Guide pour les victimes de violences policières,
en 17 fiches pratiques et juridiques

Version 2.2 publiée le 13/03/2024

Réunir les preuves

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Face à la toute puissance de la parole policière, il sera nécessaire de trouver des documents pour confirmer votre récit : photos, vidéos ou à défaut témoignages. Ne tardez pas car certaines preuves disparaissent très vite ! En cas de blessure, déposez plainte dès que vous avez les preuves de votre blessure pour demander d’autres preuves via l’enquête ouverte par votre plainte. En cas d’homicide, une enquête doit être ouverte d’office immédiatement.

Dans cette fiche :

Quelles preuves réunir avant le dépôt de plainte ?
Quelles preuves réunir et demander pendant le déroulé de l’enquête ?
Comment attester des blessures subies ?
Qu’est-ce que l’incapacité totale de travail (ITT) ?
A quoi servent les médecins-légistes ?
Comment prouver l’origine du décès ou des blessures ?
Comment évaluer votre « préjudice » ?
Comment trouver des preuves en images ?
A-t-on le droit de filmer et diffuser l’image de la police ?
Comment utiliser les images ?
Comment utiliser les témoignages ?

5 conseils pour récupérer les vidéosurveillances

Le délai de conservation est court : 1 mois au maximum, et souvent moins. Seule la justice ou le Défenseur des droitsbook_2 peuvent obtenir ces images. Donc il faut aller vite :

1. Identifiez la présence de caméras, sur place ou sur Internet (vues des rues en 3D)

2. Contactez un collectif expérimentébook_2 ou un·e avocat·ebook_2 pour affiner la stratégie

En cas d’homicidebook_2 ou personne grièvement blessée (enquête ouverte d’office) :

3. Écrivez au procureur pour qu’il saisisse ces images (listez-les précisément)

En cas de violencebook_2 :

3. Déposez plainte très rapidement, si possible au postebook_2 car les lettres au procureur seront trop lentes

4. Pendant l’audition, mentionnez à l’OPJ qu’il faut saisir ces images (listez-les précisément)

5. Faites un mail à l’OPJ pour le lui rappeler, et adressez une copie au procureur

Mort de Nahel : les mensonges policiers relayés par la presse

Nanterre, Hauts-de-Seine, ce mardi 27 juin au matin. […] On assiste, visiblement, à un contrôle routier. Les deux policiers ont leur pistolet dégainé. On a l’impression qu’ils intiment au conducteur de couper le moteur. Celui-ci démarre. Un des deux policiers tire. Une seule balle, à bout portant, en plein cœur. […] Tout de suite, la machine préfectorale se met en marche. Suivie, immédiatement, par le « journalisme de préfecture ». Le Parisien, France Bleu n’hésitent pas à citer allègrement des « sources policières » décrivant une toute autre scène où le conducteur aurait « foncé » sur les forces de l’ordre. Sur BFM TV, même méthode à laquelle on se permet d’en rajouter une couche. « L’individu serait très connu des services de police », affirme la journaliste en plateau, à peine deux heures après les faits. Le tour est rodé, bien huilé. Le corps de ce jeune garçon n’est même pas encore refroidi que le message est clairement envoyé, et largement relayé. Il est coupable. Et surtout, il l’a bien mérité. Sauf que cette fois, un petit grain de sable vient gripper cette indécente machine. Une femme a filmé la scène et la diffuse presque immédiatement sur les réseaux sociaux. On y voit une toute autre version. Non, le policier n’était pas face à la voiture, mais à sa gauche. Non, la voiture n’a pas foncé sur les forces de l’ordre. Sur cette vidéo de quelques secondes, on ne voit pas une tentative d’homicide d’un fonctionnaire de police, on assiste à l’exécution d’un adolescent. Insoutenable, insupportable.

Politis, juin 2023

Quelles preuves réunir avant le dépôt de plainte ?

Vous pouvez vous-même fournir certaines preuves à la justice : aucun texte ne l’interdit ! Pour d’autres, qui nécessitent une réquisition judiciaire (saisie de vidéosurveillance, documents, auditions, etc.), vous devrez en passer par la justice. C’est pourquoi il est essentiel que l’enquête officielle démarre vite pour que ces preuves ne se perdent pas. En cas d’homicidebook_2 ou blessures très graves, une enquête doit être ouverte d’office immédiatement. Vous pouvez donc tout de suite demander à la justice de chercher des preuves, et en réunir vous-même (voir ci-dessous). Mais en cas de violencesbook_2, l’ouverture d’une enquête d’office est très rare. Nous conseillons donc de déposer plainte au plus vite, avant de réunir toutes preuves. Récoltez seulement les preuves de vos blessuresbook_2 : c’est suffisant à ce stade. S’il y en a, prenez aussi les coordonnées des témoins ou des personnes qui ont filmé ou photographié les faits, avant que ces personnes ne s’en aillent. Si possible, conservez aussi les preuves de l’arme éventuellement utilisée : douilles, résidus, vêtements endommagés, etc.

