Guide pour les victimes de violences policières,
en 17 fiches pratiques et juridiques
Version 2.2 publiée le 13/03/2024
Accueil
1 | Je suis victime ou proche d’une victime de la police
2 | Déposer plainte
3 | Réunir les preuves
4 | Les premiers pas de l’enquête
5 | Victime mise en cause par la police
6 | Après le classement sans suite
7 | Accéder à son dossier
8 | Bien choisir son avocat•e
9 | Lutter pour une enquête efficace
10 | Le procureur, un magistrat central
11 | Les services d’enquête
12 | Devant le juge d’instruction
13 | Les infractions policières
14 | Devant le tribunal
15 | Obtenir une condamnation de l’État
16 | Les sanctions disciplinaires dans la police
17 | Mettre en cause la justice
Annuaire
Tous les schémas
Les premiers pas
de l’enquête
PARTAGER SUR :
En principe, la justice devrait déclencher une enquête dès qu’elle a connaissance d’une potentielle agression par la police. En pratique, elle ne le fait presque que dans les cas d’homicides. Sauf dossier très médiatisé, vous devrez souvent batailler pour faire en sorte que l’enquête démarre vite et efficacement. Ne laissez pas la justice faire tranquillement son travail !
Dans cette fiche :
● Que faire juste après le dépôt de plainte ?
● Quels types d’enquête peuvent être déclenchés par le procureur ?
● Comment demander la saisie d’organes d’enquête les plus indépendants possible ?
● Combien de temps dure l’enquête du procureur ?
● Pourquoi vaut-il mieux agir vite ?
● Comment la victime peut-elle intervenir dans l’enquête du procureur ?
● Comment se termine l’enquête du procureur ?
Que faire juste après le dépôt de plainte ?
Suite à une plainte pour violences policières, une enquête doit toujours être ouverte : les plaintes pour ce type de faits ne peuvent pasSourceCirculaire du 16 novembre 2018 relative à la simplification de la procédure pénale à droit constantnote être « compostées » sans enquête. C’est le procureur de la RépubliqueFiche 10. Le procureur, un magistrat centralbook_2 qui « reçoit » les plaintesSourceArticle 40 du Code de procédure pénalenote et décide des suites à leur donner. Mais les « bureaux d’ordre pénal » (greffes du parquet), surchargés, mettent parfois plusieurs mois pour les enregistrer et les transmettre au procureur. Pour contourner cette difficulté, qui enlise les enquêtes avant même qu’elles commencent, vous pouvez 1) déposer plainte au posteFiche 2. Déposer plainteComment déposer plainte au poste ?book_2, 2) prendre les coordonnées de l’officier de policier judiciaire (OPJ) qui la recueille, 3) lui écrire immédiatement pour qu’il informe « téléphoniquement et sans délai » le procureur. L’OPJ est censé le faireSourceCirculaire du 14 mai 2001 de présentation de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimesnote pour les faits d’une « particulière importance ». Le fait de disposer d’un interlocuteur permet aussi de demander tout de suite des actes d’enquêteDans cette ficheComment la victime peut-elle intervenir dans l'enquête du procureur ?book_2, comme la saisie de vidéosFiche 3. Réunir les preuvesComment trouver des preuves en images ?book_2. En effet, la jurisprudence autoriseSourceCour de Cassation, Chambre criminelle, du 1 décembre 2004, n°04-80.536note les OPJ à procéder à des actes d’enquête avant d’en informer le procureur. Joignez une copie de vos démarches au procureur, et notamment une copie de votre PV de plainte au poste : c’est obligatoireSourceArticle 85 du Code de procédure pénalenote si vous voulez saisir un juge d’instructionFiche 10. Le procureur, un magistrat centralbook_2 après trois mois sans réponse.
Quels types d’enquête peuvent être déclenchés par le procureur ?
