les infractions pénales ?
A quelles conditions la police peut-elle faire usage des armes ?
A quelles conditions la police peut-elle faire usage des armes dites « intermédiaires » ?
A quelles conditions la police peut-elle faire usage de la violence sans arme ?

Qu’est-ce qu’un « homicide » ?

L’homicide est un acte ayant entraîné le décès d’une personne. Comme les violences, il peut être intentionnel ou non. L’homicide est volontairenote (« meurtre ») si l’auteur voulait tuer. Cette intention peut se déduire des circonstances (zone vitale ciblée, arme létale employée…). L’homicide est involontairenote si l’auteur a commis une faute qui a causé la mort d’autrui, sans la vouloir. Enfin, le droit français prévoit une infraction intermédiairenote nommée « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Les violences sont volontaires, mais la mort ne l’est pas. Dans le « 17 » nous parlons d’« homicide » ou « homicide policier » pour tous les cas où une personne est morte suite à une action de police : coups de feu, usage de la force, course-poursuite, décès en garde-à-vue, etc. Pour la justice, ces faits peuvent recouvrir des qualifications juridiques très variées. Même le fait pour un policier ou gendarme de tuer une personne par arme à feu n’est pas forcément considéré par la justice comme un homicide volontaire, ni même comme des violences volontaires ayant entraîné la mort, mais parfois comme un simple homicide « involontaire »note.

Deux fois plus de personnes tuées par la police sous Macron que sous Sarkozy

L’IGPN recense les cas d’usage de l’arme individuelle des policiers : plus de 300 coups de feu par an sous Macron, contre 250 pendant le quinquennat précédent, soit une hausse de 20 % environ. Comme l’a récemment rappelé le journal Le Monde, cet usage a significativement augmenté depuis une loi ayant assoupli les règles de la légitime défense policière en 2017. Résultat, d’après les décomptes du média en ligne Bastamag : avec environ 30 morts par an sous Macron, le nombre de décès de personnes aux mains de la police atteint un taux inégalé : presque deux fois plus que sous Sarkozy ! Après une baisse au début des années 2000, le nombre de morts augmente de façon continue au fil des mandats présidentiels. D’après Bastamag, 60 % des décès ont eu lieu par arme à feu.

Flagrant déni, mai 2022

Qu’est-ce qu’une « violence » ?

Les violences sont tous les actes causant une atteinte à l’intégrité physique (blessure, mutilation) ou même psychologique (choc émotif, stress post-traumatique). Elles ne nécessitent pas forcément de contact physique entre l’auteur et la victime. Menacer une personne avec un revolver constituenote des violences, tirer vers elle au LBD, même sans la toucher, aussinote. Les violences sont involontaires lorsque l’auteur a commis une faute ayant contribué à blesser la victime sans le vouloir. Par exemple, des agents qui interpellent un individu en fuite, le projetant au sol sur un terrain en pente et le blessent peuvent commettre des violences jugées involontairesnote. A l’inverse les violences sont volontaires lorsque l’auteur a eu l’intention de blesser sa victime. Les peines encourues diffèrent en fonction de la gravité du dommagebook_2. Les violences volontaires sont réprimées plus durementnote si l’ITT est supérieur à 8 jours, et plus encorenote si elles ont entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (par exemple, perte définitive de l’ouïenote d’un seul côté, ou paralysie d’un piednote).

Quelles peuvent être les autres infractions policières ?

De nombreuses autres infractions peuvent être reprochées aux policiers ou gendarmes. Il peut s’agir de faux en écriture publiquenote (lors de la rédaction de procès-verbaux mensongers). Pour des personnes dépositaires de l’autorité publique (PDAP : policier, gendarme, douanier, surveillant pénitentiaire, etc.), il s’agit en principe d’un crimenote passible de la cour d’assises. Tout « acte attentatoire à la liberté individuelle » est également puni de prisonnote s’il est « arbitraire ». Un placement en garde à vue ou une retenue injustifiésnote peuvent être condamnés, par exemple s’ils avaient pour but d’empêcher une personne d’aller manifester. Le fait que la mesure soit ordonnée par une autorité hiérarchique ou même une circulaire illégalenote n’empêche pas la condamnation. Les injures à caractère raciste ou sexiste sont punies par une simple amendenote, même si elles sont commises par une personne dépositaire de l’autorité publique. En l’absence d’enregistrement audio ou vidéo, de tels faits sont très difficiles à prouver. Enfin, de nombreuses « circonstances aggravantes » peuvent être retenues contre des policiers : usage d’une arme, réunion, port illégalnote de la cagoule, motif raciste ou sexiste de l’agression, etc. Les procureurs « oublient » souvent de relever ces circonstances : soyez vigilant·e.

