Guide pour les victimes de violences policières,
en 17 fiches pratiques et juridiques

Version 2.2 publiée le 13/03/2024

Je suis victime ou proche d’une victime de la police

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Si vous êtes proche d’une personne tuée par la police, cherchez une personne de confiance pour vous aider dans vos démarches. Quand on est en état de choc, une telle aide est cruciale. Si vous avez été blessé·e, avant tout, soignez-vous ! Dans tous les cas, conservez le récit de ce qui est arrivé. Ensuite, plusieurs options s’ouvrent à vous : déposer plainte, médiatiser, organiser des rassemblements, ne rien faire : à vous et vous seul·e de choisir.

Dans cette fiche :

Que se passe-t-il quand un de mes proches a été tué par la police ?
Que faire si un de mes proches a été tué par la police (homicide) ?
Que faire si j’ai subi des blessures (violences) ?
Pourquoi et comment garder des traces de l’événement ?
Quel peut être le rôle de vos proches ?
Quelles peuvent être les raisons de déposer plainte ?
Quelles peuvent être les raisons de ne pas déposer plainte ?
Comment médiatiser et dénoncer les faits ?
Comment faire pour empêcher les policiers violents de continuer d’exercer ?
Qu’est-ce que le Défenseur des droits (DDD) ?
A quoi servent les plateformes de signalement de l’IGPN et de l’IGGN ?
Comment obtenir une indemnisation ?
Qu’est-ce qu’un « référé-provision » ?
A quoi sert la « Commission d’indemnisation des victimes d’infraction » (CIVI) ?

Que se passe-t-il quand un de mes proches a été tué par la police ?

En principe, le « membre de la famille le plus proche » d’une personne décédée de mort violente doitnote être prévenu « dans un délai rapide, même durant la nuit ». L’annonce doit avoir lieu en face à face, ou par téléphone en cas d’urgence (par exemple pour « éviter une annonce par les médias »). Une enquête doit être diligentée « immédiatement » book_2 par le procureur book_2. L’annonce du décès doit être effectuée par les officiers de police judiciaire (OPJ) en charge de l’enquête, mais le maire peut être appelé à remplir ce rôle, par exemple en cas de « conflit des proches avec les forces de l’ordre ». En pratique, les cas d’annonce brutale par téléphone, voire d’absence d’annonce directe ne sont pas rares. Si une autopsiebook_2 est décidée, vous devez être prévenu·e « dans les meilleurs délais » qu’elle va avoir ou a eu lieu. Vous deveznote accéder au corps de votre proche (après autopsie s’il y en a eu une) sauf « pour des raisons de santé publique » (cas rare d’infections transmissiblesnote).

Décès annoncé aux médias, pas à la famille

Fatiha écrit au procureur. « J’ai perdu mon enfant unique, autant dire l’essentiel. À la violence de cet arrachement s’ajoute une autre violence, institutionnelle : Dans le déroulement des événements, aucun officier de police judiciaire n’a jugé utile, nécessaire, digne, de m’informer, pas même au téléphone. Mon fils était immédiatement identifiable, mes coordonnées étaient disponibles. Néanmoins, ce sont la rue, la presse, le voisinage qui ont amené la rumeur jusqu’à moi ». En réponse, le procureur affirme : « dès que l’identité de votre fils a pu être établie de manière certaine par l’enquête, soit le 19 août 2022 en début d’après-midi, la Sûreté départementale du Rhône […] a alors dépêché un équipage de police à votre domicile dans le but de vous informer ». Dans une réponse au procureur, Fatiha réplique : « Si l’identité de mon fils n’a été établie par la police qu’en début d’après-midi, les journalistes, eux, la connaissaient déjà à 8 heures du matin de même que le ministre de l’Intérieur, et ils le qualifiaient déjà de jeune “très défavorablement connu des services de police“, ce qui est absolument faux ! ».

Récit de Fatiha, Flagrant déni, novembre 2023

Que faire si un de mes proches a été tué par la police ?

En cas d’homicidebook_2 d’un proche, contactez au plus vite une personne de confiance ou un collectif expérimentébook_2 pour vous aider dans les démarches nécessaires. Quand on est en état de choc, une telle aide est essentielle, d’autant que votre mobilisation les premiers jours après le décès sera cruciale pour que les médiasbook_2 et les autorités y accordent de l’intérêt. Si le corps de votre proche n’a plus besoin d’être conservé par la justice pour les besoins de l’enquête, le procureurbook_2 ou le juge. d’instructionbook_2 doit délivrernote « dans les meilleurs délais » l’autorisation de « remise du corps » et le « permis d’inhumer ». Sinon, « un mois à compter de la date de l’autopsie », vous pouvez demander la restitution du corps auprès du procureur ou du juge d’instruction. Ils doivent y répondre dans un délai de quinze jours. Les effets personnels de votre proche doiventnote aussi vous être restitués, sauf ceux « placés sous scellés » (saisis par la justice) pour les besoins de l’enquête. N’hésitez pas à consulter un·e psy. Parfois, les collectifs de soutienbook_2 ou certaines associations d’aide aux victimes peuvent vous orienter. Ensuite, quoi que vous décidiez de faire, et même si ça vous paraît fastidieux, essayez de garder des traces de l’évènementbook_2.

Que faire si j’ai subi des blessures (violences) ?