Quelles preuves réunir et demander pendant le déroulé de l’enquête ?

Quels que soient les faits, vous pouvez vous même chercher des preuves complémentaires : images vidéo ou photo, appels à témoins, examens médicaux, etc. C’est fortement conseillé car l’enquête officielle sera souvent insuffisante. En cas d’homicide ou blessures graves, donc si une enquête est ouverte d’office, indiquez quelles investigations sont nécessaires : saisie de vidéosurveillances ou documents, auditions de témoins, etc. Faites ces demandes à l’écrit au procureur de la République book_2 et/ou au service en charge de l’enquêtebook_2 si vous avez son contact. Il est très rare qu’un juge d’instructionbook_2 soit saisi dès le début de l’enquête. Dans ce cas, faites des demandes d’actes. En cas de violences, indiquez quelles investigations sont nécessaires dès votre dépôt de plainte. Si vous déposez plainte au postebook_2, faites ces demandes à l’oral. Puis (si elles ne sont pas mentionnées dans le procès-verbal) répétez-les dans un mail à l’officier de police judiciaire (OPJ) et au procureur. Si vous déposez plainte par courrierbook_2 (déconseillé si vidéosurveillances à saisir), indiquez ces demandes dans la lettre. Pendant l’enquête, n’hésitez pas à transmettre de nouveaux éléments ou demander des actes d’enquêtesbook_2 en plus.

Comment attester des blessures subies ?

Prenez des photos dès que possible. Renouvelez ces photos (et datez-les) à mesure de l’évolution des blessures. Les images rendront vos blessures plus concrètes et précises. Mais seul le « certificat médical initial »note permet d’attester officiellement de la réalité et de la date des blessures. Si vous êtes hospitalisé d’urgencebook_2, le service doit vous remettre ce document, ainsi que tout votre dossier médicalnote si vous le demandez (comptes-rendus d’intervention, radios, etc.). Demandez aussi la conservation des résidus d’armes éventuellement extraits de votre corps. Si vous n’allez pas aux urgences, prenez RDV avec un médecin de confiance le plus rapidement possible. Si ce RDV a lieu trop tard (risque d’atténuation des preuves), n’hésitez pas à aller d’abord aux urgences ou dans une consultation rapide. Plusieurs certificats valent mieux que pas du tout. Il faut surtout demander au médecin de décrire précisément chaque blessure, les conséquences physiques et psychologiques, et de dire si les faits que vous rapportez peuvent effectivement expliquer vos blessures.

Qu’est-ce que l’incapacité totale de travail (ITT) ?

La gravité des violences est estiméenote par le biais de « l’incapacité totale de travail » (ITT). Au-dessus de 8 jours d’ITT, le Code pénal estime que les violences sont plus gravesbook_2. La définition juridique de l’ITT est très floue, et les pratiques des médecins sont extrêmement variées, voire arbitraires. D’abord, contrairement à son nom, il ne s’agit pasnote d’une incapacité « totale ». Il y a ITT s’il y a « gêne notable »note pour accomplir des actes de la vie quotidienne : manger, dormir, parler, se déplacer, etc. L’ITT est distincte de l’arrêt de travail. Les personnes inactives (enfants, retraité·es etc.) ou les chômeur·euses ont le même droit à l’ITT que les autres. L’ITT doit prendre en compte les aspects physiques mais aussi psychiques. Dans ce cadre, il est utile de consulter un psychiatre ou psychologue pour qu’il décrive en détail les troubles dont vous souffrez. Aucun texte ne définit qui est habilité ou pas à définir l’ITT. Un médecin légistebook_2 n’est pas obligatoire, mais c’est en général lui qui fixe l’ITT au vu des premiers certificats rédigés par le médecin et le psychologue. Si elle est différente, l’ITT fixée par le médecin légiste sera mieux prise en compte par la justice que celle fixée par le premier médecin (urgences, généraliste). La précision des premiers certificats est essentielle.

A quoi servent les médecins-légistes ?

La justice ou le service enquêteur peuvent requérirnote (toujours à l’écrit) un médecin pour autopsier une personne décédée ou examiner une personne blessée. Ce médecin doitnote exercer au sein d’une « unité médico-judiciaire » (UMJ). Le médecin-légiste doit répondre aux questions posées dans la réquisition. En cas de décès, la question des causes est en général posée. Mais en cas de blessures, c’est très rare. N’hésitez donc pas à demander aux enquêteurs ou au procureur de bien poser la question des causes dans la réquisition à l’UMJ. En cas de décès, les proches doiventnote être prévenus « dans les meilleurs délais » que l’autopsie va avoir ou a eu lieu, puis doivent pouvoir accéder au corps et procéder aux rites funérairesbook_2. En cas de violences, le médecin-légiste constate les blessures ou (en cas d’examen tardif) reprend les certificats réalisés après les faits. Puis il note le « retentissement psychique » et fixe un nombre de jours d’ITT. Le rapport du médecin-légiste doitnote vous être remis, si vous le demandez. Il doitnote vous le communiquer dès la rédaction terminée. En revanche, l’accès direct au rapport d’autopsie n’est pas prévu pour les proches d’une personne tuée. Il faut donc le demander avec le dossier d’enquêtebook_2.

