Guide pour les victimes de violences policières,
en 17 fiches pratiques et juridiques

Version 2.2 publiée le 13/03/2024

Victime mise en cause
par la police

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Une plainte de la part des policiers induit des mécanismes qui aggravent encore les conditions de traitement de votre plainte pour violences policières. Voici quelques conseils pour tenter de rééquilibrer la balance. Lors de votre audition en garde-à-vue, décrivez dans le détail ce qui vous est arrivé, vérifiez que ce soit bien noté sur le procès-verbal, et demandez à voir un médecin.

Dans cette fiche :

Que faire en cas de mise en cause par la police ?
Quand déposer plainte si je suis poursuivi·e ?
Comment intervient le médecin en garde-à-vue ?
Comment sont traitées votre plainte et celle des policiers ?
La plainte peut-elle être sous-traitée aux collègues des policiers mis en cause ?
Dans quels délais les plaintes sont-elles jugées ?

Que faire en cas de mise en cause par la police ?

Plusieurs scénarios sont possibles : Scénario n°1 : Vous êtes interpellé·e, placé·e en garde à vue, et poursuivi·e (par exemple pour outrages, menaces, rébellion, ou pour toute autre infraction). Demandez à être vu par un médecinbook_2. Scénario n°2 : Vous êtes convoqué·e pour une audition libre dans le cadre d’une enquête préliminaire décidée par le procureur ou par un officier de police judiciaire (OPJ). Dans ces deux cas, lisez ou relisez tous les documentsbook_2 que la police vous fait signer et ne cédez à aucune pression. A défaut, refusez de signer. Demandez à être assisté·e par un·e avocat·ebook_2 de votre choix ou commis·e d’office. A défaut de conseils d’un·e avocat·e, gardez le silence. Scénario n°3 : Vous n’êtes pas poursuivi·e, mais pensez que vous avez de bonnes chances de l’être, même pour des faits mineurs, ou vous êtes implicitement ou explicitement menacé·e de poursuites à votre tour si vous déposez plainte. Faites appel à un·e avocat·e et/ou à un collectifbook_2 pour vous conseiller.

« Cette procédure risque de se retourner contre moi »

« Quand je suis arrivé au commissariat, ils ne m’ont même pas pris mes empreintes, ni expliqué ce qu’ils me reprochaient, et ils m’ont mis en cellule. Là, un médecin est venu et il a dit que ça valait le coup de m’emmener aux urgences. Ma rotule était pétée. À l’hôpital, il y avait toujours un équipage en uniforme qui me gardait. Et puis le lendemain matin, ça devait vers les 9h, un flic en civil est venu me voir, assez cordial, il ne m’a pas du tout parlé de ce qui justifiait ma garde à vue, il voulait savoir d’où venaient mes blessures, à la fin il m’a dit « portez-vous bien ». Peu de temps après, comme je rentrais au bloc pour être opéré, c’est l’anesthésiste qui m’a annoncé que ma garde à vue était levée. » Depuis Jean-Pierre n’a plus jamais reçu aucune nouvelle de la justice. Il n’a pas voulu donner une suite judiciaire à ses blessures, notamment « parce qu’il y a cette procédure [la garde à vue interrompue] qui risque de se retourner contre moi si je saisis la justice

Témoignage, Flagrant déni, novembre 2020

Quand déposer plainte si je suis poursuivi·e ?

Lors de votre audition (scénarios n°1 et 2), décrivez dans le détailbook_2 ce qui vous est arrivé. Insistez pour que ce soit bien transcrit sur le procès-verbal. Si vous le souhaitez, n’hésitez pas à dire que vous déposez plaintebook_2. Les services de police n’ont aucun droitnote de le refuser. Le risque de représailles supplémentaires est faible car les poursuites sont déjà lancées contre vous. Avant de signer le procès-verbal, vérifiez que votre demande a été retranscrite ! Si vous craignez des poursuites à venir (scénario n°3), agissez après mûre réflexion. Les représailles judiciaires après une plainte semblent plutôt rares : en général, les fonctionnaires se « couvrent » avec des outrages, rébellion, etc., bien avant que vous ayez le temps de déposer plainte. En revanche, la vengeance peut prendre bien d’autres formes : contrôles répétés, amendes abusives, etc. Si possible, n’attendez pas la fin de la procédure contre vous (abandon des poursuites, audience au tribunal, etc.) pour agir. L’enquête menée suite à votre plaintebook_2 peut vous aider à vous défendre. Il y a aussi de fortes chances qu’après des mois passés sur votre dossier de poursuites, vous ayez envie de passer à autre chosebook_2.