En cas de violencesbook_2, la priorité, c’est toujours de vous soigner / de prendre soin de vous. En particulier, en cas de blessures à la tête, même d’apparence mineure, allez aux urgences. Face à la gravité de certaines affaires (concernant des décès ou des mutilations), de nombreuses victimes ont tendance à relativiser leurs propres blessures. Pourtant, n’importe quelles violences peuvent avoir un impact moral fort sur la victime selon les circonstances des faits, l’histoire de la personne, etc. Ne vous jugez pas par rapport aux autres et essayez de faire le point sur ce que ça vous fait, à vous. Essayez au moins d’en parler à un·e proche (ou à un collectif de soutien) pour verbaliser la douleur, les difficultés et ne pas les laisser agir tout au fond. N’hésitez pas à consulter un·e psy. Parfois, les collectifs de soutienbook_2 ou certaines associations d’aide aux victimes peuvent vous orienter. Ensuite, quoi que vous décidiez de faire, et même si ça vous paraît fastidieux, essayez de garder les traces de l’évènementbook_2.

Pourquoi et comment garder des traces de l’évènement ?

Il est toujours utile de garder la mémoire de ce qui s’est passé en rédigeant un témoignage. Pour soi : pour pouvoir se rappeler avec précision, ou pour engager des poursuites plus tard, éventuellement. Il n’est pas rare de refuser de déposer plainte juste après les faits, puis de changer d’avis bien plus tard. Si vous diffusez ce témoignage, c’est utile aussi pour tout le monde. D’autres victimes pourront se dire : « Je ne suis pas seule dans ce cas-là ». Le public ne pourra pas se dire : « Je ne savais pas ». Alors, sans tarder :

– Si vous êtes proche d’une victime d’homicide : 1. Notez ou faites noter par quelqu’un les informations qui vous sont données par les autorités (heure où vous êtes prévenu·e, premières informations sur les circonstances du décès, etc.) ou par les premiers témoins book_2. Notez les coordonnées des témoins. 2. Gardez précieusement tous les documents (médicaux, policiers, images, articles de presse, etc.).

– Si vous êtes victime de violences : 1. Prenez des photos de vos blessures. 2. Même si vous ne déposez pas plainte, prenez RDV chez un médecin pour vérifier que vos blessures n’ont pas de conséquences cachées et pour faire établir un certificat médicalbook_2. 3. Même si vous ne le diffusez pas, notez ou faites noter par quelqu’un le récit détaillé des évènementsbook_2. La mémoire s’efface vite !

Quel peut être le rôle de vos proches ?

Si possible, essayez de trouver au moins une personne de confiance pour partager le récit des faitsbook_2, votre ressenti, et vous aider dans vos démarches. Plus vous êtes choqué·e (perte d’un proche, blessure grave), plus c’est important. Surtout, n’acceptez pas que vos proches rendent la victime responsable de ce qui est arrivé (« s’ils l’ont tué, c’est bien qu’il avait quelque chose à se reprocher » ou « tu t’es mis·e en danger » ou autres variantes). C’est fréquent, mais totalement injuste ! Enfin, gardez la maîtrise de l’action. Prenez conseil, mais décidez vous-même si vous voulez engager des suites juridiques, rendre publics les faitsbook_2, donner votre nom, ou pas, etc. Demandez à vos proches de vous aider mais de ne pas faire les choses à votre place. Si vous déposez plainte, au moment d’être auditionné·e puis tout au long de la procédure, vous avez le droit de vous faire accompagnernote par la personne majeure de votre choix : un·e avocatebook_2, un·e proche, un·e membre d’un collectifbook_2 , etc.

Quelles peuvent être les raisons de déposer plainte ?

Les plaintes contre les policiers ou gendarmes sont très souvent classées sans suitebook_2. Mais même dans ce cas, une enquêtebook_2 aura été menée. Vous pourrez en demander communicationbook_2 et obtenir des informations intéressantes. Par exemple : auditions des policiers en cause, de leurs chefs, images de vidéosurveillance, éléments de contexte (disproportion entre les violences éventuelles subies par la police et celles qu’elle a commises, ordres donnés, etc), informations sur la conduite de l’enquêtebook_2 elle-même. Une plainte est donc souvent source de « vérités ». En outre, les affaires d’homicides policiers sont mieux suivies par les médias quand une enquête judiciaire est ouverte. Sinon, elles tombent en général très vite dans l’oubli. Les raisons de déposer plaintebook_2 peuvent être variées. Il s’agit d’un choix personnel : garder une trace, obtenir des explications, une réparation pécuniairebook_2 ou symbolique, etc. Mais aussi politique : dénoncer les faits, les faire condamnerbook_2 officiellement, faire changer des pratiques, empêcher les policiers d’exercerbook_2, dénoncer un traitement judiciaire partialbook_2, etc. Aux premiers stades de l’enquête, la plainte est une procédure assez légère : vous n’aurez qu’à être auditionné·e par la policebook_2. C’est totalement gratuit, sauf si vous prenez un·e avocat·ebook_2.

Quelles peuvent être les raisons de ne pas déposer plainte ?