Comment prouver l’origine du décès ou des blessures ?

Devant les tribunaux, les moyens de preuve sont libres. En droit, il n’y a aucune obligation de passer par une expertisebook_2 pour établir la cause du décès ou des blessures. Mais en pratique c’est souvent incontournable. Tous les éléments disponibles peuvent être apportés devant le tribunal. En cas de blessures, il est utile de faire en sorte que le médecin qui rédige le certificat médicalbook_2, puis le médecin légistebook_2, se prononcent sur la « compatibilité » des lésions observées avec vos « doléances » (votre récit). En général, ces médecins ne se prononceront pas de façon tranchée, mais donneront un premier avis, souvent crucial. Ensuite, les éléments matériels seront essentiels : résidus d’armes trouvés sur les lieux (munitions, etc.), vêtements abîmés, etc. Enfin, en cas d’homicide ou de violences, les éléments permettant de faire le récit chronologique détaillé des événements pourra jouer un rôle important : par exemple vidéo montrant un tir à l’heure précise des blessures ou du décès, échange radio de police annonçant un emploi des armes, témoignage racontant la scène, etc. Dans ce cas, la synchronisation précisebook_2 des événements est essentielle. S’il y a une ou plusieurs expertises, n’hésitez pas à faire compléter ou modifier la liste des questionsbook_2 qui sont posées à l’expert par la justice.

Preuve pour un tribunal, pas pour l’autre

Le tribunal administratif de Lyon a condamné l’État suite à la blessure infligée à M., victime d’un tir de LBD lors d’une manifestation le 9 février 2019. Le jugement retient que « le procès-verbal de contexte, établi le 9 février 2019 par un brigadier de la police nationale pour retracer le déroulé de la manifestation, indique que deux tirs de lanceurs de balles de défense ont eu lieu à 16 h 40 rue de Marseille, dont l’un a atteint un manifestant à la jambe, ce qui concorde avec les circonstances décrites par la requérante » dans sa plainte. Ce faisant, la justice administrative retient donc bien un lien de causalité entre le tir de LBD et la blessure, là où, sur la base du même dossier, la justice pénale refusait d’en voir un. En effet, l’enquête confiée du procureur de la République concluait qu’« il est difficile d’affirmer que ces blessures soient le produit d’un impact de lanceur de balles de défense ».

Flagrant déni, novembre 2020

Comment évaluer votre « préjudice » ?

Le « préjudice »note, ou « dommage » est la gêne résultant des faits dont vous avez été victime. Il y a trois types de préjudices : physique (blessures, handicap, etc.), moral (deuil, tristesse, angoisses, troubles du sommeil, etc.), et matériel (pertes de revenus, biens perdus ou abîmés, etc.). Si vous souhaitez obtenir une réparation financière (indemnisation)book_2 devant les tribunaux, c’est à vous de prouver l’étendue de votre préjudice. S’il est important, il est utile de demander au tribunalbook_2 ou au juge d’instructionbook_2 d’ordonner une expertisebook_2 afin qu’un médecin expert (en général il s’agira d’un médecin-légiste) établisse la liste des types de préjudices et leur gravité. En général, les experts se réfèrent à la nomenclature « Dintilhac »note. Vous devrez payer une « consignation » correspondant aux honoraires de l’expert (de 700 à 2500€), sauf si vous avez droit à une protection juridique de votre assurance ou à l’aide juridictionnellebook_2. Si vous gagnez le procès, vous pourrez demander à ce que cette consignation vous soit remboursée. L’expertise n’est pas obligatoire, mais souvent conseillée. Dans tous les cas, gardez bien tout votre dossier médical (certificat médical, certificat d’un·e psy, rapport du médecin légiste) et vos factures (soins payés de votre poche, déplacements pour aller chez un spécialiste), etc.

Comment trouver des preuves en images ?