Le procureur peut décider d’ouvrir trois types d’enquêtes. « L’enquête préliminaire »SourceArticles 75 et suivants du Code de procédure pénalenote est dirigée par le procureurFiche 10. Le procureur, un magistrat centralbook_2. Il choisit le service d’enquêteFiche 11. Les services d'enquêtebook_2 (police ou gendarmerie). Ce dernier mène les investigations avec une grande liberté. Il doit rendre compte ponctuellement au procureur. Dès que les auteurs présumés de l’infraction sont identifiés, le service d’enquête doit informerSourceArticle 75-2 du Code de procédure pénalenote le procureur, qui décide des suites à donner : audition des suspects, confrontation éventuelle avec la victime, etc. « L’enquête de flagrance »SourceArticles 53 et suivants du Code de procédure pénalenote est également une enquête du procureur. Elle est très proche de l’enquête préliminaire, mais concerne un crime ou un délit qui « se commet actuellement, ou qui vient de se commettre ». Elle peut concernerSourceArticle 74 du Code de procédure pénalenote aussi un décès ou une personne grièvement blessée, si la cause est « inconnue ou suspecte ». Enfin, le procureur de la République peut décider d’ouvrir une instruction (ou information judiciaire)Fiche 12. Devant le juge d'instructionA quels stades peut intervenir le juge d'instruction ?book_2. Dans ce cas, l’enquête est dirigée par un juge d’instruction. Les textes prévoient cette hypothèseSourceCirculaire du 20 septembre 2016 relative à la lutte contre les infractions commises à l’occasion des manifestations (page 6)note en cas d’affaires complexes ou cyniquement, de « médiatisation » des faits. Pour les dossiers policiers, il est rare que le procureur demande d’office l’ouverture d’une instruction (y compris en cas d’homicideFiche 13. Les infractions policièresQu'est-ce qu'un homicide ?book_2).
Comment demander la saisie d’organes d’enquête les plus indépendants possible ?
Dans les affaires de violences policières, les magistrats peuvent être appelés à juger des policiers ou gendarmes avec lesquels ils ont l’habitude de travailler, qu’ils considèrent un peu comme des collègues. Pour éviter les risques d’atteinte à l’impartialité des magistrats, le procureur généralFiche 10. Le procureur, un magistrat centralQu'est-ce qu'un magistrat du « parquet » ?book_2 de la cour d’appel peut « transmettre la procédure »SourceArticle 43, alinéa 2 du Code de procédure pénalenote au tribunal de la ville la plus proche. Il s’agit d’une simple possibilité, et non d’une obligation. Aucun texte ne prévoit que la victime puisse faire une telle demande, mais rien ne l’empêche non plus. Une commission d’enquête parlementaire présidée par un député macroniste recommande de « systématiser » le « dépaysement »LienAssemblée nationale, Rapport d'enquête relative à l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l’ordrenote (changement de juridiction) de tous les dossiers de violences policières. Pour la commission, il s’agit « d’éviter que les relations professionnelles » entre magistrats et enquêteurs empêchent une « instruction impartiale de ces dossiers ». Pourtant, la pratique du dépaysement reste rare. Par ailleurs, aucune règle juridiqueFiche 11. Les services d'enquêteQui choisit le service de police en charge de l'enquête judiciaire ?book_2 n’empêche le procureur de saisir la gendarmerie d’une enquête sur la police, et vice et versaFiche 11. Les services d'enquêteQui choisit le service de police en charge de l'enquête judiciaire ?book_2. Vous pouvez en faire la demande. Comme pour le dépaysement, elle a peu de chances d’aboutir. Mais au moins, vous aurez alerté la justice sur les risques de partialité de l’enquêteFiche 9. Lutter pour une enquête efficaceQu'est-ce qu'une enquête « objective et impartiale » ?book_2.
Police et gendarmerie : une « garantie fondamentale d’indépendance »
« La dualité des forces de sécurité [police et gendarmerie] constitue une garantie fondamentale d’indépendance pour l’autorité judiciaire. Le principe du libre choix du service enquêteur par les magistrats permet, en effet, à ces derniers de ne pas dépendre d’une seule force de police pour la réalisation des enquêtes »
Combien de temps dure l’enquête du procureur ?
