Guide pour les victimes de violences policières,
en 17 fiches pratiques et juridiques

Version 2.2 publiée le 13/03/2024

Devant le
juge d’instruction

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L’instruction (appelée aussi « information judiciaire ») est une procédure technique : l’avocat·e n’est pas obligatoire, mais très conseillé·e. Par contre, ça ne doit pas vous empêcher de conduire vous-même votre défense ! Voici quelques clefs pour comprendre les enjeux et les grands principes de cette phase souvent incontournable.

Dans cette fiche :

A quels stades peut intervenir le juge d’instruction ?
Qui est le juge d’instruction ?
Combien de temps dure l’instruction ?
Comment travaille le juge d’instruction ?
Comment se déroule une audition ou une confrontation ?
Comment faire des « demandes d’actes » ?
Qu’est-ce qu’une expertise ?
Qu’est-ce que la « chambre de l’instruction » ?
Comment se termine l’instruction ?

A quels stades peut intervenir le juge d’instruction ?

L’ouverture d’une « instruction » ou « information judiciaire », c’est-à-dire la saisine d’un juge d’instruction, peut intervenir dans deux cas. 1) Une réquisitionnote (ordre) du procureur de la République. Dans ce cas, l’information judiciaire démarre assez tôt (voire très tôt) après les faits, parfois même avant tout dépôt de plainte. Le juge saisi doit informernote la victime. Pour les affaires impliquant la police, les instructions ouvertes par le procureur sont très raresbook_2. 2) En tant que victime, vous pouvez déposer une « plainte avec constitution de partie civile »book_2 (plainte CPC). Vous avez la possibiliténote de le faire après une décision de classement sans suite ou si vous n’avez pas reçu de nouvelle après une plainte déposée au procureur depuis « un délai de trois mois ». Attention : dans ce dernier cas, vous devez disposer d’une preuve du dépôt de votre plaintebook_2 au procureur. En cas d’homicidebook_2 (la plupart des décès, notamment), vous pouvez déposer une plainte CPC juste après les faits, sans attendre trois mois. La saisine par le biais d’une plainte CPC implique une intervention tardive du juge, qui n’aura donc pas supervisé les premiers pas de l’enquêtebook_2. L’information judiciaire peut être ouvertenote contre une « personne dénommée » ou inconnue.

Qui est le juge d’instruction ?

Le ou la juge d’instruction est un·e magistrat·e du « siège ». Contrairement aux magistrats du parquetbook_2, il est statutairement indépendant du pouvoir exécutif et « inamovible »note. Il ne peut être muté « sans son consentement »note. Sa nomination ne peut avoir lieu que sur décretnote du président de la République et uniquementnote sur avis favorable du Conseil supérieur de la magistrature. Selon la taille des tribunaux, exercent un seul ou plusieurs juges réunis au sein d’un « pôle de l’instruction »note. Dans ce cas, c’est le président du tribunal qui décidenote du ou des juges saisis de chaque dossier. En général, le président met en place un « tableau de roulement » pour prévoir les juges qui doivent se saisir des dossiers ouverts sur telle plage de dates. Mais pour les violences policières ou d’autres dossiers sensibles, il n’est pas rare que ce tableau ne soit pas respecté. En dehors de tout cadre légal, un ou plusieurs juges d’instruction peuvent ainsi se spécialiser sur ces affaires. Les juges d’instruction travaillent dans un « cabinet » et sont assistés par un greffier, qui sera souvent votre interlocuteur.

Combien de temps dure l’instruction ?

La loi se contente de rappelernote le principe de la « durée raisonnable »book_2. Après deux ans, puis tous les six mois, le juge doit simplement rendre une « ordonnance » (décision) précisant les raisons de la poursuite de l’information et les « perspectives » de clôture. Il n’est pas rare que les dossiers s’enlisent. Trois conseils pour éviter cet écueil. D’abord, vous pouvez demandernote la clôture de l’instruction aprèsnote une année (en cas de délitbook_2 ), ou une année et demie (en cas de crimebook_2), ou encore si « aucun acte d’instruction n’a été accompli pendant un délai de quatre mois ». Évidemment, cela suppose que l’enquête ait assez avancé pour permettre la comparution du ou des policiers mis en cause. Ensuite, en cas d’inactivité du juge pendant 4 mois, vous pouveznote saisir directement la cour d’appelbook_2, qui pourra éventuellement saisir un autre magistrat. Enfin, tous les 6 mois (ou tous les 4 mois si vous le demandez) le juge doit vous informernote « de l’état d’avancement » du dossier, lors d’une audition, ou par lettre. Ne vous privez pas de cette faculté !