En théorienote, la parole des policiers vaut à titre de « simple renseignement ». Mais elle est souvent considérée comme source de vérité incontestable par la justice (et les médias…). Il est donc important de trouver des images qui confirment votre récit. Cherchez à identifier les caméras de vidéosurveillance présentes aux abords des faits, soit en retournant sur les lieux, soit à l’aide de vues en 3D sur internet (vérifiez qu’elles ne sont pas anciennes). En ville, les réseaux de caméras sont souvent nombreux (commerces, banques, villes, transports, autres institutions, etc.). Attention : les enregistrements sont détruits rapidement. Chaque réseau choisit sa durée de conservation, qui ne peut légalement excéder un moisnote, et qui est parfois beaucoup plus courte. La justice et le Défenseur des droitsbook_2 sont les seuls à même de saisir ces images. Demandez à l’officier de police judiciaire (OPJ) qui recueille la plainte ou au service d’enquêtebook_2 (s’il est saisi très rapidement) de requérir les bandes. Doublez cette demande par une trace écritebook_2. Les « caméras piétons » des policiers sont conservées pendant un moisnote. N’omettez pas non plus de chercher des images prises par d’éventuels témoins, ou par le biais d’appels à témoins. Enregistrez rapidement les vidéos trouvées sur Internet. Les liens peuvent disparaître.

A-t-on le droit de filmer et diffuser l’image de la police ?

S’ils se trouvent dans un lieu accessible au public, les policiers ou gendarmes, comme toute personne, ne peuvent s’opposer à être filmésnote ou photographiés. Ils ne peuvent pas interpellernote « la personne effectuant un enregistrement, qu’elle appartienne à la presse ou non, ainsi que de lui retirer son matériel ou de détruire l’enregistrement ou son support ». La diffusion publique des images n’est pas répréhensible sur le plan pénal, sauf deux exceptions. D’abord, elle est punissablenote si elle a pour but d’exposer les policiers ou leur famille « à un risque direct d’atteinte à leur vie ou à leur intégrité ou encore à leurs biens ». Ensuite, la loi protègenote l’anonymat de certains fonctionnaires et militairesnote (police judiciaire, renseignement, RAID, GIGN, etc.). La diffusion reste possible mais les agents ne doivent pas pouvoir être « identifiés » (ce qui est vague). Par précaution, vous pouvez choisir de flouter les visages lorsque vous diffusez des vidéos de ces unités. Enfin, les agents pourraient tenter de s’opposer à la diffusion sur la base du « droit à l’image »note. Mais ils ne peuvent jamaisnote le faire si la scène est un « événement d’actualité ». Une scène de violences policières entre probablement dans cette catégorie.

Comment utiliser les images ?

D’abord, regardez soigneusement les images que vous vous êtes procurées avant de faire le choix de les communiquer à la justice. Attention à celles qui risquent de vous incriminer. Si les images proviennent d’enregistrements saisis par la justice, demandez-en communicationbook_2 pour les visionner vous-même. En général, les vidéos sont retranscrites à l’écrit sur le procès-verbal, mais des détails pertinents sont souvent laissés de côté par les policiers lors de la retranscription. En outre, les services d’enquête omettent en général de synchroniser les différentes vidéos. L’horodatage des vidéos, même officielles, est souvent décalé de quelques secondes ou de quelques minutes. Cela empêche d’appréhender les faits avec une chronologie précise. La synchronisation montre plusieurs points de vue différents sur une échelle de temps identique. Cela peut permettre par exemple de voir un projectile arriver sur la victime, et d’un autre point de vue, le policier qui tire. La synchronisation nécessite de disposer d’un logiciel vidéo. Si besoin, une modélisation dynamique en 3D de la scène peut également être réalisée. Elle nécessite davantage de savoir-faire et de moyens techniques, dont dispose notamment l’association Index, laboratoire d’expertise indépendantbook_2.

Comment utiliser les témoignages ?

Si vous n’avez pas d’images, la production de témoignages s’avérera sans doute incontournable pour faire avancer l’enquête. C’est notamment le cas pour l’immense majorité des homicidesbook_2, qui sont beaucoup moins souvent filmés que les violences en manifestation par exemple. Si des personnes de votre connaissance ont assisté à la scène, même en partie seulement, n’hésitez pas à leur demander de témoigner. D’abord, elles peuvent rédiger une attestationnote, qui pourra être communiquée à la justice dans le cadre de l’enquête. Ensuite, si les personnes sont d’accord, l’idéal est qu’elles soient auditionnées par le service enquêteur. Dans ce but, vous pouvez communiquer leurs coordonnées à tout moment de l’enquête. Si vous pensez que des personnes que vous ne connaissez pas ont été témoins de la scène, n’hésitez pas non plus à lancer un appel à témoins sur les réseaux sociaux, voire à faire du porte à porte autour du lieu où se sont passés les faits. L’idéal est de contacter un collectifbook_2 et/ou un média de confiance. Ne tardez pas à solliciter ces témoignages : plus le temps passe, plus ils seront flous ou sujets à caution, et moins les personnes se sentiront concernées par ce qui vous est arrivé. Il est utile que le témoignage soit aussi précis que possiblebook_2.