Les raisons de ne pas déposer plainte peuvent aussi être nombreuses : éviter des représaillesbook_2, ne pas vouloir affronter la police en auditionbook_2, ne pas faire confiance à la justice, avoir envie de tourner la page et de passer à autre chose, éviter d’ajouter une violence judiciaire (classement sans suite, discours culpabilisants) à la violence policière, etc. Si un de vos proches a été tué par la police, une plainte n’est pas forcément nécessaire dans les premiers temps car la justice doit ouvrir une enquête d’office immédiatementbook_2. La plainte est une « réponse » aux faits, mais pas la seule. D’autres voies sont possibles : vous pouvez saisir le Défenseur des droitsbook_2 ou faire un simple signalement à l’IGPN ou l’IGGNbook_2. Vous pouvez aussi décider de médiatiser les faitsbook_2, ou au moins diffuser votre témoignage, même anonymement. Enfin, vous pouvez décider de ne rien faire. Entourez-vous de conseils de collectifs expérimentésbook_2 et/ou de proches. Mais la décision vous appartient, et à vous seul·e.

Comment médiatiser et dénoncer les faits ?

L’expérience montre que les affaires les mieux prises en compte par les autorités (traitement judiciaire notamment) sont les plus médiatisées. D’abord, si des images des évènementsbook_2 existent, vous pouvez choisir de les diffuser sur des réseaux sociaux ou auprès de médias. Vous pouvez aussi tenter de contacter directement des médias. Dans ce cas, essayez au préalable de prendre contact avec un collectif expérimentébook_2 pour vous orienter vers des journalistes de confiance. Si vous parlez à la presse, n’hésitez pas à demander à rester anonyme et à relire vos citations avant publication. Enfin, les médias eux-mêmes sont très sensibles aux mobilisations politiques. Vous pouvez organiser des actions de dénonciation : rassemblement, manifestation, conférence de presse, etc. Les médias sont également sensibles aux réactions des élu·es : vous pouvez tenter d’en contacter pour les faire intervenir publiquement. Plus les réactions (manifestations, paroles d’élu·es, etc) ont lieu tôt après les faits, plus elles auront de chances d’attirer l’attention. Après quelques jours, la plupart des journaux auront tendance à estimer que l’actualité est passée, et à se désintéresser de l’affaire.

Comment faire pour empêcher les policiers violents de continuer d’exercer ?

En France, contrairement à ce que préconise la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH)book_2, il n’existe aucune procédure qui permette à la victime d’obtenir des sanctions disciplinairesbook_2 contre les policiers. Mais des pistes existent. Ces sanctions peuvent être prises (ou pas) par la hiérarchie dans le cadre d’une enquête administrativebook_2, qui est indépendante de l’enquête judiciaire menée suite à la plainte. Mais pour déclencher cette enquête, la plainte est en pratique quasi incontournable. Seule l’enquête judiciairebook_2 peut vous donner suffisamment de matière (identification des policiers, détails sur les fautes commises) pour demander ensuite à ce que des sanctions disciplinaires soient prises. Une saisine du Défenseur des droits (DDD)book_2 peut aboutir à une demande de sanctions, mais le DDD ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte en la matière. En pratique, seuls les tribunaux pénauxbook_2 semblent encore prononcer des sanctions disciplinaires sévères (suspension, exclusion) en cas de violences policières. Ils en ont le pouvoirbook_2.

Qu’est-ce que le Défenseur des droits (DDD) ?

Si vous souhaitez l’ouverture d’une enquête sans passer par le dépôt de plainte, vous pouvez saisir le Défenseur des droits (DDD). Cet organe national dispose d’un service « déontologie » qui mène ses propres investigations, indépendamment de l’enquête judiciaire éventuelle. Il est libre de donner suite ou pas à votre saisine, mais doitnote justifier sa décision. Le DDD dispose d’un certain nombre de prérogatives. Par exemple, il peut entendrenote des policiers ou demandernote communication de vidéosurveillances, y compris en urgence (elles sont en général vite détruitesbook_2). Si la justice est saisie en parallèle, le DDD doitnote lui demander son accord pour faire sa propre enquête, ce qui peut générer d’importants délais. Mais ça ne l’empêche pas de saisir des vidéos. Le DDD peut faire des recommandationsnote et demandernote des sanctions disciplinaires. En revanche, il ne peut pas les prononcer directement, ce qui limite fortement ses pouvoirs. En outre, ses moyens réduits limitent souvent sa capacité d’intervention et sa réactivité. Il peutnote rendre publics ses décisions et avis. Vous pouvez saisir le DDD en lignenote ou par courrier (sans affranchissement).

Défenseure des droits : « moyens très réduits »

La Défenseure des droits est effectivement très indépendante par rapport à la moyenne des organes indépendants de l’Union européenne. Mais, en réalité, elle ne dispose que de moyens très réduits et se retrouve de fait empêchée de mener à bien sa mission. […] Un organisme privé de ressources ne peut traiter toutes les plaintes qu’il reçoit. Donc, il perd en crédibilité et en reçoit encore moins. Il faudrait instaurer un mécanisme vertueux : des États qui permettent au mécontentement de leur population vis-à-vis de la police de s’exprimer, et de recevoir une réponse officielle effective. Pas d’indépendance réelle sans ressources. Dans l’idéal, [l’organe du Défenseur] devrait non seulement être indépendant et doté de manière satisfaisante mais, en outre, disposer de pouvoirs comme celui de prononcer des sanctions disciplinaires. […] Rien de tel en France. En quittant son mandat de défenseur des droits en juillet 2020, Jacques Toubon avait expliqué qu’aucune recommandation de sanction disciplinaire qu’il avait formulée n’avait été prise en considération par le ministère de l’intérieur.

Le sociologue Sébastian Roché dans Le Monde, mars 2023

A quoi servent les plateformes de signalement de l’IGPN et de l’IGGN ?