Comment travaille le juge d’instruction ?

L’« information judiciaire » ou « instruction » est une procédure lourde, technique, avec des règles strictes, et souvent lente. L’assistance par un·e avocat·e n’est pas obligatoirenote, mais fortement conseilléebook_2. Le juge d’instruction peut procédernote à tous les « actes » qu’il juge « utiles à la manifestation de la vérité » (transport sur les lieux, perquisition, écoute téléphonique, réquisition de documents, etc.). Il peut enquêter lui-même ou donner « commission rogatoire »note à un officier de police judiciaire (OPJ) pour enquêter à sa place. La commission rogatoire peut être très vague, ce qui revient à une sous-traitance du dossier à l’OPJ. Le juge peut aussi ordonner une expertisenote. Il peut agir d’office, à la demande du procureur, ou à la demande des parties (victime ou personnes mises en cause). Vous pouvez donc demander des investigations (faire des demandes d’actesbook_2 ou d’expertisesbook_2) au juge. Vous pouvez aussi contester certaines de ses décisions devant la cour d’appelbook_2. Cependant, chacune de vos interventions risque de rallonger la procédure. Pesez le pour (précision de l’enquête) et le contre (retard voire enlisement de la procédure).

Comment se déroule une audition ou une confrontation ?

Les conseils à propos d’une audition au poste de policebook_2 sont valables pour une audition devant le juge d’instruction. Plusieurs règles spécifiques s’y ajoutent. D’abord, pour préparer l’audition, votre avocat·e doit pouvoirnote consulter le dossier de la procédurebook_2 au moins « quatre jours ouvrables » avant l’audition. Celle-ci a toujours lieu en présence du juge, d’un·e greffier·e (qui note les questions et réponses), de votre avocat·e (à moins que vous y renoncieznote), et du procureur s’il en fait la demandenote, ce qui est rare. En cas de « confrontation » avec un ou plusieurs policiers mis en cause, leur·s avocat·es sont également présent·es. Le juge dirige les débatsnote. Le procureur et les avocat·es peuvent « poser des questions ou présenter de brèves observations ». En cas de désaccord sur le contenu du procès-verbal de l’audition ou de la confrontation, votre avocat·e peut déposer des « conclusions » écrites. En cas d’absence d’avocat·e, la loi ne prévoit pas que vous puissiez faire toutes ces démarches vous-même. En revanche, vous devez pouvoir relirenote votre déposition ou confrontation, avant de la signer.

Comment faire des « demandes d’actes » ?

Vous trouverez peut-être que l’instruction n’est pas suffisamment active pour rechercher la vérité. Tout l’intérêt et la spécificité de cette procédure, c’est que vous pouvez fairenote des « demandes d’actes » : une expertisebook_2, l’audition d’un témoin ou la vôtre, une confrontation, une reconstitution des faits, la communication d’un document ou d’un rapport (par exemple rapport d’enquête administrativebook_2), ou « tous autres actes qui [vous] paraissent nécessaires à la manifestation de la vérité ». En revanche, vous ne pouvez pasnote demander à ce que telle personne soit « mise en examen » : c’est un statut choisi par le juge et lui seul pour les suspects. La demande d’actes doit « porter sur des actes déterminés et, lorsqu’elle concerne une audition, préciser l’identité de la personne ». Vous devez justifier des motifs de votre demande et la réaliser par écrit (dépôt au greffe du cabinet d’instruction, ou lettre recommandée avec accusé de réception). En cas de refus ou de non réponse, vous disposez de voies de recoursbook_2.

Qu’est-ce qu’une expertise ?

L’expertisenote doit « répondre à une question d’ordre technique » : balistique, médicale, sur des images, etc. Dans son « ordonnance » (décision), le juge d’instruction précisenote le contenu de la mission et choisitnote le ou les experts. Certains experts travaillent étroitement avec la police, voire en font partie. Leur impartialité peut donc être mise en doute. Sous réserve de justifier sa décision, le juge peut saisir n’importe quel expert, même à l’étranger. L’ordonnance de désignation de l’expert doit vous être adresséenote « sans délai ». Vous avez alors dix jours pour demander de « modifier ou de compléter les questions posées à l’expert » ou de co-désigner « un expert de [votre] choix » à partir d’une liste officiellenote. En cours d’expertise, vous pouveznote aussi demander « qu’il soit prescrit aux experts d’effectuer certaines recherches ou d’entendre toute personne ». Après l’expertise, le juge doit vous remettrenote (ou à votre avocat·e) « une copie de l’intégralité du rapport ». Dans un délai fixé par le juge, vous pouvez « présenter des observations » ou demander un « complément d’expertise » ou une « contre-expertise ».