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Guide pour les victimes de violences policières,
en 17 fiches pratiques et juridiques

Version 2.1 publiée le 23/11/2023

Réunir les preuves

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Face à la toute puissance de la parole policière, il sera nécessaire de trouver des documents pour confirmer votre récit : photos, vidéos ou à défaut témoignages. Ne tardez pas car certaines preuves disparaissent très vite ! En cas de blessure, déposez plainte dès que vous avez les preuves de votre blessure pour demander d’autres preuves via l’enquête ouverte par votre plainte. En cas d’homicide, une enquête doit être ouverte d’office immédiatement.

Dans cette fiche :

Quelles preuves réunir avant le dépôt de plainte ?
Quelles preuves réunir et demander pendant le déroulé de l’enquête ?
Comment attester des blessures subies ?
Qu’est-ce que l’incapacité totale de travail (ITT) ?
A quoi servent les médecins-légistes ?
Comment prouver l’origine du décès ou des blessures ?
Comment évaluer votre « préjudice » ?
Comment trouver des preuves en images ?
A-t-on le droit de filmer et diffuser l’image de la police ?
Comment utiliser les images ?
Comment utiliser les témoignages ?

5 conseils pour récupérer les vidéosurveillances

Le délai de conservation est court : 1 mois au maximum, et souvent moins. Seule la justice ou le Défenseur des droitsbook_2 peuvent obtenir ces images. Donc il faut aller vite :

1. Identifiez la présence de caméras, sur place ou sur Internet (vues des rues en 3D)

2. Contactez un collectif expérimentébook_2 ou un·e avocat·ebook_2 pour affiner la stratégie

En cas d’homicidebook_2 ou personne grièvement blessée (enquête ouverte d’office) :

3. Écrivez au procureur pour qu’il saisisse ces images (listez-les précisément)

En cas de violencebook_2 :

3. Déposez plainte très rapidement, si possible au postebook_2 car les lettres au procureur seront trop lentes

4. Pendant l’audition, mentionnez à l’OPJ qu’il faut saisir ces images (listez-les précisément)

5. Faites un mail à l’OPJ pour le lui rappeler, et adressez une copie au procureur

Mort de Nahel : les mensonges policiers relayés par la presse

Nanterre, Hauts-de-Seine, ce mardi 27 juin au matin. […] On assiste, visiblement, à un contrôle routier. Les deux policiers ont leur pistolet dégainé. On a l’impression qu’ils intiment au conducteur de couper le moteur. Celui-ci démarre. Un des deux policiers tire. Une seule balle, à bout portant, en plein cœur. […] Tout de suite, la machine préfectorale se met en marche. Suivie, immédiatement, par le « journalisme de préfecture ». Le Parisien, France Bleu n’hésitent pas à citer allègrement des « sources policières » décrivant une toute autre scène où le conducteur aurait « foncé » sur les forces de l’ordre. Sur BFM TV, même méthode à laquelle on se permet d’en rajouter une couche. « L’individu serait très connu des services de police », affirme la journaliste en plateau, à peine deux heures après les< faits. Le tour est rodé, bien huilé. Le corps de ce jeune garçon n’est même pas encore refroidi que le message est clairement envoyé, et largement relayé. Il est coupable. Et surtout, il l’a bien mérité. Sauf que cette fois, un petit grain de sable vient gripper cette indécente machine. Une femme a filmé la scène et la diffuse presque immédiatement sur les réseaux sociaux. On y voit une toute autre version. Non, le policier n’était pas face à la voiture, mais à sa gauche. Non, la voiture n’a pas foncé sur les forces de l’ordre. Sur cette vidéo de quelques secondes, on ne voit pas une tentative d’homicide d’un fonctionnaire de police, on assiste à l’exécution d’un adolescent. Insoutenable, insupportable.

Politis, juin 2023

Quelles preuves réunir avant le dépôt de plainte ?

Vous pouvez vous-même fournir certaines preuves à la justice : aucun texte ne l’interdit ! Pour d’autres, qui nécessitent une réquisition judiciaire (saisie de vidéosurveillance, documents, auditions, etc.), vous devrez en passer par la justice. C’est pourquoi il est essentiel que l’enquête officielle démarre vite pour que ces preuves ne se perdent pas. En cas d’homicidebook_2 ou blessures très graves, une enquête doit être ouverte d’office immédiatement. Vous pouvez donc tout de suite demander à la justice de chercher des preuves, et en réunir vous-même (voir ci-dessous). Mais en cas de violencesbook_2, l’ouverture d’une enquête d’office est très rare. Nous conseillons donc de déposer plainte au plus vite, avant de réunir toutes preuves. Récoltez seulement les preuves de vos blessuresbook_2 : c’est suffisant à ce stade. S’il y en a, prenez aussi les coordonnées des témoins ou des personnes qui ont filmé ou photographié les faits, avant que ces personnes ne s’en aillent. Si possible, conservez aussi les preuves de l’arme éventuellement utilisée : douilles, résidus, vêtements endommagés, etc.