Vous pouvez faire un « signalement » sur la plateforme de l’inspection générale de la police nationalebook_2 (IGPN, pour les faits commis par des policiers) ou de l’inspection générale de la gendarmerie nationalebook_2 (IGGN, pour les faits commis par des gendarmes). Comme son nom l’indique, cette plateforme ne permet que de « signaler » officiellement un fait aux inspections. Attention : ces plateformes ne sont pas des services de plainte en ligne ! Les inspections peuvent transmettre votre signalement au procureur de la Républiquebook_2 pour qu’une enquête judiciaire soit ouverte, mais elles n’y sont pas obligées. L’IGPN et l’IGGN sont également libres d’ouvrir une enquête administrative, ou pas (3/4 des signalements IGPN 2021 jugés « recevables » n’ont fait l’objet d’aucune enquête). Elles ne vous informeront pas. Bref, il ne faut en général attendre aucune suite d’un signalement.

Comment obtenir une indemnisation ?

Vous pouvez obtenir une indemnisation pour « réparer » votre préjudicebook_2. En général, vous devrez toujours prouver que l’origine du décès de votre proche ou de vos blessures est bien policièrebook_2. Par conséquent, vous devrez déposer plaintebook_2 avant toute demande d’indemnisation. Mais un simple dossier d’enquête récupéré après un classement sans suitebook_2 peut parfois suffire. Le régime d’indemnisation diffère selon que vous souhaitez obtenir réparation de l’Étatbook_2 ou des policiers personnellement responsablesbook_2. Dans ce dernier cas, il faudra que l’enquête permette de les identifier. Les policiers sont considérés comme individuellement responsables si les violences qu’ils ont commises sont gravement disproportionnéesnote. La responsabilité de l’État est de manière générale moins difficile à prouver. Des procédures peuvent éventuellement vous permettre d’obtenir une indemnisation provisoire avant l’issue définitive du procès, souvent très longue. Il s’agit des « référés-provision »book_2 et de la CIVIbook_2. Devant le tribunal pénalbook_2, il est vivement conseillé de demander une « provision »book_2 qui devra vous être allouée même en cas d’appel par les policiers condamnés.

Qu’est-ce qu’un « référé-provision » ?

Si vous souhaitez obtenir une indemnisation avant la fin du procès, vous pouvez déposer un « référé-provision ». C’est possiblenote devant le tribunal administratifbook_2 si vous souhaitez obtenir une indemnisation de la part de l’État. C’est aussi possiblenote devant le tribunal pénalbook_2 si vous souhaitez obtenir une indemnisation de la part des policiers. Attention : votre droit à indemnisation ne doit pas être « sérieusement contestable », ce qui signifie que l’enquête doit être suffisamment avancée pour que les responsabilités soient déjà bien établies. Ce peut être utile par exemple quand les policiers sont renvoyés devant un tribunal. L’audience peut intervenir tard, le jugement sur votre indemnisation peut intervenir encore plus tardbook_2, et il peut y avoir appel (ce n’est pas rare). Faites appel à un·e avocat·e spécialisé·ebook_2 pour savoir si vous pouvez y prétendre, ou pas.

A quoi sert la « Commission d’indemnisation des victimes d’infraction » (CIVI) ?

Vous pouveznote saisir la CIVI pour obtenir l’indemnisation de votre préjudice, s’il est suffisamment gravebook_2 et s’il est le résultat d’une infractionbook_2. Vous deveznote saisir la CIVI au plus tard 3 ans après les faits (avec certaines possibilités de prolongement). En théorie, la CIVI statue de manière autonome et n’a pas à attendre le résultat de l’enquête pour se prononcer. Vous pouvez saisir la CIVI même si vous n’avez pas saisi la justice pénale. Cependant, vous devrez quand même prouver que vous avez été victime d’un fait susceptible d’être qualifié d’« infraction » comme des violences ou un homicidebook_2. Une l’enquête du procureurbook_2, même classée sans suite peut vous aider à rapporter cette preuve. En outre, la CIVI examinenote si les policiers bénéficiaient d’une cause « d’exonération de responsabilité » (comme la légitime défense par exemple). Donc l’indemnisation sera souvent difficile à obtenir.

Les victimes de violences policières privées d’indemnisation provisoire ?

Gabriel Pontonnier, mutilé le 24 novembre 2018 à Paris par une grenade à effet de souffle, s’est vu refuser une indemnisation provisoire. Pour les victimes de violences policières, la décision récente vient de donner un sérieux coup d’arrêt à cette […] possibilité. En clair, dans ce dossier, la cour d’appel refuse de remplir l’une des deux missions de la CIVI, à savoir indemniser la victime avant la fin du procès. Ce n’est pas une première : en juin 2022, la même cour d’appel de Paris avait annulé l’indemnisation provisoire octroyée par la CIVI à Jérôme Rodrigues, éborgné le 26 janvier 2019. Les deux décisions de la cour d’appel de Paris s’appuient sur l’existence d’une situation « chaotique » au moment du tir. Le problème, c’est que ce « chaos » est très souvent invoqué par la police quand elle est mise en cause dans des violences commises en maintien de l’ordre. Si la justice suit ce raisonnement, il n’y aura tout bonnement plus d’indemnisation provisoire des victimes de violences policières en manifestation devant la CIVI, avant la fin des procès. La question est en passe d’être prochainement tranchée par la Cour de cassation (la plus haute juridiction judiciaire, qui aura donc le dernier mot). Jérôme Rodrigues a fait un « pourvoi » contre la décision de la cour d’appel.