Guerre des expertises dans l’affaire Adama Traoré

Les conclusions du dernier rapport d’expertise médicale, commandé à des médecins belges à l’été 2020, sont enfin parvenues aux magistrats chargés de l’instruction du dossier Adama Traoré à Paris. Dans la bataille à laquelle se livrent les experts depuis des années, c’est la première fois que les conclusions d’un rapport commandé par la justice convergent avec celles des experts mandatés par la famille. Rappelons aussi que la dernière expertise qui exonérait les gendarmes a été annulée par la justice. C’est donc celle datée du 19 janvier 2021 qui fait foi aujourd’hui. […] La consommation de cannabis apparaît, selon eux, « soit inexistante, soit anecdotique » dans le processus létal, où elle n’a pas joué de « rôle direct ». […]Pour résumer, cette dernière expertise belge met en avant le fait qu’ Adama Traoré a « développé un coup de chaleur en situation d’activité physique relativement brève mais intense dans des circonstances de stress […] et de chaleur atmosphérique ». Mais l’évolution dramatique de ce tableau « n’aurait probablement pas eu lieu sans l’intervention de ces facteurs aggravants », que sont notamment « les manœuvres de contrainte » infligées à la victime par les gendarmes.

Le Nouvel Obs, février 2021

Qu’est-ce que la « chambre de l’instruction » ?

La « chambre de l’instruction » de la cour d’appel est compétente pour tout ce qui concerne l’instruction. Elle est composéenote de trois magistrats, dont un président. Pour vos demandes d’actes ou de contre-expertises, le juge d’instruction doit répondrenote « au plus tard dans le délai d’un mois ». S’il ne répond pas dans ce délai ou s’il rejette votre demande, vous pouvez saisirnote la chambre de l’instruction. Vous devez être informé·enote cinq jours avant la tenue de l’audience et pouveznote écrire un « mémoire ». L’audience n’est pas publique. Votre avocat·e pourranote être présent·e et s’exprimer. Vous pouvez aussi assister à l’audience, mais il est rare que les victimes aient la parole. L’arrêt doit être notifiénote à votre avocat·e « dans les trois jours ». Vous ne disposez d’aucun recours si la chambre de l’instruction ne respecte pas le délainote dans lequel elle doit en principe trancher. Pour les demandes d’actesbook_2 et d’expertisebook_2, le président de la chambre de l’instruction dispose d’un pouvoirnote préalable de tri : il peut rejeter votre demande d’office (sans recours possible) ou la transmettre à la chambre de l’instruction pour qu’elle l’examine.

Comment se termine l’instruction ?

Dès que l’instruction « lui paraît terminée », le juge d’instruction doit vous en avisernote par un « avis de fin d’information judiciaire ». Le procureur, également informé, doit adresser ses « réquisitions » (son avis sur le dossier). Elles doivent vous être communiquées. Dans les trois mois après l’avis de fin d’instruction (ou un mois si l’un des suspects est en détention provisoire), vous pouvez aussi faire des observations. Vous pouvez aussi faire des demandes d’actes. Si le juge les accepte, l’instruction redémarre. Sinon, les diverses parties ont un dernier délai d’un mois (ou dix jours en cas de détention provisoire) pour répondre à leurs observations et réquisitions respectives. Ensuite, le juge peut rendre son « ordonnance de règlement » (clôture de l’instruction). Il n’est tenu à aucun délai pour le faire. S’il estime que les faits ne constituent pas une infraction, que l’auteur « est resté inconnu », ou qu’il n’existe pas « de charges suffisantes » contre les suspects, il prononce un « non-lieu »note. Sinon, il renvoie l’affaire devant le tribunalbook_2 compétent. Dans tous les cas, vous pouvez faire appelnote devant la chambre de l’instructionbook_2. Si cette dernière rejette vos demandes, vous pouvez faire un pourvoinote devant la Cour de cassation, sous certaines conditions.