La loi fixe la durée maximale des enquêtes placées sous le contrôle du procureur : pour l’enquête « de flagrance », 8 joursSourceArticle 53 du Code de procédure pénalenote (prolongeables de 8 jours pour les faits les plus graves) ; pour l’« enquête préliminaire », 2 ansSourceArticle 75-3 du Code de procédure pénalenote (prolongeables d’1 an à compter du premier acte d’enquête). Une enquête de flagrance peut se poursuivre par une enquête préliminaire, ou par une information judiciaire, etc. En toute légalité, l’enquête peut donc s’avérer très longue. En pratique, sauf ouverture d’une information judiciaire, l’enquête se déroule souvent en quelques mois, même dans les cas complexes. En revanche, de très longs délais administratifs peuvent s’ajouter à l’enquête proprement dite : enregistrement de la plainte, transmission du parquet vers le service d’enquête, puis saisine effective d’un enquêteur. De tels délais peuvent s’avérer excessifs au regard des critèresSourceCEDH, Jeanty c/ Belgique, 31 mars 2020, §126note posés par la Cour européenne des droits de l’HommeFiche 9. Lutter pour une enquête efficaceQu'est-ce qu'une enquête « rapide » ?book_2. Après enquête, le parquet met souvent de longs mois à traiter les dossiers. Vous pouvezSourceArticle 85 du Code de procédure pénalenote vous « constituer partie civile »Fiche 6. Après le classement sans suiteQu'est-ce que la « plainte avec constitution de partie civile » ?book_2 si vous n’avez pas de nouvelle du procureur trois mois après lui avoir adressé votre plainte (ou la copie du PV de plainte au poste).
Délais administratifs de plus d’une année
« Entre la transmission d’une enquête à l’autorité judiciaire et la décision de celle-ci, il s’écoule un délai qui est souvent de plusieurs mois voire de plus d’une année, à l’exception des décisions immédiates de poursuites ».
Pourquoi vaut-il mieux agir vite ?
Une bonne enquête est celle qui démarre viteFiche 9. Lutter pour une enquête efficaceQu'est-ce qu'une enquête « rapide » ?book_2 : les preuves sont disponibles et les témoignages frais. Mais ce n’est pas tout. D’abord, l’institution judiciaire et en particulier le procureur, en général peu pressé de poursuivre les infractions policières, peut facilement jouer la montre. Par exemple, il lui suffit d’attendre quelques semaines (c’est à dire… de ne rien faire) pour qu’une vidéosurveillance soit effacée. L’expérience prouve d’ailleurs que si la plainte prend du retard au début, le dossier sera considéré comme moins prioritaire, et prendra encore plus de temps à être traité LienFlagrant déni, La fabrique de l'oubli (page 30)note. Ensuite, si vous essayez de médiatiser l’affaireFiche 1. Je suis victime ou proche d'une victime de la policeComment médiatiser et dénoncer les faits ?book_2, gardez en tête que les médias ont tendance à se désintéresser très vite, dès les premiers jours écoulés. La dernière raison est le risque de découragement. Plus le temps s’écoule, plus il y a de chances que vous ayez envie de passer à autre chose. C’est vrai pour vous, pour vos proches, mais aussi pour les médias. Il est bien plus facile de les mobiliser autour de faits récents que d’histoires anciennes, surtout si les faits ne relèvent pas d’une gravité majeure. Ne laissez pas la justice vous avoir à l’usure ! Rappelez-vous aussi que plus l’affaire est médiatisée, plus elle sera considérée comme prioritaire.
Violences policières au stade de France : pièces à conviction détruites
« Les images de vidéo-surveillance des violences autour du Stade de France lors de la finale de la Ligue des champions n’ont pas été conservées, a-t-on appris lors des auditions par le Sénat, jeudi. Ces images sont systématiquement détruites au bout de sept jours, sauf réquisition de la justice, a expliqué Erwan Le Prévost, le directeur des affaires institutionnelles de la Fédération française de football (FFF), dont une délégation était entendue au Sénat. […] Pour le sénateur David Assouline, « des images très violentes existaient et elles ont été effacées sept jours après les faits. Pourquoi n’ont-elles pas été réquisitionnées? », a-t-il demandé. […] Pour le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau, « tout porte à croire qu’on a sciemment laissé détruire des pièces à conviction compromettantes ».
