Guide pour les victimes de violences policières,
en 17 fiches pratiques et juridiques

Version 2.2 publiée le 13/03/2024

Les premiers pas
de l’enquête

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En principe, la justice devrait déclencher une enquête dès qu’elle a connaissance d’une potentielle agression par la police. En pratique, elle ne le fait presque que dans les cas d’homicides. Sauf dossier très médiatisé, vous devrez souvent batailler pour faire en sorte que l’enquête démarre vite et efficacement. Ne laissez pas la justice faire tranquillement son travail !

Dans cette fiche :

Que faire juste après le dépôt de plainte ?
Quels types d’enquête peuvent être déclenchés par le procureur ?
Comment demander la saisie d’organes d’enquête les plus indépendants possible ?
Combien de temps dure l’enquête du procureur ?
Pourquoi vaut-il mieux agir vite ?
Comment la victime peut-elle intervenir dans l’enquête du procureur ?
Comment se termine l’enquête du procureur ?

Que faire juste après le dépôt de plainte ?

Suite à une plainte pour violences policières, une enquête doit toujours être ouverte : les plaintes pour ce type de faits ne peuvent pasnote être « compostées » sans enquête. C’est le procureur de la Républiquebook_2 qui « reçoit » les plaintesnote et décide des suites à leur donner. Mais les « bureaux d’ordre pénal » (greffes du parquet), surchargés, mettent parfois plusieurs mois pour les enregistrer et les transmettre au procureur. Pour contourner cette difficulté, qui enlise les enquêtes avant même qu’elles commencent, vous pouvez 1) déposer plainte au postebook_2, 2) prendre les coordonnées de l’officier de policier judiciaire (OPJ) qui la recueille, 3) lui écrire immédiatement pour qu’il informe « téléphoniquement et sans délai » le procureur. L’OPJ est censé le fairenote pour les faits d’une « particulière importance ». Le fait de disposer d’un interlocuteur permet aussi de demander tout de suite des actes d’enquêtebook_2, comme la saisie de vidéosbook_2. En effet, la jurisprudence autorisenote les OPJ à procéder à des actes d’enquête avant d’en informer le procureur. Joignez une copie de vos démarches au procureur, et notamment une copie de votre PV de plainte au poste : c’est obligatoirenote si vous voulez saisir un juge d’instructionbook_2 après trois mois sans réponse.

Quels types d’enquête peuvent être déclenchés par le procureur ?

Le procureur peut décider d’ouvrir trois types d’enquêtes. « L’enquête préliminaire »note est dirigée par le procureurbook_2. Il choisit le service d’enquêtebook_2 (police ou gendarmerie). Ce dernier mène les investigations avec une grande liberté. Il doit rendre compte ponctuellement au procureur. Dès que les auteurs présumés de l’infraction sont identifiés, le service d’enquête doit informernote le procureur, qui décide des suites à donner : audition des suspects, confrontation éventuelle avec la victime, etc. « L’enquête de flagrance »note est également une enquête du procureur. Elle est très proche de l’enquête préliminaire, mais concerne un crime ou un délit qui « se commet actuellement, ou qui vient de se commettre ». Elle peut concernernote aussi un décès ou une personne grièvement blessée, si la cause est « inconnue ou suspecte ». Enfin, le procureur de la République peut décider d’ouvrir une instruction (ou information judiciaire)book_2. Dans ce cas, l’enquête est dirigée par un juge d’instruction. Les textes prévoient cette hypothèsenote en cas d’affaires complexes ou cyniquement, de « médiatisation » des faits. Pour les dossiers policiers, il est rare que le procureur demande d’office l’ouverture d’une instruction (y compris en cas d’homicidebook_2).

Comment demander la saisie d’organes d’enquête les plus indépendants possible ?

Dans les affaires de violences policières, les magistrats peuvent être appelés à juger des policiers ou gendarmes avec lesquels ils ont l’habitude de travailler, qu’ils considèrent un peu comme des collègues. Pour éviter les risques d’atteinte à l’impartialité des magistrats, le procureur généralbook_2 de la cour d’appel peut « transmettre la procédure »note au tribunal de la ville la plus proche. Il s’agit d’une simple possibilité, et non d’une obligation. Aucun texte ne prévoit que la victime puisse faire une telle demande, mais rien ne l’empêche non plus. Une commission d’enquête parlementaire présidée par un député macroniste recommande de « systématiser » le « dépaysement »note (changement de juridiction) de tous les dossiers de violences policières. Pour la commission, il s’agit « d’éviter que les relations professionnelles » entre magistrats et enquêteurs empêchent une « instruction impartiale de ces dossiers ». Pourtant, la pratique du dépaysement reste rare. Par ailleurs, aucune règle juridiquebook_2 n’empêche le procureur de saisir la gendarmerie d’une enquête sur la police, et vice et versabook_2. Vous pouvez en faire la demande. Comme pour le dépaysement, elle a peu de chances d’aboutir. Mais au moins, vous aurez alerté la justice sur les risques de partialité de l’enquêtebook_2.