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en 17 fiches pratiques et juridiques

Version 2.1 publiée le 23/11/2023

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L’instruction (appelée aussi « information judiciaire ») est une procédure technique : l’avocat·e n’est pas obligatoire, mais très conseillé·e. Par contre, ça ne doit pas vous empêcher de conduire vous-même votre défense ! Voici quelques clefs pour comprendre les enjeux et les grands principes de cette phase souvent incontournable.

Dans cette fiche :

A quels stades peut intervenir le juge d’instruction ?
Qui est le juge d’instruction ?
Combien de temps dure l’instruction ?
Comment travaille le juge d’instruction ?
Comment se déroule une audition ou une confrontation ?
Comment faire des « demandes d’actes » ?
Qu’est-ce qu’une expertise ?
Qu’est-ce que la « chambre de l’instruction » ?
Comment se termine l’instruction ?

A quels stades peut intervenir le juge d’instruction ?

L’ouverture d’une « instruction » ou « information judiciaire », c’est-à-dire la saisine d’un juge d’instruction, peut intervenir dans deux cas. 1) Une réquisitionnote (ordre) du procureur de la République. Dans ce cas, l’information judiciaire démarre assez tôt (voire très tôt) après les faits, parfois même avant tout dépôt de plainte. Le juge saisi doit informernote la victime. Pour les affaires impliquant la police, les instructions ouvertes par le procureur sont très raresbook_2. 2) En tant que victime, vous pouvez déposer une « plainte avec constitution de partie civile »book_2 (plainte CPC). Vous avez la possibiliténote de le faire après une décision de classement sans suite ou si vous n’avez pas reçu de nouvelle après une plainte déposée au procureur depuis « un délai de trois mois ». Attention : dans ce dernier cas, vous devez disposer d’une preuve du dépôt de votre plaintebook_2 au procureur. En cas d’homicidebook_2 (la plupart des décès, notamment), vous pouvez déposer une plainte CPC juste après les faits, sans attendre trois mois. La saisine par le biais d’une plainte CPC implique une intervention tardive du juge, qui n’aura donc pas supervisé les premiers pas de l’enquêtebook_2. L’information judiciaire peut être ouvertenote contre une « personne dénommée » ou inconnue.

Qui est le juge d’instruction ?

Le ou la juge d’instruction est un·e magistrat·e du « siège ». Contrairement aux magistrats du parquetbook_2, il est statutairement indépendant du pouvoir exécutif et « inamovible »note. Il ne peut être muté « sans son consentement »note. Sa nomination ne peut avoir lieu que sur décretnote du président de la République et uniquementnote sur avis favorable du Conseil supérieur de la magistrature. Selon la taille des tribunaux, exercent un seul ou plusieurs juges réunis au sein d’un « pôle de l’instruction »note. Dans ce cas, c’est le président du tribunal qui décidenote du ou des juges saisis de chaque dossier. En général, le président met en place un « tableau de roulement » pour prévoir les juges qui doivent se saisir des dossiers ouverts sur telle plage de dates. Mais pour les violences policières ou d’autres dossiers sensibles, il n’est pas rare que ce tableau ne soit pas respecté. En dehors de tout cadre légal, un ou plusieurs juges d’instruction peuvent ainsi se spécialiser sur ces affaires. Les juges d’instruction travaillent dans un « cabinet » et sont assistés par un greffier, qui sera souvent votre interlocuteur.

Combien de temps dure l’instruction ?

La loi se contente de rappelernote le principe de la « durée raisonnable »book_2. Après deux ans, puis tous les six mois, le juge doit simplement rendre une « ordonnance » (décision) précisant les raisons de la poursuite de l’information et les « perspectives » de clôture. Il n’est pas rare que les dossiers s’enlisent. Trois conseils pour éviter cet écueil. D’abord, vous pouvez demandernote la clôture de l’instruction aprèsnote une année (en cas de délitbook_2 ), ou une année et demie (en cas de crimebook_2), ou encore si « aucun acte d’instruction n’a été accompli pendant un délai de quatre mois ». Évidemment, cela suppose que l’enquête ait assez avancé pour permettre la comparution du ou des policiers mis en cause. Ensuite, en cas d’inactivité du juge pendant 4 mois, vous pouveznote saisir directement la cour d’appelbook_2, qui pourra éventuellement saisir un autre magistrat. Enfin, tous les 6 mois (ou tous les 4 mois si vous le demandez) le juge doit vous informernote « de l’état d’avancement » du dossier, lors d’une audition, ou par lettre. Ne vous privez pas de cette faculté !