Comment la victime peut-elle intervenir dans l’enquête du procureur ?
Ne laissez pas « la justice faire son travail » ! Rappelez-vous que c’est aussi et surtout « votre » enquête. Contrairement au modèle anglo-saxon par exemple, la justice française dirige l’enquête et les victimes ont peu de droits. Quels que soient les faits (homicideFiche 13. Les infractions policièresQu'est-ce qu'un homicide ?book_2 ou violencesFiche 13. Les infractions policièresQu'est-ce qu'une violence ?book_2), au stade de l’enquête du procureur (« de flagrance » ou « préliminaire »), vous n’êtes pas considéré·e comme une véritable « partie »Fiche 6. Après le classement sans suiteQu'est-ce que la « la plainte avec constitution de partie civile » ?book_2. Vous n’avez donc aucun droit à obtenir tel ou tel acte d’investigation, ou même des informations sur l’avancée de l’enquête. Pour autant, rien ne vous interdit de les demander en vous appuyant sur les principes de l’enquête effectiveFiche 9. Lutter pour une enquête efficacebook_2 posés par la Cour européenne. C’est même conseillé : à chaque coup de fil au service d’enquêteFiche 11. Les services d'enquêtebook_2, il y a de bonnes chances que le dossier remonte en haut de la pile… Débrouillez-vous toujours pour laisser une trace écrite de vos démarches, par exemple un simple mail de confirmation. N’hésitez pas à intervenir à tout moment de l’enquête. Par ailleurs, les victimes doivent pouvoirSourceArticles 10-2 et suivants du Code de procédure pénalenote« être accompagnées » par « la personne majeure de leur choix » (avocat·eFiche 8. Bien choisir son avocat·ebook_2 ou simple proche, membre d’un collectifAnnuairebook_2, etc.) et ce, « à tous les stades de la procédure ». C’est donc valable pour les auditions, mais aussi pour des coups de téléphone, lettres de relance, etc.
Comment se termine l’enquête du procureur ?
Une fois que le service d’enquête estime avoir terminé son enquête, il rédige un procès-verbal (PV) de synthèse. En général, ce PV présente un résumé des faits, du déroulé de l’enquête, et une conclusion : auteurs des faits identifiés ou pas, violence « légitime » ou pasFiche 13. Les infractions policièresbook_2, proposition de classement sans suite, etc. Il y joint l’ensemble de ses actes d’enquête et transmet le tout au procureur. Formellement, c’est donc ce dernier qui décideSourceArticle 40-1 du Code de procédure pénale de classer sans suiteFiche 6. Après le classement sans suitebook_2, ou bien de « poursuivre » (ouverture d’une information judiciaireFiche 12. Devant le juge d'instructionbook_2, convocation au tribunalFiche 14. Devant le tribunalbook_2, etc.). En général, le procureur se contente de suivre la proposition du service enquêteur, et effectue un contrôle assez faible sur la qualité de l’enquête. Quelle que soit sa décision, il doit vous « aviser SourceArticle 40-2 du Code de procédure pénale note (informer). S’il classe sans suite, il doit vous indiquer « les raisons juridiques ou d’opportunité » qui le justifient et vous informer de votre droitSourceArticle D15-3-2 du Code de procédure pénalenote à demander une copie de la procédure. Attention : il n’est pas rare que les classements sans suite soient notifiés avec retard, voire pas du tout. N’hésitez pas à relancer le procureur pour obtenir une réponse. Enfin, demander une copie du dossier d’enquêteFiche 7. Accéder à son dossierPuis-je obtenir le dossier d'enquête du procureur après un classement sans suite ?book_2. La lecture du dossier apporte de multiples informations sur les faits eux-mêmes, les policiers en cause et le déroulé de l’enquête.