« Si tu déposes plainte, ils risquent de te faire une procédure dans le cul »

« Tu parles pas de ce que tu as eu, que tu as passé la nuit à l’hôpital. Tu dis : “J’ai fait un petit malaise parce qu’il faisait chaud et j’ai pris un coup sur la tête. Mais rien de grave.” » Voici le conseil menaçant que Pascal, [policier] en fonction à la division centre de Marseille, a donné à Otman, victime de multiples fractures au visage après avoir été frappé par des policiers. Ces paroles […] ont été enregistrées lors d’un échange téléphonique [dans lequel] resurgit à plusieurs reprises le fait qu’Otman n’a pas été poursuivi par la justice alors même qu’il a été interpellé à sa sortie du tabac pillé. […] Les policiers ont « fait une fleur » à Otman, soutient Pascal. « Si c’est un peu trop médiatisé […], les collègues, ils vont dire : “Ah mais lui, il nous chie dans les bottes, on va reprendre son dossier. Il était là, on s’est pas occupés de lui.” Hop ! ils risquent de te refaire une procédure dans le cul. Tu vois ce que je veux dire ? », insiste Pascal. « [Si tu déposes plainte,] tu vas le regretter. Et surtout, tu vas passer dans les journaux. On va voir ta tête. Comme quoi t’es un cambrioleur, comme quoi t’es un émeutier. Je te le dis ! »

Marsactu / Médiapart, août 2023

Comment intervient le médecin en garde à vue ?

La personne gardée à vue doit pouvoirnote « être examinée par un médecin », soit « à [sa] demande » soit à la demande d’« un membre de sa famille ». Sauf« circonstance insurmontable », les enquêteurs doivent requérir le médecin « dans un délai de trois heures » après la demande. Sauf « décision contraire du médecin, » l’examen « doit être pratiqué à l’abri du regard et de toute écoute extérieure ». N’hésitez pas à le rappeler aux policiers… et au médecin. Ce dernier doit se prononcer sur l’aptitude au maintien en garde à vue, mais également procéder « à toutes constatations utiles », notamment d’éventuelles blessures. Un « guide de bonnes pratiques »note prévoit que la constatation de blessures doit « faire l’objet de la rédaction d’un certificat autonome, qui doit être descriptif ». En pratique, cette description est souvent faite sur le certificat d’aptitude au maintien en garde-à-vue, dans un formulaire qui ne laisse que peu de place. Or, cet examen est crucial pour prouver vos blessuresbook_2. Demandez au médecin de les décrire précisément, en joignant une feuille vierge complétée en détail si besoin.

25 % des gardé·es à vue examinées par un médecin se plaignent de violences

« Les allégations de violences et la constatation de lésions traumatiques récentes sont loin d’être exceptionnelles en garde à vue. Ainsi lors d’une série d’examens en garde à vue chez 2 694 personnes consécutives en 2010, 686 – soit 25 % d’entre elles – rapportaient avoir subi des violences, 55 % de ces violences ayant eu lieu lors de l’interpellation et 13 % pendant la garde à vue. Dans cette même étude, nous avons constaté l’existence de lésions traumatiques récentes chez plus des trois quarts (79 %) des personnes rapportant des violences »

Docteurs Patrick Chariot, Hugo Briffa, Aude Lepresle, Actualité juridique pénal, 2012

Comment sont traitées votre plainte et celle des policiers ?