Comment travaille le juge d’instruction ?

L’« information judiciaire » ou « instruction » est une procédure lourde, technique, avec des règles strictes, et souvent lente. L’assistance par un·e avocat·e n’est pas obligatoirenote, mais fortement conseilléebook_2. Le juge d’instruction peut procédernote à tous les « actes » qu’il juge « utiles à la manifestation de la vérité » (transport sur les lieux, perquisition, écoute téléphonique, réquisition de documents, etc.). Il peut enquêter lui-même ou donner « commission rogatoire »note à un officier de police judiciaire (OPJ) pour enquêter à sa place. La commission rogatoire peut être très vague, ce qui revient à une sous-traitance du dossier à l’OPJ. Le juge peut aussi ordonner une expertisenote. Il peut agir d’office, à la demande du procureur, ou à la demande des parties (victime ou personnes mises en cause). Vous pouvez donc demander des investigations (faire des demandes d’actesbook_2 ou d’expertisesbook_2) au juge. Vous pouvez aussi contester certaines de ses décisions devant la cour d’appelbook_2. Cependant, chacune de vos interventions risque de rallonger la procédure. Pesez le pour (précision de l’enquête) et le contre (retard voire enlisement de la procédure).

Comment se déroule une audition ou une confrontation ?

Les conseils à propos d’une audition au poste de policebook_2 sont valables pour une audition devant le juge d’instruction. Plusieurs règles spécifiques s’y ajoutent. D’abord, pour préparer l’audition, votre avocat·e doit pouvoirnote consulter le dossier de la procédurebook_2 au moins « quatre jours ouvrables » avant l’audition. Celle-ci a toujours lieu en présence du juge, d’un·e greffier·e (qui note les questions et réponses), de votre avocat·e (à moins que vous y renoncieznote), et du procureur s’il en fait la demandenote, ce qui est rare. En cas de « confrontation » avec un ou plusieurs policiers mis en cause, leur·s avocat·es sont également présent·es. Le juge dirige les débatsnote. Le procureur et les avocat·es peuvent « poser des questions ou présenter de brèves observations ». En cas de désaccord sur le contenu du procès-verbal de l’audition ou de la confrontation, votre avocat·e peut déposer des « conclusions » écrites. En cas d’absence d’avocat·e, la loi ne prévoit pas que vous puissiez faire toutes ces démarches vous-même. En revanche, vous devez pouvoir relirenote votre déposition ou confrontation, avant de la signer.

Comment faire des « demandes d’actes » ?

Vous trouverez peut-être que l’instruction n’est pas suffisamment active pour rechercher la vérité. Tout l’intérêt et la spécificité de cette procédure, c’est que vous pouvez fairenote des « demandes d’actes » : une expertisebook_2, l’audition d’un témoin ou la vôtre, une confrontation, une reconstitution des faits, la communication d’un document ou d’un rapport (par exemple rapport d’enquête administrativebook_2), ou « tous autres actes qui [vous] paraissent nécessaires à la manifestation de la vérité ». En revanche, vous ne pouvez pasnote demander à ce que telle personne soit « mise en examen » : c’est un statut choisi par le juge et lui seul pour les suspects. La demande d’actes doit « porter sur des actes déterminés et, lorsqu’elle concerne une audition, préciser l’identité de la personne ». Vous devez justifier des motifs de votre demande et la réaliser par écrit (dépôt au greffe du cabinet d’instruction, ou lettre recommandée avec accusé de réception). En cas de refus ou de non réponse, vous disposez de voies de recoursbook_2.

Qu’est-ce qu’une expertise ?

L’expertisenote doit « répondre à une question d’ordre technique » : balistique, médicale, sur des images, etc. Dans son « ordonnance » (décision), le juge d’instruction précisenote le contenu de la mission et choisitnote le ou les experts. Certains experts travaillent étroitement avec la police, voire en font partie. Leur impartialité peut donc être mise en doute. Sous réserve de justifier sa décision, le juge peut saisir n’importe quel expert, même à l’étranger. L’ordonnance de désignation de l’expert doit vous être adresséenote « sans délai ». Vous avez alors dix jours pour demander de « modifier ou de compléter les questions posées à l’expert » ou de co-désigner « un expert de [votre] choix » à partir d’une liste officiellenote. En cours d’expertise, vous pouveznote aussi demander « qu’il soit prescrit aux experts d’effectuer certaines recherches ou d’entendre toute personne ». Après l’expertise, le juge doit vous remettrenote (ou à votre avocat·e) « une copie de l’intégralité du rapport ». Dans un délai fixé par le juge, vous pouvez « présenter des observations » ou demander un « complément d’expertise » ou une « contre-expertise ».