Quelles preuves réunir et demander pendant le déroulé de l’enquête ?

Quels que soient les faits, vous pouvez vous même chercher des preuves complémentaires : images vidéo ou photo, appels à témoins, examens médicaux, etc. C’est fortement conseillé car l’enquête officielle sera souvent insuffisante. En cas d’homicide ou blessures graves, donc si une enquête est ouverte d’office, indiquez quelles investigations sont nécessaires : saisie de vidéosurveillances ou documents, auditions de témoins, etc. Faites ces demandes à l’écrit au procureur de la République book_2 et/ou au service en charge de l’enquêtebook_2 si vous avez son contact. Il est très rare qu’un juge d’instructionbook_2 soit saisi dès le début de l’enquête. Dans ce cas, faites des demandes d’actes. En cas de violences, indiquez quelles investigations sont nécessaires dès votre dépôt de plainte. Si vous déposez plainte au postebook_2, faites ces demandes à l’oral. Puis (si elles ne sont pas mentionnées dans le procès-verbal) répétez-les dans un mail à l’officier de police judiciaire (OPJ) et au procureur. Si vous déposez plainte par courrierbook_2 (déconseillé si vidéosurveillances à saisir), indiquez ces demandes dans la lettre. Pendant l’enquête, n’hésitez pas à transmettre de nouveaux éléments ou demander des actes d’enquêtesbook_2 en plus.

Comment attester des blessures subies ?

Prenez des photos dès que possible. Renouvelez ces photos (et datez-les) à mesure de l’évolution des blessures. Les images rendront vos blessures plus concrètes et précises. Mais seul le « certificat médical initial »note permet d’attester officiellement de la réalité et de la date des blessures. Si vous êtes hospitalisé d’urgencebook_2, le service doit vous remettre ce document, ainsi que tout votre dossier médicalnote si vous le demandez (comptes-rendus d’intervention, radios, etc.). Demandez aussi la conservation des résidus d’armes éventuellement extraits de votre corps. Si vous n’allez pas aux urgences, prenez RDV avec un médecin de confiance le plus rapidement possible. Si ce RDV a lieu trop tard (risque d’atténuation des preuves), n’hésitez pas à aller d’abord aux urgences ou dans une consultation rapide. Plusieurs certificats valent mieux que pas du tout. Il faut surtout demander au médecin de décrire précisément chaque blessure, les conséquences physiques et psychologiques, et de dire si les faits que vous rapportez peuvent effectivement expliquer vos blessures.

Qu’est-ce que l’incapacité totale de travail (ITT) ?

La gravité des violences est estiméenote par le biais de « l’incapacité totale de travail » (ITT). Au-dessus de 8 jours d’ITT, le Code pénal estime que les violences sont plus gravesbook_2. La définition juridique de l’ITT est très floue, et les pratiques des médecins sont extrêmement variées, voire arbitraires. D’abord, contrairement à son nom, il ne s’agit pasnote d’une incapacité « totale ». Il y a ITT s’il y a « gêne notable »note pour accomplir des actes de la vie quotidienne : manger, dormir, parler, se déplacer, etc. L’ITT est distincte de l’arrêt de travail. Les personnes inactives (enfants, retraité·es etc.) ou les chômeur·euses ont le même droit à l’ITT que les autres. L’ITT doit prendre en compte les aspects physiques mais aussi psychiques. Dans ce cadre, il est utile de consulter un psychiatre ou psychologue pour qu’il décrive en détail les troubles dont vous souffrez. Aucun texte ne définit qui est habilité ou pas à définir l’ITT. Un médecin légistebook_2 n’est pas obligatoire, mais c’est en général lui qui fixe l’ITT au vu des premiers certificats rédigés par le médecin et le psychologue. Si elle est différente, l’ITT fixée par le médecin légiste sera mieux prise en compte par la justice que celle fixée par le premier médecin (urgences, généraliste). La précision des premiers certificats est essentielle.

A quoi servent les médecins-légistes ?

La justice ou le service enquêteur peuvent requérirnote (toujours à l’écrit) un médecin pour autopsier une personne décédée ou examiner une personne blessée. Ce médecin doitnote exercer au sein d’une « unité médico-judiciaire » (UMJ). Le médecin-légiste doit répondre aux questions posées dans la réquisition. En cas de décès, la question des causes est en général posée. Mais en cas de blessures, c’est très rare. N’hésitez donc pas à demander aux enquêteurs ou au procureur de bien poser la question des causes dans la réquisition à l’UMJ. En cas de décès, les proches doiventnote être prévenus « dans les meilleurs délais » que l’autopsie va avoir ou a eu lieu, puis doivent pouvoir accéder au corps et procéder aux rites funérairesbook_2. En cas de violences, le médecin-légiste constate les blessures ou (en cas d’examen tardif) reprend les certificats réalisés après les faits. Puis il note le « retentissement psychique » et fixe un nombre de jours d’ITT. Le rapport du médecin-légiste doitnote vous être remis, si vous le demandez. Il doitnote vous le communiquer dès la rédaction terminée. En revanche, l’accès direct au rapport d’autopsie n’est pas prévu pour les proches d’une personne tuée. Il faut donc le demander avec le dossier d’enquêtebook_2.