La justice est souvent plus prompte à poursuivre les faits dont se plaignent policiers ou gendarmes. Ce déséquilibre reste vrai si vous vous plaignez de violences volontaires, et qu’on vous reproche seulement des faits de moindre gravité. L’enquête contre vous fera souvent appel à plusieurs fonctionnaires qui mèneront les différentes investigations en quelques jours : auditions, visionnages de vidéos, réquisitions diverses, etc. L’enquête contre vous est souvent réalisée par des collègues directs des policiers qui ont procédé à l’interpellation. Par exemple, si vous êtes arrêté·e par des agents rattachés à un commissariat, des OPJ du même commissariat (donc leurs voisins de bureau), procéderont en général à l’enquête. Cette dernière aura donc de bonnes chances d’être partiale (auditions biaisées, vidéos mal transcrites, etc). Ce type de pratique ne semble avoir fait l’objet d’aucune condamnation par la Cour européenne book_2. Quant à elle, votre plainte suivra le parcours classique de ce type de dossiers, plus longbook_2. Le décalage temporel dans la conduite des deux enquêtes est préjudiciable en soibook_2 et entraîne souvent une enquête à charge contre vous book_2.

La plainte peut-elle être sous-traitée aux collègues des policiers mis en cause ?

Premier effet pernicieux : la première procédure (contre vous) sera jointe et analysée dans la seconde (contre les policiers), l’imprégnant fortement. Pire : la première procédure remplacera parfois (en tout ou partie) la seconde. Il n’est pas rare que le service d’enquête saisi de votre plaintebook_2 ne procède à aucune nouvelle audition, transcription de vidéos, etc. Par exemple, il ne jugera pas utile d’entendre à nouveau un policier ou un témoin, même si aucune question ne leur a été posée sur les violences dont vous vous plaignez. Or, le but, l’ambiance et surtout le contenu d’une audition menée dans le cadre de votre plainte seraient évidemment différents ! Ainsi, il est fréquent que les policiers mis en cause ne soient jamais amenés à s’expliquer, ou que la victime ne soit pas auditionnée en tant que telle. Cette pratique, qui revient à sous-traiter l’enquête aux collègues de ceux mis en cause, est surtout l’apanage des « cellules déontologie »book_2. Elle est fréquemment validée par les procureursbook_2. Elle est pourtant totalement contraire aux principes du droitbook_2.

Une enquête nulle au sens strict du terme

Au cours d’une confrontation avec quatre policiers, Naïm les questionne lui-même : « pourquoi j’ai encore des marques ici et des douleurs au cou ? ». Aucun des policiers ne répond, et l’OPJ qui mène les débats ne repose pas la question. En 175 pages de procédure rédigées suite à sa plainte, elle ne sera jamais abordée. Naïm a été entendu, ainsi que la plupart des policiers qui ont participé à l’interpellation. Le « service déontologie » semble juger que ces auditions suffisent : il ne réentend ni la victime, ni la plupart des policiers. L’enquête contre Naïm a été menée principalement… par des collègues directs des policiers dont il se plaint.

Flagrant déni, octobre 2022

Dans quels délais les plaintes sont-elles jugées ?

Second effet pernicieux : le procureur aura tendance à vous convoquer en justice (souvent en comparution immédiate) alors que votre plainte sera encore coincée sur un bureau, ou même pas encore déposée. Les faits les moins graves en droit (outrages, rébellion) seront ainsi souvent jugés avant les plus graves (violences aggravées). Dans ce cas, n’hésitez pas à demander un délai (par lettre au président du tribunal qui doit vous juger) pour faire en sorte que les deux affaires soient jugées en même temps. En effet, le droit à un procès équitablenote impose que la justice communique toutes les preuves pertinentes « à charge comme à décharge ». Si vous recevez un classement sans suitebook_2 ou si vous n’avez aucune réponse trois mois après votre plainte, n’hésitez pas à vous « constituer partie civile »book_2. Cela peut pousser la justice à juger les deux affaires en même temps. En cas de plainte classée sans suite, demandez au moins le dossier d’enquêtebook_2, avant votre comparution : il contiendra souvent des informations précieuses. En effet, la personne prévenue doit pouvoirnote obtenir la copie de l’intégralité des pièces consultées par le procureur. Quoi qu’il arrive, dès que vous êtes convoqué·e en justice, prenez  un·e avocat·ebook_2.