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3 | Réunir les preuves
4 | Les premiers pas de l’enquête
5 | Victime mise en cause par la police
6 | Après le classement sans suite
7 | Accéder à son dossier
8 | Bien choisir son avocat•e
9 | Lutter pour une enquête efficace
10 | Le procureur, un magistrat central
11 | Les services d’enquête
12 | Devant le juge d’instruction
13 | Les infractions policières
14 | Devant le tribunal
15 | Obtenir une condamnation de l’État
16 | Les sanctions disciplinaires dans la police
17 | Mettre en cause la justice
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Les premiers pas de l’enquête
PARTAGER SUR :
En principe, la justice devrait déclencher une enquête dès qu’elle a connaissance d’une potentielle agression par la police. En pratique, elle ne le fait presque que dans les cas d’homicides. Sauf dossier très médiatisé, vous devrez souvent batailler pour faire en sorte que l’enquête démarre vite et efficacement. Ne laissez pas la justice faire tranquillement son travail !
Dans cette fiche :
● Que faire juste après le dépôt de plainte ?
● Quels types d’enquête peuvent être déclenchés par le procureur ?
● Comment demander la saisie d’organes d’enquête les plus indépendants possible ?
● Combien de temps dure l’enquête du procureur ?
● Pourquoi vaut-il mieux agir vite ?
● Comment la victime peut-elle intervenir dans l’enquête du procureur ?
● Comment se termine l’enquête du procureur ?
Que faire juste après le dépôt de plainte ?
Suite à une plainte pour violences policières, une enquête doit toujours être ouverte : les plaintes pour ce type de faits ne peuvent pasSourceCirculaire du 16 novembre 2018 relative à la simplification de la procédure pénale à droit constantnote être « compostées » sans enquête. C’est le procureur de la RépubliqueFiche 10. Le procureur, un magistrat centralbook_2 qui « reçoit » les plaintesSourceArticle 40 du Code de procédure pénalenote et décide des suites à leur donner. Mais les « bureaux d’ordre pénal » (greffes du parquet), surchargés, mettent parfois plusieurs mois pour les enregistrer et les transmettre au procureur. Pour contourner cette difficulté, qui enlise les enquêtes avant même qu’elles commencent, vous pouvez 1) déposer plainte au posteFiche 2. Déposer plainteComment déposer plainte au poste ?book_2, 2) prendre les coordonnées de l’officier de policier judiciaire (OPJ) qui la recueille, 3) lui écrire immédiatement pour qu’il informe « téléphoniquement et sans délai » le procureur. L’OPJ est censé le faireSourceCirculaire du 14 mai 2001 de présentation de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimesnote pour les faits d’une « particulière importance ». Le fait de disposer d’un interlocuteur permet aussi de demander tout de suite des actes d’enquêteDans cette ficheComment la victime peut-elle intervenir dans l'enquête du procureur ?book_2, comme la saisie de vidéosFiche 3. Réunir les preuvesComment trouver des preuves en images ?book_2. En effet, la jurisprudence autoriseSourceCour de Cassation, Chambre criminelle, du 1 décembre 2004, n°04-80.536note les OPJ à procéder à des actes d’enquête avant d’en informer le procureur. Joignez une copie de vos démarches au procureur, et notamment une copie de votre PV de plainte au poste : c’est obligatoireSourceArticle 85 du Code de procédure pénalenote si vous voulez saisir un juge d’instructionFiche 10. Le procureur, un magistrat centralbook_2 après trois mois sans réponse.
Quels types d’enquête peuvent être déclenchés par le procureur ?