Comment prouver l’origine du décès ou des blessures ?

Devant les tribunaux, les moyens de preuve sont libres. En droit, il n’y a aucune obligation de passer par une expertisebook_2 pour établir la cause du décès ou des blessures. Mais en pratique c’est souvent incontournable. Tous les éléments disponibles peuvent être apportés devant le tribunal. En cas de blessures, il est utile de faire en sorte que le médecin qui rédige le certificat médicalbook_2, puis le médecin légistebook_2, se prononcent sur la « compatibilité » des lésions observées avec vos « doléances » (votre récit). En général, ces médecins ne se prononceront pas de façon tranchée, mais donneront un premier avis, souvent crucial. Ensuite, les éléments matériels seront essentiels : résidus d’armes trouvés sur les lieux (munitions, etc.), vêtements abîmés, etc. Enfin, en cas d’homicide ou de violences, les éléments permettant de faire le récit chronologique détaillé des événements pourra jouer un rôle important : par exemple vidéo montrant un tir à l’heure précise des blessures ou du décès, échange radio de police annonçant un emploi des armes, témoignage racontant la scène, etc. Dans ce cas, la synchronisation précisebook_2 des événements est essentielle. S’il y a une ou plusieurs expertises, n’hésitez pas à faire compléter ou modifier la liste des questionsbook_2 qui sont posées à l’expert par la justice.

Preuve pour un tribunal, pas pour l’autre

Le tribunal administratif de Lyon a condamné l’État suite à la blessure infligée à M., victime d’un tir de LBD lors d’une manifestation le 9 février 2019. Le jugement retient que « le procès-verbal de contexte, établi le 9 février 2019 par un brigadier de la police nationale pour retracer le déroulé de la manifestation, indique que deux tirs de lanceurs de balles de défense ont eu lieu à 16 h 40 rue de Marseille, dont l’un a atteint un manifestant à la jambe, ce qui concorde avec les circonstances décrites par la requérante » dans sa plainte. Ce faisant, la justice administrative retient donc bien un lien de causalité entre le tir de LBD et la blessure, là où, sur la base du même dossier, la justice pénale refusait d’en voir un. En effet, l’enquête confiée du procureur de la République concluait qu’« il est difficile d’affirmer que ces blessures soient le produit d’un impact de lanceur de balles de défense ».

Flagrant déni, novembre 2020

Comment évaluer votre « préjudice » ?

Le « préjudice »note, ou « dommage » est la gêne résultant des faits dont vous avez été victime. Il y a trois types de préjudices : physique (blessures, handicap, etc.), moral (deuil, tristesse, angoisses, troubles du sommeil, etc.), et matériel (pertes de revenus, biens perdus ou abîmés, etc.). Si vous souhaitez obtenir une réparation financière (indemnisation)book_2 devant les tribunaux, c’est à vous de prouver l’étendue de votre préjudice. S’il est important, il est utile de demander au tribunalbook_2 ou au juge d’instructionbook_2 d’ordonner une expertisebook_2 afin qu’un médecin expert (en général il s’agira d’un médecin-légiste) établisse la liste des types de préjudices et leur gravité. En général, les experts se réfèrent à la nomenclature « Dintilhac »note. Vous devrez payer une « consignation » correspondant aux honoraires de l’expert (de 700 à 2500€), sauf si vous avez droit à une protection juridique de votre assurance ou à l’aide juridictionnellebook_2. Si vous gagnez le procès, vous pourrez demander à ce que cette consignation vous soit remboursée. L’expertise n’est pas obligatoire, mais souvent conseillée. Dans tous les cas, gardez bien tout votre dossier médical (certificat médical, certificat d’un·e psy, rapport du médecin légiste) et vos factures (soins payés de votre poche, déplacements pour aller chez un spécialiste), etc.

Comment trouver des preuves en images ?