Comment sont classées les infractions pénales ?

Les « infractions » prévues par le Code pénal sont réparties en trois catégories. Les plus graves sont appelées « crimes ». Elles sont passiblesnote de dix ans de prison au minimum. Les « délits » sont passiblesnote de dix ans de prison au maximum. Les « contraventions » sont passiblesnote de 3000 euros d’amende au maximum, et jamais de prison. Cette échelle à trois degrés décide des juridictions compétentesbook_2 et de nombreuses règles de procédure. Par exemple, un juge d’instructionbook_2 ne peut pas être saisi en cas de contravention mais sera obligatoire en cas de crime. Les homicides sont des crimes s’ils sont volontaires, et des délits s’ils ne le sont pas. Les violences volontaires sont des contraventionsnote si l’incapacité totale de travail (ITT)book_2 est inférieure ou égale à 8 jours, ou des délits dans le cas contraire. Mais des « circonstances aggravantes » peuvent changer la donne. Si des violences volontaires avec ITT inférieure ou égale à 8 jours ont été commises par une personne dépositaire de l’autorité publique (PDAP), elles deviennent des délitsnote. Les circonstances aggravantes peuvent se cumuler pour aggraver les peines. Une violence sans ITT devient passible de 7 ans de prison si elle a été commise avec trois circonstances aggravantes.

A quelles conditions la police peut-elle faire usage des armes ?

Depuis 2017, le cadre légalnote est le même pour les policiers et gendarmes. Les cas possibles d’usage des armes sont nombreux et parfois très vagues (tirer pour « défendre les lieux qu’ils occupent »). Mais la loi rappelle deux grands principes fondamentaux. La « proportionnalité » impliquenote que « l’intensité » de la violence utilisée soit en rapport avec « but à atteindre » ou avec « la gravité de la menace ». Ensuite, la « nécessité » impliquenote que la force soit utilisée « en dernier recours », si les autres possibilités (dialogue, usage d’une force moindre, etc.) ne sont pas suffisantes. La nécessité impliquenote en outre que l’arme soit utilisée « dans le même temps » que l’atteinte physique ou la menace à laquelle elle répond. Par exemple, en l’absence de « danger immédiat », un tir sur une voiture qui « s’éloignait » des gendarmes est illégalnote. Tel que défini par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’hommebook_2 (CEDH) et des tribunaux français, le cadre légal est donc similaire aux conditions de la légitime défensenote applicables à toute personne : riposte à une atteinte injustifiée par un acte de défense proportionné et accompli dans le même temps. L’« instruction » interne de la gendarmerienote traduit assez bien ces principes. Celle de la policenote, beaucoup moins.

Légitime défense, ou vengeance

Depuis l’arrêt Toubache de la CEDH, un tir ne peut avoir lieu que si le danger auquel il répond est « actuel ». Ce principe a depuis été repris et précisé par la Cour de cassation. Dans un arrêt rendu en octobre 2021 (à propos d’un coup de matraque télescopique), elle estime que « l’usage de l’arme » d’un policier ou gendarme « doit être réalisé dans le même temps que sont portées des atteintes ou proférées des menaces à la vie ou à l’intégrité physique des agents ou d’autrui ». Marie Greciano, maître de conférences en droit pénal, explique : « la concomitance est une condition classique de la légitime défense. Si on réagit trop tard, on n’est plus dans la légitime défense, mais dans la vengeance ».

Flagrant déni, juin 2023

A quelles conditions la police peut-elle faire usage des armes dites « intermédiaires » ?