Flagrant déni, mai 2023

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Guide pour les victimes de violences policières,
en 17 fiches pratiques et juridiques

Version 2.1 publiée le 23/11/2023

Je suis victime ou proche d’une victime de la police

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Si vous êtes proche d’une personne tuée par la police, cherchez une personne de confiance pour vous aider dans vos démarches. Quand on est en état de choc, une telle aide est cruciale. Si vous avez été blessé·e, avant tout, soignez-vous ! Dans tous les cas, conservez le récit de ce qui est arrivé. Ensuite, plusieurs options s’ouvrent à vous : déposer plainte, médiatiser, organiser des rassemblements, ne rien faire : à vous et vous seul·e de choisir.

Dans cette fiche :

Que se passe-t-il quand un de mes proches a été tué par la police ?
Que faire si un de mes proches a été tué par la police (homicide) ?
Que faire si j’ai subi des blessures (violences) ?
Pourquoi et comment garder des traces de l’événement ?
Quel peut être le rôle de vos proches ?
Quelles peuvent être les raisons de déposer plainte ?
Quelles peuvent être les raisons de ne pas déposer plainte ?
Comment médiatiser et dénoncer les faits ?
Comment faire pour empêcher les policiers violents de continuer d’exercer ?
Qu’est-ce que le Défenseur des droits (DDD) ?
A quoi servent les plateformes de signalement de l’IGPN et de l’IGGN ?
Comment obtenir une indemnisation ?
Qu’est-ce qu’un « référé-provision » ?
A quoi sert la « Commission d’indemnisation des victimes d’infraction » (CIVI) ?

Que se passe-t-il quand un de mes proches a été tué par la police ?

En principe, le « membre de la famille le plus proche » d’une personne décédée de mort violente doitnote être prévenu « dans un délai rapide, même durant la nuit ». L’annonce doit avoir lieu en face à face, ou par téléphone en cas d’urgence (par exemple pour « éviter une annonce par les médias »). Une enquête doit être diligentée « immédiatement » book_2 par le procureurbook_2. L’annonce du décès doit être effectuée par les officiers de police judiciaire (OPJ) en charge de l’enquête, mais le maire peut être appelé à remplir ce rôle, par exemple en cas de « conflit des proches avec les forces de l’ordre ». En pratique, les cas d’annonce brutale par téléphone, voire d’absence d’annonce directe ne sont pas rares. Si une autopsiebook_2 est décidée, vous devez être prévenu·e « dans les meilleurs délais » qu’elle va avoir ou a eu lieu. Vous deveznote accéder au corps de votre proche (après autopsie s’il y en a eu une) sauf « pour des raisons de santé publique » (cas rare d’infections transmissiblesnote).

Décès annoncé aux médias, pas à la famille

Fatiha écrit au procureur. « J’ai perdu mon enfant unique, autant dire l’essentiel. À la violence de cet arrachement s’ajoute une autre violence, institutionnelle : Dans le déroulement des événements, aucun officier de police judiciaire n’a jugé utile, nécessaire, digne, de m’informer, pas même au téléphone. Mon fils était immédiatement identifiable, mes coordonnées étaient disponibles. Néanmoins, ce sont la rue, la presse, le voisinage qui ont amené la rumeur jusqu’à moi ». En réponse, le procureur affirme : « dès que l’identité de votre fils a pu être établie de manière certaine par l’enquête, soit le 19 août 2022 en début d’après-midi, la Sûreté départementale du Rhône […] a alors dépêché un équipage de police à votre domicile dans le but de vous informer ». Dans une réponse au procureur, Fatiha réplique : « Si l’identité de mon fils n’a été établie par la police qu’en début d’après-midi, les journalistes, eux, la connaissaient déjà à 8 heures du matin de même que le ministre de l’Intérieur, et ils le qualifiaient déjà de jeune “très défavorablement connu des services de police“, ce qui est absolument faux ! ».

Récit de Fatiha, Flagrant déni, novembre 2023

Que faire si un de mes proches a été tué par la police ?

En cas d’homicidebook_2 d’un proche, contactez au plus vite une personne de confiance ou un collectif expérimentébook_2 pour vous aider dans les démarches nécessaires. Quand on est en état de choc, une telle aide est essentielle, d’autant que votre mobilisation les premiers jours après le décès sera cruciale pour que les médiasbook_2 et les autorités y accordent de l’intérêt. Si le corps de votre proche n’a plus besoin d’être conservé par la justice pour les besoins de l’enquête, le procureurbook_2 ou le juge. d’instructionbook_2 doit délivrernote « dans les meilleurs délais » l’autorisation de « remise du corps » et le « permis d’inhumer ». Sinon, « un mois à compter de la date de l’autopsie », vous pouvez demander la restitution du corps auprès du procureur ou du juge d’instruction. Ils doivent y répondre dans un délai de quinze jours. Les effets personnels de votre proche doiventnote aussi vous être restitués, sauf ceux « placés sous scellés » (saisis par la justice) pour les besoins de l’enquête. N’hésitez pas à consulter un·e psy. Parfois, les collectifs de soutienbook_2 ou certaines associations d’aide aux victimes peuvent vous orienter. Ensuite, quoi que vous décidiez de faire, et même si ça vous paraît fastidieux, essayez de garder des traces de l’évènementbook_2.

Que faire si j’ai subi des blessures (violences) ?