Le procureur peut décider d’ouvrir trois types d’enquêtes. « L’enquête préliminaire »SourceArticles 75 et suivants du Code de procédure pénalenote est dirigée par le procureurFiche 10. Le procureur, un magistrat centralbook_2. Il choisit le service d’enquêteFiche 11. Les services d'enquêtebook_2 (police ou gendarmerie). Ce dernier mène les investigations avec une grande liberté. Il doit rendre compte ponctuellement au procureur. Dès que les auteurs présumés de l’infraction sont identifiés, le service d’enquête doit informerSourceArticle 75-2 du Code de procédure pénalenote le procureur, qui décide des suites à donner : audition des suspects, confrontation éventuelle avec la victime, etc. « L’enquête de flagrance »SourceArticles 53 et suivants du Code de procédure pénalenote est également une enquête du procureur. Elle est très proche de l’enquête préliminaire, mais concerne un crime ou un délit qui « se commet actuellement, ou qui vient de se commettre ». Elle peut concernerSourceArticle 74 du Code de procédure pénalenote aussi un décès ou une personne grièvement blessée, si la cause est « inconnue ou suspecte ». Enfin, le procureur de la République peut décider d’ouvrir une instruction (ou information judiciaire)Fiche 12. Devant le juge d'instructionA quels stades peut intervenir le juge d'instruction ?book_2. Dans ce cas, l’enquête est dirigée par un juge d’instruction. Les textes prévoient cette hypothèseSourceCirculaire du 20 septembre 2016 relative à la lutte contre les infractions commises à l’occasion des manifestations (page 6)note en cas d’affaires complexes ou cyniquement, de « médiatisation » des faits. Pour les dossiers policiers, il est rare que le procureur demande d’office l’ouverture d’une instruction (y compris en cas d’homicideFiche 13. Les infractions policièresQu'est-ce qu'un homicide ?book_2).
Comment demander la saisie d’organes d’enquête les plus indépendants possible ?
Dans les affaires de violences policières, les magistrats peuvent être appelés à juger des policiers ou gendarmes avec lesquels ils ont l’habitude de travailler, qu’ils considèrent un peu comme des collègues. Pour éviter les risques d’atteinte à l’impartialité des magistrats, le procureur généralFiche 10. Le procureur, un magistrat centralQu'est-ce qu'un magistrat du « parquet » ?book_2 de la cour d’appel peut « transmettre la procédure »SourceArticle 43, alinéa 2 du Code de procédure pénalenote au tribunal de la ville la plus proche. Il s’agit d’une simple possibilité, et non d’une obligation. Aucun texte ne prévoit que la victime puisse faire une telle demande, mais rien ne l’empêche non plus. Une commission d’enquête parlementaire présidée par un député macroniste recommande de « systématiser » le « dépaysement »LienAssemblée nationale, Rapport d'enquête relative à l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l’ordrenote (changement de juridiction) de tous les dossiers de violences policières. Pour la commission, il s’agit « d’éviter que les relations professionnelles » entre magistrats et enquêteurs empêchent une « instruction impartiale de ces dossiers ». Pourtant, la pratique du dépaysement reste rare. Par ailleurs, aucune règle juridiqueFiche 11. Les services d'enquêteQui choisit le service de police en charge de l'enquête judiciaire ?book_2 n’empêche le procureur de saisir la gendarmerie d’une enquête sur la police, et vice et versaFiche 11. Les services d'enquêteQui choisit le service de police en charge de l'enquête judiciaire ?book_2. Vous pouvez en faire la demande. Comme pour le dépaysement, elle a peu de chances d’aboutir. Mais au moins, vous aurez alerté la justice sur les risques de partialité de l’enquêteFiche 9. Lutter pour une enquête efficaceQu'est-ce qu'une enquête « objective et impartiale » ?book_2.
Police et gendarmerie : une « garantie fondamentale d’indépendance »
« La dualité des forces de sécurité [police et gendarmerie] constitue une garantie fondamentale d’indépendance pour l’autorité judiciaire. Le principe du libre choix du service enquêteur par les magistrats permet, en effet, à ces derniers de ne pas dépendre d’une seule force de police pour la réalisation des enquêtes »
Combien de temps dure l’enquête du procureur ?