La loinote ne fait aucune différence juridique entre un « Taser », un lanceur de balles « de défense » (LBD) ou une arme qui tire à balles « réelles ». Un décretnote se contente de préciser quelles armes peuvent être utilisées pour disperser un attroupement : grenades lacrymogènes, grenades de désencerclement dans certains cas. C’est tout. Il n’existe aucun texte qui encadre quelles armes peuvent être utilisées par les policiers et gendarmes. Mais l’usage de n’importe quelle arme doit respecter les deux principes de nécessité et proportionnalitébook_2. Par exemple, un coup de matraque doit être « concomitant »note à la menace. Pour les grenades à effet de souffle (GM2L et ASSD), la jurisprudence française est laxiste. Un tir est justifiénote s’il répond à des projectiles « de nature à compromettre sérieusement l’intégrité physique des gendarmes ». D’un côté un simple risque de blessure suffit, de l’autre, un manifestant est mort. En revanche, un tir de LBD est illégalnote lorsqu’un jet de lacrymogène aurait suffi, par exemple face à des tirs de « projectiles (pierres, pavés, canettes) lancés à la main sur des fonctionnaires de police» à «une trentaine de mètres » (voir notre revue de jurisprudences sur le LBD)note.

Les grenades se suivent et la justice passe

Si une décision de justice intervenait à propos des GLI-F4, son utilité politique sera nulle : les GLI-F4 n’existent plus. A chaque fois, un petit changement de modèle de grenade suffit au ministère de l’Intérieur pour échapper à tout contrôle juridique. Comme le raconte Désarmons-les, l’histoire est ancienne. L’OF37 est en dotation depuis 1937. Elle tue des manifestants en mai 68, puis Vital Michalon, lors d’une manifestation contre la centrale « Superphénix » de Creys-Malville en juillet 1977. Quand la justice finit par prononcer un non-lieu en 1980, l’OFF1, sa remplaçante, est déjà utilisée. L’OFF1 tue Rémi Fraisse en octobre 2014 et est interdite en novembre de la même année. La GLIF4 est déjà en service depuis longtemps : elle avait déjà fait des dégâts en 1977 lors de la manifestation de Creys-Malville. Dès 2014, le ministère de l’Intérieur sait qu’il va devoir mettre en fonction une autre grenade et termine les stocks de GLIF4. Elle sera officiellement proscrite en janvier 2020. La GM2L est déjà entrée en scène.

Flagrant déni, avril 2023

A quelles conditions la police peut-elle faire usage de la violence sans arme ?

La police et la gendarmerie peuvent usernote de la violence (sans arme) uniquement si elle est « strictement nécessaire » et « proportionnée ». Ces deux principes sont les mêmes que ceux applicables à l’usage des armesbook_2. Par exemple, l’interpellation d’une personne adoptant une « attitude de résistance passive » avec une clef de bras, des coups divers sur le corps ayant conduit à une fracture, est illégalenote. Une giflenote injustifiée est tout aussi illégale. Le fait de maintenir une personne « au sol pendant trente-cinq minutes dans une position susceptible d’entraîner la mort par asphyxie », alors que cette technique « a été identifiée comme hautement dangereuse pour la vie » (technique dite du « plaquage ventral » ou « décubitus ventral ») est illégalenote également. Mais ces principes sont édictés par la CEDHbook_2, qui rend ses décisions souvent très tard. Les « gestes techniques professionnels en intervention » (GTPI) pouvant être pratiqués sont prévus par simple voie de notes internes des directions de la police et de la gendarmerie, sans aucune publicité. En tant que tel, le plaquage ventral, qui a causé la mort de nombreuses personnes, est toujours autorisé.

Clé d’étranglement proscrite par une décision interne de la police

Cette fois, c’est la fin officielle de la « clé d’étranglement ». Dans un courrier daté du 30 juillet 2021, le directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux, indique que cette technique d’interpellation policière présente des « risques » et qu’il est donc décidé d’y « renoncer définitivement ». En janvier 2020, le décès d’un livreur, Cédric Chouviat, après un contrôle par des policiers à Paris avait déclenché une vive controverse. Il y a plus d’un an, le 8 juin 2020, dans un contexte de mobilisation contre le racisme et les violences policières, le ministre de l’intérieur de l’époque, Christophe Castaner, avait annoncé l’abandon de cette pratique consistant à exercer une pression sur le cou d’une personne pour la maîtriser et l’interpeller. Mais le geste continuait à être utilisé. […] Frédéric Veaux détaille trois nouveaux gestes techniques d’interpellation « pour maîtriser des individus récalcitrants et limiter au maximum les risques pour les personnes interpellées comme pour les policiers ». Il s’agit, explique-t-il, de « l’amener au sol par pivot », de « l’amener au sol par contrôle de demie ligne d’épaule » et de « la maîtrise par contrôle de la tête ».

La Croix, août 2021

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