En théorienote, la parole des policiers vaut à titre de « simple renseignement ». Mais elle est souvent considérée comme source de vérité incontestable par la justice (et les médias…). Il est donc important de trouver des images qui confirment votre récit. Cherchez à identifier les caméras de vidéosurveillance présentes aux abords des faits, soit en retournant sur les lieux, soit à l’aide de vues en 3D sur internet (vérifiez qu’elles ne sont pas anciennes). En ville, les réseaux de caméras sont souvent nombreux (commerces, banques, villes, transports, autres institutions, etc.). Attention : les enregistrements sont détruits rapidement. Chaque réseau choisit sa durée de conservation, qui ne peut légalement excéder un moisnote, et qui est parfois beaucoup plus courte. La justice et le Défenseur des droitsbook_2 sont les seuls à même de saisir ces images. Demandez à l’officier de police judiciaire (OPJ) qui recueille la plainte ou au service d’enquêtebook_2 (s’il est saisi très rapidement) de requérir les bandes. Doublez cette demande par une trace écritebook_2. Les « caméras piétons » des policiers sont conservées pendant 6 moisnote. N’omettez pas non plus de chercher des images prises par d’éventuels témoins, ou par le biais d’appels à témoins. Enregistrez rapidement les vidéos trouvées sur Internet. Les liens peuvent disparaître.

A-t-on le droit de filmer et diffuser l’image de la police ?

S’ils se trouvent dans un lieu accessible au public, les policiers ou gendarmes, comme toute personne, ne peuvent s’opposer à être filmésnote ou photographiés. Ils ne peuvent pas interpellernote « la personne effectuant un enregistrement, qu’elle appartienne à la presse ou non, ainsi que de lui retirer son matériel ou de détruire l’enregistrement ou son support ». La diffusion publique des images n’est pas répréhensible sur le plan pénal, sauf deux exceptions. D’abord, elle est punissablenote si elle a pour but d’exposer les policiers ou leur famille « à un risque direct d’atteinte à leur vie ou à leur intégrité ou encore à leurs biens ». Ensuite, la loi protègenote l’anonymat de certains fonctionnaires et militairesnote (police judiciaire, renseignement, RAID, GIGN, etc.). La diffusion reste possible mais les agents ne doivent pas pouvoir être « identifiés » (ce qui est vague). Par précaution, vous pouvez choisir de flouter les visages lorsque vous diffusez des vidéos de ces unités. Enfin, les agents pourraient tenter de s’opposer à la diffusion sur la base du « droit à l’image »note. Mais ils ne peuvent jamaisnote le faire si la scène est un « événement d’actualité ». Une scène de violences policières entre probablement dans cette catégorie.

Comment utiliser les images ?

D’abord, regardez soigneusement les images que vous vous êtes procurées avant de faire le choix de les communiquer à la justice. Attention à celles qui risquent de vous incriminer. Si les images proviennent d’enregistrements saisis par la justice, demandez-en communicationbook_2 pour les visionner vous-même. En général, les vidéos sont retranscrites à l’écrit sur le procès-verbal, mais des détails pertinents sont souvent laissés de côté par les policiers lors de la retranscription. En outre, les services d’enquête omettent en général de synchroniser les différentes vidéos. L’horodatage des vidéos, même officielles, est souvent décalé de quelques secondes ou de quelques minutes. Cela empêche d’appréhender les faits avec une chronologie précise. La synchronisation montre plusieurs points de vue différents sur une échelle de temps identique. Cela peut permettre par exemple de voir un projectile arriver sur la victime, et d’un autre point de vue, le policier qui tire. La synchronisation nécessite de disposer d’un logiciel vidéo. Si besoin, une modélisation dynamique en 3D de la scène peut également être réalisée. Elle nécessite davantage de savoir-faire et de moyens techniques, dont dispose notamment l’association Index, laboratoire d’expertise indépendantbook_2.

Comment utiliser les témoignages ?

Si vous n’avez pas d’images, la production de témoignages s’avérera sans doute incontournable pour faire avancer l’enquête. C’est notamment le cas pour l’immense majorité des homicidesbook_2, qui sont beaucoup moins souvent filmés que les violences en manifestation par exemple. Si des personnes de votre connaissance ont assisté à la scène, même en partie seulement, n’hésitez pas à leur demander de témoigner. D’abord, elles peuvent rédiger une attestationnote, qui pourra être communiquée à la justice dans le cadre de l’enquête. Ensuite, si les personnes sont d’accord, l’idéal est qu’elles soient auditionnées par le service enquêteur. Dans ce but, vous pouvez communiquer leurs coordonnées à tout moment de l’enquête. Si vous pensez que des personnes que vous ne connaissez pas ont été témoins de la scène, n’hésitez pas non plus à lancer un appel à témoins sur les réseaux sociaux, voire à faire du porte à porte autour du lieu où se sont passés les faits. L’idéal est de contacter un collectifbook_2 et/ou un média de confiance. Ne tardez pas à solliciter ces témoignages : plus le temps passe, plus ils seront flous ou sujets à caution, et moins les personnes se sentiront concernées par ce qui vous est arrivé. Il est utile que le témoignage soit aussi précis que possiblebook_2.