La loi fixe la durée maximale des enquêtes placées sous le contrôle du procureur : pour l’enquête « de flagrance », 8 joursSourceArticle 53 du Code de procédure pénalenote (prolongeables de 8 jours pour les faits les plus graves) ; pour l’« enquête préliminaire », 2 ansSourceArticle 75-3 du Code de procédure pénalenote (prolongeables d’1 an à compter du premier acte d’enquête). Une enquête de flagrance peut se poursuivre par une enquête préliminaire, ou par une information judiciaire, etc. En toute légalité, l’enquête peut donc s’avérer très longue. En pratique, sauf ouverture d’une information judiciaire, l’enquête se déroule souvent en quelques mois, même dans les cas complexes. En revanche, de très longs délais administratifs peuvent s’ajouter à l’enquête proprement dite : enregistrement de la plainte, transmission du parquet vers le service d’enquête, puis saisine effective d’un enquêteur. De tels délais peuvent s’avérer excessifs au regard des critèresSourceCEDH, Jeanty c/ Belgique, 31 mars 2020, §126note posés par la Cour européenne des droits de l’HommeFiche 9. Lutter pour une enquête efficaceQu'est-ce qu'une enquête « rapide » ?book_2. Après enquête, le parquet met souvent de longs mois à traiter les dossiers. Vous pouvezSourceArticle 85 du Code de procédure pénalenote vous « constituer partie civile »Fiche 6. Après le classement sans suiteQu'est-ce que la « plainte avec constitution de partie civile » ?book_2 si vous n’avez pas de nouvelle du procureur trois mois après lui avoir adressé votre plainte (ou la copie du PV de plainte au poste).
Délais administratifs de plus d’une année
« Entre la transmission d’une enquête à l’autorité judiciaire et la décision de celle-ci, il s’écoule un délai qui est souvent de plusieurs mois voire de plus d’une année, à l’exception des décisions immédiates de poursuites ».
Pourquoi vaut-il mieux agir vite ?
Une bonne enquête est celle qui démarre viteFiche 9. Lutter pour une enquête efficaceQu'est-ce qu'une enquête « rapide » ?book_2 : les preuves sont disponibles et les témoignages frais. Mais ce n’est pas tout. D’abord, l’institution judiciaire et en particulier le procureur, en général peu pressé de poursuivre les infractions policières, peut facilement jouer la montre. Par exemple, il lui suffit d’attendre quelques semaines (c’est à dire… de ne rien faire) pour qu’une vidéosurveillance soit effacée. L’expérience prouve d’ailleurs que si la plainte prend du retard au début, le dossier sera considéré comme moins prioritaire, et prendra encore plus de temps à être traité LienFlagrant déni, La fabrique de l'oubli (page 30)note. Ensuite, si vous essayez de médiatiser l’affaireFiche 1. Je suis victime ou proche d'une victime de la policeComment médiatiser et dénoncer les faits ?book_2, gardez en tête que les médias ont tendance à se désintéresser très vite, dès les premiers jours écoulés. La dernière raison est le risque de découragement. Plus le temps s’écoule, plus il y a de chances que vous ayez envie de passer à autre chose. C’est vrai pour vous, pour vos proches, mais aussi pour les médias. Il est bien plus facile de les mobiliser autour de faits récents que d’histoires anciennes, surtout si les faits ne relèvent pas d’une gravité majeure. Ne laissez pas la justice vous avoir à l’usure ! Rappelez-vous aussi que plus l’affaire est médiatisée, plus elle sera considérée comme prioritaire.
Violences policières au stade de France : pièces à conviction détruites
« Les images de vidéo-surveillance des violences autour du Stade de France lors de la finale de la Ligue des champions n’ont pas été conservées, a-t-on appris lors des auditions par le Sénat, jeudi. Ces images sont systématiquement détruites au bout de sept jours, sauf réquisition de la justice, a expliqué Erwan Le Prévost, le directeur des affaires institutionnelles de la Fédération française de football (FFF), dont une délégation était entendue au Sénat. […] Pour le sénateur David Assouline, « des images très violentes existaient et elles ont été effacées sept jours après les faits. Pourquoi n’ont-elles pas été réquisitionnées? », a-t-il demandé. […] Pour le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau, « tout porte à croire qu’on a sciemment laissé détruire des pièces à conviction compromettantes ».