Police et gendarmerie : une « garantie fondamentale d’indépendance »

« La dualité des forces de sécurité [police et gendarmerie] constitue une garantie fondamentale d’indépendance pour l’autorité judiciaire. Le principe du libre choix du service enquêteur par les magistrats permet, en effet, à ces derniers de ne pas dépendre d’une seule force de police pour la réalisation des enquêtes »

Sénat, avril 2008

Combien de temps dure l’enquête du procureur ?

La loi fixe la durée maximale des enquêtes placées sous le contrôle du procureur : pour l’enquête « de flagrance », 8 joursnote (prolongeables de 8 jours pour les faits les plus graves) ; pour l’« enquête préliminaire », 2 ansnote (prolongeables d’1 an à compter du premier acte d’enquête). Une enquête de flagrance peut se poursuivre par une enquête préliminaire, ou par une information judiciaire, etc. En toute légalité, l’enquête peut donc s’avérer très longue. En pratique, sauf ouverture d’une information judiciaire, l’enquête se déroule souvent en quelques mois, même dans les cas complexes. En revanche, de très longs délais administratifs peuvent s’ajouter à l’enquête proprement dite : enregistrement de la plainte, transmission du parquet vers le service d’enquête, puis saisine effective d’un enquêteur. De tels délais peuvent s’avérer excessifs au regard des critèresnote posés par la Cour européenne des droits de l’Hommebook_2. Après enquête, le parquet met souvent de longs mois à traiter les dossiers. Vous pouveznote vous « constituer partie civile »book_2 si vous n’avez pas de nouvelle du procureur trois mois après lui avoir adressé votre plainte (ou la copie du PV de plainte au poste).

Délais administratifs de plus d’une année

« Entre la transmission d’une enquête à l’autorité judiciaire et la décision de celle-ci, il s’écoule un délai qui est souvent de plusieurs mois voire de plus d’une année, à l’exception des décisions immédiates de poursuites ».

Rapport 2021 de l’IGPN

Pourquoi vaut-il mieux agir vite ?

Une bonne enquête est celle qui démarre vitebook_2 : les preuves sont disponibles et les témoignages frais. Mais ce n’est pas tout. D’abord, l’institution judiciaire et en particulier le procureur, en général peu pressé de poursuivre les infractions policières, peut facilement jouer la montre. Par exemple, il lui suffit d’attendre quelques semaines (c’est à dire… de ne rien faire) pour qu’une vidéosurveillance soit effacée. L’expérience prouve d’ailleurs que si la plainte prend du retard au début, le dossier sera considéré comme moins prioritaire, et prendra encore plus de temps à être traité note. Ensuite, si vous essayez de médiatiser l’affairebook_2, gardez en tête que les médias ont tendance à se désintéresser très vite, dès les premiers jours écoulés. La dernière raison est le risque de découragement. Plus le temps s’écoule, plus il y a de chances que vous ayez envie de passer à autre chose. C’est vrai pour vous, pour vos proches, mais aussi pour les médias. Il est bien plus facile de les mobiliser autour de faits récents que d’histoires anciennes, surtout si les faits ne relèvent pas d’une gravité majeure. Ne laissez pas la justice vous avoir à l’usure ! Rappelez-vous aussi que plus l’affaire est médiatisée, plus elle sera considérée comme prioritaire.

Violences policières au stade de France : pièces à conviction détruites

« Les images de vidéo-surveillance des violences autour du Stade de France lors de la finale de la Ligue des champions n’ont pas été conservées, a-t-on appris lors des auditions par le Sénat, jeudi. Ces images sont systématiquement détruites au bout de sept jours, sauf réquisition de la justice, a expliqué Erwan Le Prévost, le directeur des affaires institutionnelles de la Fédération française de football (FFF), dont une délégation était entendue au Sénat. […] Pour le sénateur David Assouline, « des images très violentes existaient et elles ont été effacées sept jours après les faits. Pourquoi n’ont-elles pas été réquisitionnées? », a-t-il demandé. […] Pour le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau, « tout porte à croire qu’on a sciemment laissé détruire des pièces à conviction compromettantes ».

AFP, 9 juin 2022

Comment la victime peut-elle intervenir dans l’enquête du procureur ?