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Guide pour les victimes de violences policières,
en 17 fiches pratiques et juridiques

Version 2.1 publiée le 23/11/2023

Victime mise en cause par la police

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Une plainte de la part des policiers induit des mécanismes qui aggravent encore les conditions de traitement de votre plainte pour violences policières. Voici quelques conseils pour tenter de rééquilibrer la balance. Lors de votre audition en garde-à-vue, décrivez dans le détail ce qui vous est arrivé, vérifiez que ce soit bien noté sur le procès-verbal, et demandez à voir un médecin.

Dans cette fiche :

Que faire en cas de mise en cause par la police ?
Quand déposer plainte si je suis poursuivi·e ?
Comment intervient le médecin en garde-à-vue ?
Comment sont traitées votre plainte et celle des policiers ?
La plainte peut-elle être sous-traitée aux collègues des policiers mis en cause ?
Dans quels délais les plaintes sont-elles jugées ?

Que faire en cas de mise en cause par la police ?

Plusieurs scénarios sont possibles : Scénario n°1 : Vous êtes interpellé·e, placé·e en garde à vue, et poursuivi·e (par exemple pour outrages, menaces, rébellion, ou pour toute autre infraction). Demandez à être vu par un médecinbook_2. Scénario n°2 : Vous êtes convoqué·e pour une audition libre dans le cadre d’une enquête préliminaire décidée par le procureur ou par un officier de police judiciaire (OPJ). Dans ces deux cas, lisez ou relisez tous les documentsbook_2 que la police vous fait signer et ne cédez à aucune pression. A défaut, refusez de signer. Demandez à être assisté·e par un·e avocat·ebook_2 de votre choix ou commis·e d’office. A défaut de conseils d’un·e avocat·e, gardez le silence. Scénario n°3 : Vous n’êtes pas poursuivi·e, mais pensez que vous avez de bonnes chances de l’être, même pour des faits mineurs, ou vous êtes implicitement ou explicitement menacé·e de poursuites à votre tour si vous déposez plainte. Faites appel à un·e avocat·e et/ou à un collectifbook_2 pour vous conseiller.

« Cette procédure risque de se retourner contre moi »

« Quand je suis arrivé au commissariat, ils ne m’ont même pas pris mes empreintes, ni expliqué ce qu’ils me reprochaient, et ils m’ont mis en cellule. Là, un médecin est venu et il a dit que ça valait le coup de m’emmener aux urgences. Ma rotule était pétée. À l’hôpital, il y avait toujours un équipage en uniforme qui me gardait. Et puis le lendemain matin, ça devait vers les 9h, un flic en civil est venu me voir, assez cordial, il ne m’a pas du tout parlé de ce qui justifiait ma garde à vue, il voulait savoir d’où venaient mes blessures, à la fin il m’a dit « portez-vous bien ». Peu de temps après, comme je rentrais au bloc pour être opéré, c’est l’anesthésiste qui m’a annoncé que ma garde à vue était levée. » Depuis Jean-Pierre n’a plus jamais reçu aucune nouvelle de la justice. Il n’a pas voulu donner une suite judiciaire à ses blessures, notamment « parce qu’il y a cette procédure [la garde à vue interrompue] qui risque de se retourner contre moi si je saisis la justice

Témoignage, Flagrant déni, novembre 2020

Quand déposer plainte si je suis poursuivi·e ?

Lors de votre audition (scénarios n°1 et 2), décrivez dans le détailbook_2 ce qui vous est arrivé. Insistez pour que ce soit bien transcrit sur le procès-verbal. Si vous le souhaitez, n’hésitez pas à dire que vous déposez plaintebook_2. Les services de police n’ont aucun droitnote de le refuser. Le risque de représailles supplémentaires est faible car les poursuites sont déjà lancées contre vous. Avant de signer le procès-verbal, vérifiez que votre demande a été retranscrite ! Si vous craignez des poursuites à venir (scénario n°3), agissez après mûre réflexion. Les représailles judiciaires après une plainte semblent plutôt rares : en général, les fonctionnaires se « couvrent » avec des outrages, rébellion, etc., bien avant que vous ayez le temps de déposer plainte. En revanche, la vengeance peut prendre bien d’autres formes : contrôles répétés, amendes abusives, etc. Si possible, n’attendez pas la fin de la procédure contre vous (abandon des poursuites, audience au tribunal, etc.) pour agir. L’enquête menée suite à votre plaintebook_2 peut vous aider à vous défendre. Il y a aussi de fortes chances qu’après des mois passés sur votre dossier de poursuites, vous ayez envie de passer à autre chosebook_2.