Guerre des expertises dans l’affaire Adama Traoré

Les conclusions du dernier rapport d’expertise médicale, commandé à des médecins belges à l’été 2020, sont enfin parvenues aux magistrats chargés de l’instruction du dossier Adama Traoré à Paris. Dans la bataille à laquelle se livrent les experts depuis des années, c’est la première fois que les conclusions d’un rapport commandé par la justice convergent avec celles des experts mandatés par la famille. Rappelons aussi que la dernière expertise qui exonérait les gendarmes a été annulée par la justice. C’est donc celle datée du 19 janvier 2021 qui fait foi aujourd’hui. […] La consommation de cannabis apparaît, selon eux, « soit inexistante, soit anecdotique » dans le processus létal, où elle n’a pas joué de « rôle direct ». […]Pour résumer, cette dernière expertise belge met en avant le fait qu’ Adama Traoré a « développé un coup de chaleur en situation d’activité physique relativement brève mais intense dans des circonstances de stress […] et de chaleur atmosphérique ». Mais l’évolution dramatique de ce tableau « n’aurait probablement pas eu lieu sans l’intervention de ces facteurs aggravants », que sont notamment « les manœuvres de contrainte » infligées à la victime par les gendarmes.

Le Nouvel Obs, février 2021

Qu’est-ce que la « chambre de l’instruction » ?

La « chambre de l’instruction » de la cour d’appel est compétente pour tout ce qui concerne l’instruction. Elle est composéenote de trois magistrats, dont un président. Pour vos demandes d’actes ou de contre-expertises, le juge d’instruction doit répondrenote « au plus tard dans le délai d’un mois ». S’il ne répond pas dans ce délai ou s’il rejette votre demande, vous pouvez saisirnote la chambre de l’instruction. Vous devez être informé·enote cinq jours avant la tenue de l’audience et pouveznote écrire un « mémoire ». L’audience n’est pas publique. Votre avocat·e pourranote être présent·e et s’exprimer. Vous pouvez aussi assister à l’audience, mais il est rare que les victimes aient la parole. L’arrêt doit être notifiénote à votre avocat·e « dans les trois jours ». Vous ne disposez d’aucun recours si la chambre de l’instruction ne respecte pas le délainote dans lequel elle doit en principe trancher. Pour les demandes d’actesbook_2 et d’expertisebook_2, le président de la chambre de l’instruction dispose d’un pouvoirnote préalable de tri : il peut rejeter votre demande d’office (sans recours possible) ou la transmettre à la chambre de l’instruction pour qu’elle l’examine.

Comment se termine l’instruction ?

Dès que l’instruction « lui paraît terminée », le juge d’instruction doit vous en avisernote par un « avis de fin d’information judiciaire ». Le procureur, également informé, doit adresser ses « réquisitions » (son avis sur le dossier). Elles doivent vous être communiquées. Dans les trois mois après l’avis de fin d’instruction (ou un mois si l’un des suspects est en détention provisoire), vous pouvez aussi faire des observations. Vous pouvez aussi faire des demandes d’actes. Si le juge les accepte, l’instruction redémarre. Sinon, les diverses parties ont un dernier délai d’un mois (ou dix jours en cas de détention provisoire) pour répondre à leurs observations et réquisitions respectives. Ensuite, le juge peut rendre son « ordonnance de règlement » (clôture de l’instruction). Il n’est tenu à aucun délai pour le faire. S’il estime que les faits ne constituent pas une infraction, que l’auteur « est resté inconnu », ou qu’il n’existe pas « de charges suffisantes » contre les suspects, il prononce un « non-lieu »note. Sinon, il renvoie l’affaire devant le tribunalbook_2 compétent. Dans tous les cas, vous pouvez faire appelnote devant la chambre de l’instructionbook_2. Si cette dernière rejette vos demandes, vous pouvez faire un pourvoinote devant la Cour de cassation, sous certaines conditions.

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