Comment la victime peut-elle intervenir dans l’enquête du procureur ?
Ne laissez pas « la justice faire son travail » ! Rappelez-vous que c’est aussi et surtout « votre » enquête. Contrairement au modèle anglo-saxon par exemple, la justice française dirige l’enquête et les victimes ont peu de droits. Quels que soient les faits (homicideFiche 13. Les infractions policièresQu'est-ce qu'un homicide ?book_2 ou violencesFiche 13. Les infractions policièresQu'est-ce qu'une violence ?book_2), au stade de l’enquête du procureur (« de flagrance » ou « préliminaire »), vous n’êtes pas considéré·e comme une véritable « partie »Fiche 6. Après le classement sans suiteQu'est-ce que la « la plainte avec constitution de partie civile » ?book_2. Vous n’avez donc aucun droit à obtenir tel ou tel acte d’investigation, ou même des informations sur l’avancée de l’enquête. Pour autant, rien ne vous interdit de les demander en vous appuyant sur les principes de l’enquête effectiveFiche 9. Lutter pour une enquête efficacebook_2 posés par la Cour européenne. C’est même conseillé : à chaque coup de fil au service d’enquêteFiche 11. Les services d'enquêtebook_2, il y a de bonnes chances que le dossier remonte en haut de la pile… Débrouillez-vous toujours pour laisser une trace écrite de vos démarches, par exemple un simple mail de confirmation. N’hésitez pas à intervenir à tout moment de l’enquête. Par ailleurs, les victimes doivent pouvoirSourceArticles 10-2 et suivants du Code de procédure pénalenote« être accompagnées » par « la personne majeure de leur choix » (avocat·eFiche 8. Bien choisir son avocat·ebook_2 ou simple proche, membre d’un collectifAnnuairebook_2, etc.) et ce, « à tous les stades de la procédure ». C’est donc valable pour les auditions, mais aussi pour des coups de téléphone, lettres de relance, etc.
Comment se termine l’enquête du procureur ?
Une fois que le service d’enquête estime avoir terminé son enquête, il rédige un procès-verbal (PV) de synthèse. En général, ce PV présente un résumé des faits, du déroulé de l’enquête, et une conclusion : auteurs des faits identifiés ou pas, violence « légitime » ou pasFiche 13. Les infractions policièresbook_2, proposition de classement sans suite, etc. Il y joint l’ensemble de ses actes d’enquête et transmet le tout au procureur. Formellement, c’est donc ce dernier qui décideSourceArticle 40-1 du Code de procédure pénale de classer sans suiteFiche 6. Après le classement sans suitebook_2, ou bien de « poursuivre » (ouverture d’une information judiciaireFiche 12. Devant le juge d'instructionbook_2, convocation au tribunalFiche 14. Devant le tribunalbook_2, etc.). En général, le procureur se contente de suivre la proposition du service enquêteur, et effectue un contrôle assez faible sur la qualité de l’enquête. Quelle que soit sa décision, il doit vous « aviser SourceArticle 40-2 du Code de procédure pénale note (informer). S’il classe sans suite, il doit vous indiquer « les raisons juridiques ou d’opportunité » qui le justifient et vous informer de votre droitSourceArticle D15-3-2 du Code de procédure pénalenote à demander une copie de la procédure. Attention : il n’est pas rare que les classements sans suite soient notifiés avec retard, voire pas du tout. N’hésitez pas à relancer le procureur pour obtenir une réponse. Enfin, demander une copie du dossier d’enquêteFiche 7. Accéder à son dossierPuis-je obtenir le dossier d'enquête du procureur après un classement sans suite ?book_2. La lecture du dossier apporte de multiples informations sur les faits eux-mêmes, les policiers en cause et le déroulé de l’enquête.