« Si tu déposes plainte, ils risquent de te faire une procédure dans le cul »

« Tu parles pas de ce que tu as eu, que tu as passé la nuit à l’hôpital. Tu dis : “J’ai fait un petit malaise parce qu’il faisait chaud et j’ai pris un coup sur la tête. Mais rien de grave.” » Voici le conseil menaçant que Pascal, [policier] en fonction à la division centre de Marseille, a donné à Otman, victime de multiples fractures au visage après avoir été frappé par des policiers. Ces paroles […] ont été enregistrées lors d’un échange téléphonique [dans lequel] resurgit à plusieurs reprises le fait qu’Otman n’a pas été poursuivi par la justice alors même qu’il a été interpellé à sa sortie du tabac pillé. […] Les policiers ont « fait une fleur » à Otman, soutient Pascal. « Si c’est un peu trop médiatisé […], les collègues, ils vont dire : “Ah mais lui, il nous chie dans les bottes, on va reprendre son dossier. Il était là, on s’est pas occupés de lui.” Hop ! ils risquent de te refaire une procédure dans le cul. Tu vois ce que je veux dire ? », insiste Pascal. « [Si tu déposes plainte,] tu vas le regretter. Et surtout, tu vas passer dans les journaux. On va voir ta tête. Comme quoi t’es un cambrioleur, comme quoi t’es un émeutier. Je te le dis ! »

Marsactu / Médiapart, août 2023

Comment intervient le médecin en garde à vue ?

La personne gardée à vue doit pouvoirnote « être examinée par un médecin », soit « à [sa] demande » soit à la demande d’« un membre de sa famille ». Sauf« circonstance insurmontable », les enquêteurs doivent requérir le médecin « dans un délai de trois heures » après la demande. Sauf « décision contraire du médecin, » l’examen « doit être pratiqué à l’abri du regard et de toute écoute extérieure ». N’hésitez pas à le rappeler aux policiers… et au médecin. Ce dernier doit se prononcer sur l’aptitude au maintien en garde à vue, mais également procéder « à toutes constatations utiles », notamment d’éventuelles blessures. Un « guide de bonnes pratiques »note prévoit que la constatation de blessures doit « faire l’objet de la rédaction d’un certificat autonome, qui doit être descriptif ». En pratique, cette description est souvent faite sur le certificat d’aptitude au maintien en garde-à-vue, dans un formulaire qui ne laisse que peu de place. Or, cet examen est crucial pour prouver vos blessuresbook_2. Demandez au médecin de les décrire précisément, en joignant une feuille vierge complétée en détail si besoin.

25 % des gardé·es à vue examinées par un médecin se plaignent de violences

« Les allégations de violences et la constatation de lésions traumatiques récentes sont loin d’être exceptionnelles en garde à vue. Ainsi lors d’une série d’examens en garde à vue chez 2 694 personnes consécutives en 2010, 686 – soit 25 % d’entre elles – rapportaient avoir subi des violences, 55 % de ces violences ayant eu lieu lors de l’interpellation et 13 % pendant la garde à vue. Dans cette même étude, nous avons constaté l’existence de lésions traumatiques récentes chez plus des trois quarts (79 %) des personnes rapportant des violences »

Docteurs Patrick Chariot, Hugo Briffa, Aude Lepresle, Actualité juridique pénal, 2012

Comment sont traitées votre plainte et celle des policiers ?