En cas de violencesbook_2, la priorité, c’est toujours de vous soigner / de prendre soin de vous. En particulier, en cas de blessures à la tête, même d’apparence mineure, allez aux urgences. Face à la gravité de certaines affaires (concernant des décès ou des mutilations), de nombreuses victimes ont tendance à relativiser leurs propres blessures. Pourtant, n’importe quelles violences peuvent avoir un impact moral fort sur la victime selon les circonstances des faits, l’histoire de la personne, etc. Ne vous jugez pas par rapport aux autres et essayez de faire le point sur ce que ça vous fait, à vous. Essayez au moins d’en parler à un·e proche (ou à un collectif de soutien) pour verbaliser la douleur, les difficultés et ne pas les laisser agir tout au fond. N’hésitez pas à consulter un·e psy. Parfois, les collectifs de soutienbook_2 ou certaines associations d’aide aux victimes peuvent vous orienter. Ensuite, quoi que vous décidiez de faire, et même si ça vous paraît fastidieux, essayez de garder les traces de l’évènementbook_2.

Pourquoi et comment garder des traces de l’évènement ?

Il est toujours utile de garder la mémoire de ce qui s’est passé en rédigeant un témoignage. Pour soi : pour pouvoir se rappeler avec précision, ou pour engager des poursuites plus tard, éventuellement. Il n’est pas rare de refuser de déposer plainte juste après les faits, puis de changer d’avis bien plus tard. Si vous diffusez ce témoignage, c’est utile aussi pour tout le monde. D’autres victimes pourront se dire : « Je ne suis pas seule dans ce cas-là ». Le public ne pourra pas se dire : « Je ne savais pas ». Alors, sans tarder :

– Si vous êtes proche d’une victime d’homicide : 1. Notez ou faites noter par quelqu’un les informations qui vous sont données par les autorités (heure où vous êtes prévenu·e, premières informations sur les circonstances du décès, etc.) ou par les premiers témoinsbook_2. Notez les coordonnées des témoins. 2. Gardez précieusement tous les documents (médicaux, policiers, images, articles de presse, etc.).

– Si vous êtes victime de violences : 1. Prenez des photos de vos blessures. 2. Même si vous ne déposez pas plainte, prenez RDV chez un médecin pour vérifier que vos blessures n’ont pas de conséquences cachées et pour faire établir un certificat médicalbook_2. 3. Même si vous ne le diffusez pas, notez ou faites noter par quelqu’un le récit détaillé des évènementsbook_2. La mémoire s’efface vite !

Quel peut être le rôle de vos proches ?

Si possible, essayez de trouver au moins une personne de confiance pour partager le récit des faitsbook_2, votre ressenti, et vous aider dans vos démarches. Plus vous êtes choqué·e (perte d’un proche, blessure grave), plus c’est important. Surtout, n’acceptez pas que vos proches rendent la victime responsable de ce qui est arrivé (« s’ils l’ont tué, c’est bien qu’il avait quelque chose à se reprocher » ou « tu t’es mis·e en danger » ou autres variantes). C’est fréquent, mais totalement injuste ! Enfin, gardez la maîtrise de l’action. Prenez conseil, mais décidez vous-même si vous voulez engager des suites juridiques, rendre publics les faitsbook_2, donner votre nom, ou pas, etc. Demandez à vos proches de vous aider mais de ne pas faire les choses à votre place. Si vous déposez plainte, au moment d’être auditionné·e puis tout au long de la procédure, vous avez le droit de vous faire accompagnernote par la personne majeure de votre choix : un·e avocatebook_2, un·e proche, un·e membre d’un collectifbook_2 , etc.

Quelles peuvent être les raisons de déposer plainte ?

Les plaintes contre les policiers ou gendarmes sont très souvent classées sans suitebook_2. Mais même dans ce cas, une enquêtebook_2 aura été menée. Vous pourrez en demander communicationbook_2 et obtenir des informations intéressantes. Par exemple : auditions des policiers en cause, de leurs chefs, images de vidéosurveillance, éléments de contexte (disproportion entre les violences éventuelles subies par la police et celles qu’elle a commises, ordres donnés, etc), informations sur la conduite de l’enquêtebook_2 elle-même. Une plainte est donc souvent source de « vérités ». En outre, les affaires d’homicides policiers sont mieux suivies par les médias quand une enquête judiciaire est ouverte. Sinon, elles tombent en général très vite dans l’oubli. Les raisons de déposer plaintebook_2 peuvent être variées. Il s’agit d’un choix personnel : garder une trace, obtenir des explications, une réparation pécuniairebook_2 ou symbolique, etc. Mais aussi politique : dénoncer les faits, les faire condamnerbook_2 officiellement, faire changer des pratiques, empêcher les policiers d’exercerbook_2, dénoncer un traitement judiciaire partialbook_2, etc. Aux premiers stades de l’enquête, la plainte est une procédure assez légère : vous n’aurez qu’à être auditionné·e par la policebook_2. C’est totalement gratuit, sauf si vous prenez un·e avocat·ebook_2.

Quelles peuvent être les raisons de ne pas déposer plainte ?