Ne laissez pas « la justice faire son travail » ! Rappelez-vous que c’est aussi et surtout « votre » enquête. Contrairement au modèle anglo-saxon par exemple, la justice française dirige l’enquête et les victimes ont peu de droits. Quels que soient les faits (homicidebook_2 ou violencesbook_2), au stade de l’enquête du procureur (« de flagrance » ou « préliminaire »), vous n’êtes pas considéré·e comme une véritable « partie »book_2. Vous n’avez donc aucun droit à obtenir tel ou tel acte d’investigation, ou même des informations sur l’avancée de l’enquête. Pour autant, rien ne vous interdit de les demander en vous appuyant sur les principes de l’enquête effectivebook_2 posés par la Cour européenne. C’est même conseillé : à chaque coup de fil au service d’enquêtebook_2, il y a de bonnes chances que le dossier remonte en haut de la pile… Débrouillez-vous toujours pour laisser une trace écrite de vos démarches, par exemple un simple mail de confirmation. N’hésitez pas à intervenir à tout moment de l’enquête. Par ailleurs, les victimes doivent pouvoirnote« être accompagnées » par « la personne majeure de leur choix » (avocat·ebook_2 ou simple proche, membre d’un collectifbook_2, etc.) et ce, « à tous les stades de la procédure ». C’est donc valable pour les auditions, mais aussi pour des coups de téléphone, lettres de relance, etc.

Comment se termine l’enquête du procureur ?

Une fois que le service d’enquête estime avoir terminé son enquête, il rédige un procès-verbal (PV) de synthèse. En général, ce PV présente un résumé des faits, du déroulé de l’enquête, et une conclusion : auteurs des faits identifiés ou pas, violence « légitime » ou pasbook_2, proposition de classement sans suite, etc. Il y joint l’ensemble de ses actes d’enquête et transmet le tout au procureur. Formellement, c’est donc ce dernier qui décide de classer sans suitebook_2, ou bien de « poursuivre » (ouverture d’une information judiciairebook_2, convocation au tribunalbook_2, etc.). En général, le procureur se contente de suivre la proposition du service enquêteur, et effectue un contrôle assez faible sur la qualité de l’enquête. Quelle que soit sa décision, il doit vous « aviser  note (informer). S’il classe sans suite, il doit vous indiquer « les raisons juridiques ou d’opportunité » qui le justifient et vous informer de votre droitnote à demander une copie de la procédure. Attention : il n’est pas rare que les classements sans suite soient notifiés avec retard, voire pas du tout. N’hésitez pas à relancer le procureur pour obtenir une réponse. Enfin, demander une copie du dossier d’enquêtebook_2. La lecture du dossier apporte de multiples informations sur les faits eux-mêmes, les policiers en cause et le déroulé de l’enquête.

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Guide pour les victimes de violences policières,
en 17 fiches pratiques et juridiques

Version 2.1 publiée le 23/11/2023

Les premiers pas de l’enquête

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En principe, la justice devrait déclencher une enquête dès qu’elle a connaissance d’une potentielle agression par la police. En pratique, elle ne le fait presque que dans les cas d’homicides. Sauf dossier très médiatisé, vous devrez souvent batailler pour faire en sorte que l’enquête démarre vite et efficacement. Ne laissez pas la justice faire tranquillement son travail !

Dans cette fiche :

Que faire juste après le dépôt de plainte ?
Quels types d’enquête peuvent être déclenchés par le procureur ?
Comment demander la saisie d’organes d’enquête les plus indépendants possible ?
Combien de temps dure l’enquête du procureur ?
Pourquoi vaut-il mieux agir vite ?
Comment la victime peut-elle intervenir dans l’enquête du procureur ?
Comment se termine l’enquête du procureur ?

Que faire juste après le dépôt de plainte ?

Suite à une plainte pour violences policières, une enquête doit toujours être ouverte : les plaintes pour ce type de faits ne peuvent pasnote être « compostées » sans enquête. C’est le procureur de la Républiquebook_2 qui « reçoit » les plaintesnote et décide des suites à leur donner. Mais les « bureaux d’ordre pénal » (greffes du parquet), surchargés, mettent parfois plusieurs mois pour les enregistrer et les transmettre au procureur. Pour contourner cette difficulté, qui enlise les enquêtes avant même qu’elles commencent, vous pouvez 1) déposer plainte au postebook_2, 2) prendre les coordonnées de l’officier de policier judiciaire (OPJ) qui la recueille, 3) lui écrire immédiatement pour qu’il informe « téléphoniquement et sans délai » le procureur. L’OPJ est censé le fairenote pour les faits d’une « particulière importance ». Le fait de disposer d’un interlocuteur permet aussi de demander tout de suite des actes d’enquêtebook_2, comme la saisie de vidéosbook_2. En effet, la jurisprudence autorisenote les OPJ à procéder à des actes d’enquête avant d’en informer le procureur. Joignez une copie de vos démarches au procureur, et notamment une copie de votre PV de plainte au poste : c’est obligatoirenote si vous voulez saisir un juge d’instructionbook_2 après trois mois sans réponse.