La justice est souvent plus prompte à poursuivre les faits dont se plaignent policiers ou gendarmes. Ce déséquilibre reste vrai si vous vous plaignez de violences volontaires, et qu’on vous reproche seulement des faits de moindre gravité. L’enquête contre vous fera souvent appel à plusieurs fonctionnaires qui mèneront les différentes investigations en quelques jours : auditions, visionnages de vidéos, réquisitions diverses, etc. L’enquête contre vous est souvent réalisée par des collègues directs des policiers qui ont procédé à l’interpellation. Par exemple, si vous êtes arrêté·e par des agents rattachés à un commissariat, des OPJ du même commissariat (donc leurs voisins de bureau), procéderont en général à l’enquête. Cette dernière aura donc de bonnes chances d’être partiale (auditions biaisées, vidéos mal transcrites, etc). Ce type de pratique ne semble avoir fait l’objet d’aucune condamnation par la Cour européenne book_2. Quant à elle, votre plainte suivra le parcours classique de ce type de dossiers, plus longbook_2. Le décalage temporel dans la conduite des deux enquêtes est préjudiciable en soibook_2 et entraîne souvent une enquête à charge contre vous book_2.

La plainte peut-elle être sous-traitée aux collègues des policiers mis en cause ?

Premier effet pernicieux : la première procédure (contre vous) sera jointe et analysée dans la seconde (contre les policiers), l’imprégnant fortement. Pire : la première procédure remplacera parfois (en tout ou partie) la seconde. Il n’est pas rare que le service d’enquête saisi de votre plaintebook_2 ne procède à aucune nouvelle audition, transcription de vidéos, etc. Par exemple, il ne jugera pas utile d’entendre à nouveau un policier ou un témoin, même si aucune question ne leur a été posée sur les violences dont vous vous plaignez. Or, le but, l’ambiance et surtout le contenu d’une audition menée dans le cadre de votre plainte seraient évidemment différents ! Ainsi, il est fréquent que les policiers mis en cause ne soient jamais amenés à s’expliquer, ou que la victime ne soit pas auditionnée en tant que telle. Cette pratique, qui revient à sous-traiter l’enquête aux collègues de ceux mis en cause, est surtout l’apanage des « cellules déontologie »book_2. Elle est fréquemment validée par les procureursbook_2. Elle est pourtant totalement contraire aux principes du droitbook_2.

Une enquête nulle au sens strict du terme

Au cours d’une confrontation avec quatre policiers, Naïm les questionne lui-même : « pourquoi j’ai encore des marques ici et des douleurs au cou ? ». Aucun des policiers ne répond, et l’OPJ qui mène les débats ne repose pas la question. En 175 pages de procédure rédigées suite à sa plainte, elle ne sera jamais abordée. Naïm a été entendu, ainsi que la plupart des policiers qui ont participé à l’interpellation. Le « service déontologie » semble juger que ces auditions suffisent : il ne réentend ni la victime, ni la plupart des policiers. L’enquête contre Naïm a été menée principalement… par des collègues directs des policiers dont il se plaint.

Flagrant déni, octobre 2022

Dans quels délais les plaintes sont-elles jugées ?

Second effet pernicieux : le procureur aura tendance à vous convoquer en justice (souvent en comparution immédiate) alors que votre plainte sera encore coincée sur un bureau, ou même pas encore déposée. Les faits les moins graves en droit (outrages, rébellion) seront ainsi souvent jugés avant les plus graves (violences aggravées). Dans ce cas, n’hésitez pas à demander un délai (par lettre au président du tribunal qui doit vous juger) pour faire en sorte que les deux affaires soient jugées en même temps. En effet, le droit à un procès équitablenote impose que la justice communique toutes les preuves pertinentes « à charge comme à décharge ». Si vous recevez un classement sans suitebook_2 ou si vous n’avez aucune réponse trois mois après votre plainte, n’hésitez pas à vous « constituer partie civile »book_2. Cela peut pousser la justice à juger les deux affaires en même temps. En cas de plainte classée sans suite, demandez au moins le dossier d’enquêtebook_2, avant votre comparution : il contiendra souvent des informations précieuses. En effet, la personne prévenue doit pouvoirnote obtenir la copie de l’intégralité des pièces consultées par le procureur. Quoi qu’il arrive, dès que vous êtes convoqué·e en justice, prenez  un·e avocat·ebook_2.

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