Les raisons de ne pas déposer plainte peuvent aussi être nombreuses : éviter des représaillesbook_2, ne pas vouloir affronter la police en auditionbook_2, ne pas faire confiance à la justice, avoir envie de tourner la page et de passer à autre chose, éviter d’ajouter une violence judiciaire (classement sans suite, discours culpabilisants) à la violence policière, etc. Si un de vos proches a été tué par la police, une plainte n’est pas forcément nécessaire dans les premiers temps car la justice doit ouvrir une enquête d’office immédiatementbook_2. La plainte est une « réponse » aux faits, mais pas la seule. D’autres voies sont possibles : vous pouvez saisir le Défenseur des droitsbook_2 ou faire un simple signalement à l’IGPN ou l’IGGNbook_2. Vous pouvez aussi décider de médiatiser les faitsbook_2, ou au moins diffuser votre témoignage, même anonymement. Enfin, vous pouvez décider de ne rien faire. Entourez-vous de conseils de collectifs expérimentésbook_2 et/ou de proches. Mais la décision vous appartient, et à vous seul·e.

Comment médiatiser et dénoncer les faits ?

L’expérience montre que les affaires les mieux prises en compte par les autorités (traitement judiciaire notamment) sont les plus médiatisées. D’abord, si des images des évènementsbook_2 existent, vous pouvez choisir de les diffuser sur des réseaux sociaux ou auprès de médias. Vous pouvez aussi tenter de contacter directement des médias. Dans ce cas, essayez au préalable de prendre contact avec un collectif expérimentébook_2 pour vous orienter vers des journalistes de confiance. Si vous parlez à la presse, n’hésitez pas à demander à rester anonyme et à relire vos citations avant publication. Enfin, les médias eux-mêmes sont très sensibles aux mobilisations politiques. Vous pouvez organiser des actions de dénonciation : rassemblement, manifestation, conférence de presse, etc. Les médias sont également sensibles aux réactions des élu·es : vous pouvez tenter d’en contacter pour les faire intervenir publiquement. Plus les réactions (manifestations, paroles d’élu·es, etc) ont lieu tôt après les faits, plus elles auront de chances d’attirer l’attention. Après quelques jours, la plupart des journaux auront tendance à estimer que l’actualité est passée, et à se désintéresser de l’affaire.

Comment faire pour empêcher les policiers violents de continuer d’exercer ?

En France, contrairement à ce que préconise la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH)book_2, il n’existe aucune procédure qui permette à la victime d’obtenir des sanctions disciplinairesbook_2 contre les policiers. Mais des pistes existent. Ces sanctions peuvent être prises (ou pas) par la hiérarchie dans le cadre d’une enquête administrativebook_2, qui est indépendante de l’enquête judiciaire menée suite à la plainte. Mais pour déclencher cette enquête, la plainte est en pratique quasi incontournable. Seule l’enquête judiciairebook_2 peut vous donner suffisamment de matière (identification des policiers, détails sur les fautes commises) pour demander ensuite à ce que des sanctions disciplinaires soient prises. Une saisine du Défenseur des droits (DDD)book_2 peut aboutir à une demande de sanctions, mais le DDD ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte en la matière. En pratique, seuls les tribunaux pénauxbook_2 semblent encore prononcer des sanctions disciplinaires sévères (suspension, exclusion) en cas de violences policières. Ils en ont le pouvoirbook_2.

Qu’est-ce que le Défenseur des droits (DDD) ?

Si vous souhaitez l’ouverture d’une enquête sans passer par le dépôt de plainte, vous pouvez saisir le Défenseur des droits (DDD). Cet organe national dispose d’un service « déontologie » qui mène ses propres investigations, indépendamment de l’enquête judiciaire éventuelle. Il est libre de donner suite ou pas à votre saisine, mais doitnote justifier sa décision. Le DDD dispose d’un certain nombre de prérogatives. Par exemple, il peut entendrenote des policiers ou demandernote communication de vidéosurveillances, y compris en urgence (elles sont en général vite détruitesbook_2). Si la justice est saisie en parallèle, le DDD doitnote lui demander son accord pour faire sa propre enquête, ce qui peut générer d’importants délais. Mais ça ne l’empêche pas de saisir des vidéos. Le DDD peut faire des recommandationsnote et demandernote des sanctions disciplinaires. En revanche, il ne peut pas les prononcer directement, ce qui limite fortement ses pouvoirs. En outre, ses moyens réduits limitent souvent sa capacité d’intervention et sa réactivité. Il peutnote rendre publics ses décisions et avis. Vous pouvez saisir le DDD en lignenote ou par courrier (sans affranchissement).

Défenseure des droits : « moyens très réduits »

La Défenseure des droits est effectivement très indépendante par rapport à la moyenne des organes indépendants de l’Union européenne. Mais, en réalité, elle ne dispose que de moyens très réduits et se retrouve de fait empêchée de mener à bien sa mission. […] Un organisme privé de ressources ne peut traiter toutes les plaintes qu’il reçoit. Donc, il perd en crédibilité et en reçoit encore moins. Il faudrait instaurer un mécanisme vertueux : des États qui permettent au mécontentement de leur population vis-à-vis de la police de s’exprimer, et de recevoir une réponse officielle effective. Pas d’indépendance réelle sans ressources. Dans l’idéal, [l’organe du Défenseur] devrait non seulement être indépendant et doté de manière satisfaisante mais, en outre, disposer de pouvoirs comme celui de prononcer des sanctions disciplinaires. […] Rien de tel en France. En quittant son mandat de défenseur des droits en juillet 2020, Jacques Toubon avait expliqué qu’aucune recommandation de sanction disciplinaire qu’il avait formulée n’avait été prise en considération par le ministère de l’intérieur.

Le sociologue Sébastian Roché dans Le Monde, mars 2023

A quoi servent les plateformes de signalement de l’IGPN et de l’IGGN ?

Vous pouvez faire un « signalement » sur la plateforme de l’inspection générale de la police nationalebook_2 (IGPN, pour les faits commis par des policiers) ou de l’inspection générale de la gendarmerie nationalebook_2 (IGGN, pour les faits commis par des gendarmes). Comme son nom l’indique, cette plateforme ne permet que de « signaler » officiellement un fait aux inspections. Attention : ces plateformes ne sont pas des services de plainte en ligne ! Les inspections peuvent transmettre votre signalement au procureur de la Républiquebook_2 pour qu’une enquête judiciaire soit ouverte, mais elles n’y sont pas obligées. L’IGPN et l’IGGN sont également libres d’ouvrir une enquête administrative, ou pas (3/4 des signalements IGPN 2021 jugés « recevables » n’ont fait l’objet d’aucune enquête). Elles ne vous informeront pas. Bref, il ne faut en général attendre aucune suite d’un signalement.

Comment obtenir une indemnisation ?

Vous pouvez obtenir une indemnisation pour « réparer » votre préjudicebook_2. En général, vous devrez toujours prouver que l’origine du décès de votre proche ou de vos blessures est bien policièrebook_2. Par conséquent, vous devrez déposer plaintebook_2 avant toute demande d’indemnisation. Mais un simple dossier d’enquête récupéré après un classement sans suitebook_2 peut parfois suffire. Le régime d’indemnisation diffère selon que vous souhaitez obtenir réparation de l’Étatbook_2 ou des policiers personnellement responsablesbook_2. Dans ce dernier cas, il faudra que l’enquête permette de les identifier. Les policiers sont considérés comme individuellement responsables si les violences qu’ils ont commises sont gravement disproportionnéesnote. La responsabilité de l’État est de manière générale moins difficile à prouver. Des procédures peuvent éventuellement vous permettre d’obtenir une indemnisation provisoire avant l’issue définitive du procès, souvent très longue. Il s’agit des « référés-provision »book_2 et de la CIVIbook_2. Devant le tribunal pénalbook_2, il est vivement conseillé de demander une « provision »book_2 qui devra vous être allouée même en cas d’appel par les policiers condamnés.

Qu’est-ce qu’un « référé-provision » ?

Si vous souhaitez obtenir une indemnisation avant la fin du procès, vous pouvez déposer un « référé-provision ». C’est possiblenote devant le tribunal administratifbook_2 si vous souhaitez obtenir une indemnisation de la part de l’État. C’est aussi possiblenote devant le tribunal pénalbook_2 si vous souhaitez obtenir une indemnisation de la part des policiers. Attention : votre droit à indemnisation ne doit pas être « sérieusement contestable », ce qui signifie que l’enquête doit être suffisamment avancée pour que les responsabilités soient déjà bien établies. Ce peut être utile par exemple quand les policiers sont renvoyés devant un tribunal. L’audience peut intervenir tard, le jugement sur votre indemnisation peut intervenir encore plus tardbook_2, et il peut y avoir appel (ce n’est pas rare). Faites appel à un·e avocat·e spécialisé·ebook_2 pour savoir si vous pouvez y prétendre, ou pas.

A quoi sert la « Commission d’indemnisation des victimes d’infraction » (CIVI) ?

Vous pouveznote saisir la CIVI pour obtenir l’indemnisation de votre préjudice, s’il est suffisamment gravebook_2 et s’il est le résultat d’une infractionbook_2. Vous deveznote saisir la CIVI au plus tard 3 ans après les faits (avec certaines possibilités de prolongement). En théorie, la CIVI statue de manière autonome et n’a pas à attendre le résultat de l’enquête pour se prononcer. Vous pouvez saisir la CIVI même si vous n’avez pas saisi la justice pénale. Cependant, vous devrez quand même prouver que vous avez été victime d’un fait susceptible d’être qualifié d’« infraction » comme des violences ou un homicidebook_2. Une l’enquête du procureurbook_2, même classée sans suite peut vous aider à rapporter cette preuve. En outre, la CIVI examinenote si les policiers bénéficiaient d’une cause « d’exonération de responsabilité » (comme la légitime défense par exemple). Donc l’indemnisation sera souvent difficile à obtenir.

Les victimes de violences policières privées d’indemnisation provisoire ?

Gabriel Pontonnier, mutilé le 24 novembre 2018 à Paris par une grenade à effet de souffle, s’est vu refuser une indemnisation provisoire. Pour les victimes de violences policières, la décision récente vient de donner un sérieux coup d’arrêt à cette […] possibilité. En clair, dans ce dossier, la cour d’appel refuse de remplir l’une des deux missions de la CIVI, à savoir indemniser la victime avant la fin du procès. Ce n’est pas une première : en juin 2022, la même cour d’appel de Paris avait annulé l’indemnisation provisoire octroyée par la CIVI à Jérôme Rodrigues, éborgné le 26 janvier 2019. Les deux décisions de la cour d’appel de Paris s’appuient sur l’existence d’une situation « chaotique » au moment du tir. Le problème, c’est que ce « chaos » est très souvent invoqué par la police quand elle est mise en cause dans des violences commises en maintien de l’ordre. Si la justice suit ce raisonnement, il n’y aura tout bonnement plus d’indemnisation provisoire des victimes de violences policières en manifestation devant la CIVI, avant la fin des procès. La question est en passe d’être prochainement tranchée par la Cour de cassation (la plus haute juridiction judiciaire, qui aura donc le dernier mot). Jérôme Rodrigues a fait un « pourvoi » contre la décision de la cour d’appel.

Flagrant déni, mai 2023

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