Quels types d’enquête peuvent être déclenchés par le procureur ?

Le procureur peut décider d’ouvrir trois types d’enquêtes. « L’enquête préliminaire »note est dirigée par le procureurbook_2. Il choisit le service d’enquêtebook_2 (police ou gendarmerie). Ce dernier mène les investigations avec une grande liberté. Il doit rendre compte ponctuellement au procureur. Dès que les auteurs présumés de l’infraction sont identifiés, le service d’enquête doit informernote le procureur, qui décide des suites à donner : audition des suspects, confrontation éventuelle avec la victime, etc. « L’enquête de flagrance »note est également une enquête du procureur. Elle est très proche de l’enquête préliminaire, mais concerne un crime ou un délit qui « se commet actuellement, ou qui vient de se commettre ». Elle peut concernernote aussi un décès ou une personne grièvement blessée, si la cause est « inconnue ou suspecte ». Enfin, le procureur de la République peut décider d’ouvrir une instruction (ou information judiciaire)book_2. Dans ce cas, l’enquête est dirigée par un juge d’instruction. Les textes prévoient cette hypothèsenote en cas d’affaires complexes ou cyniquement, de « médiatisation » des faits. Pour les dossiers policiers, il est rare que le procureur demande d’office l’ouverture d’une instruction (y compris en cas d’homicidebook_2).

Comment demander la saisie d’organes d’enquête les plus indépendants possible ?

Dans les affaires de violences policières, les magistrats peuvent être appelés à juger des policiers ou gendarmes avec lesquels ils ont l’habitude de travailler, qu’ils considèrent un peu comme des collègues. Pour éviter les risques d’atteinte à l’impartialité des magistrats, le procureur généralbook_2 de la cour d’appel peut « transmettre la procédure »note au tribunal de la ville la plus proche. Il s’agit d’une simple possibilité, et non d’une obligation. Aucun texte ne prévoit que la victime puisse faire une telle demande, mais rien ne l’empêche non plus. Une commission d’enquête parlementaire présidée par un député macroniste recommande de « systématiser » le « dépaysement »note (changement de juridiction) de tous les dossiers de violences policières. Pour la commission, il s’agit « d’éviter que les relations professionnelles » entre magistrats et enquêteurs empêchent une « instruction impartiale de ces dossiers ». Pourtant, la pratique du dépaysement reste rare. Par ailleurs, aucune règle juridiquebook_2 n’empêche le procureur de saisir la gendarmerie d’une enquête sur la police, et vice et versabook_2. Vous pouvez en faire la demande. Comme pour le dépaysement, elle a peu de chances d’aboutir. Mais au moins, vous aurez alerté la justice sur les risques de partialité de l’enquêtebook_2.

Police et gendarmerie : une « garantie fondamentale d’indépendance »

« La dualité des forces de sécurité [police et gendarmerie] constitue une garantie fondamentale d’indépendance pour l’autorité judiciaire. Le principe du libre choix du service enquêteur par les magistrats permet, en effet, à ces derniers de ne pas dépendre d’une seule force de police pour la réalisation des enquêtes »

Sénat, avril 2008

Combien de temps dure l’enquête du procureur ?

La loi fixe la durée maximale des enquêtes placées sous le contrôle du procureur : pour l’enquête « de flagrance », 8 joursnote (prolongeables de 8 jours pour les faits les plus graves) ; pour l’« enquête préliminaire », 2 ansnote (prolongeables d’1 an à compter du premier acte d’enquête). Une enquête de flagrance peut se poursuivre par une enquête préliminaire, ou par une information judiciaire, etc. En toute légalité, l’enquête peut donc s’avérer très longue. En pratique, sauf ouverture d’une information judiciaire, l’enquête se déroule souvent en quelques mois, même dans les cas complexes. En revanche, de très longs délais administratifs peuvent s’ajouter à l’enquête proprement dite : enregistrement de la plainte, transmission du parquet vers le service d’enquête, puis saisine effective d’un enquêteur. De tels délais peuvent s’avérer excessifs au regard des critèresnote posés par la Cour européenne des droits de l’Hommebook_2. Après enquête, le parquet met souvent de longs mois à traiter les dossiers. Vous pouveznote vous « constituer partie civile »book_2 si vous n’avez pas de nouvelle du procureur trois mois après lui avoir adressé votre plainte (ou la copie du PV de plainte au poste).

Délais administratifs de plus d’une année

« Entre la transmission d’une enquête à l’autorité judiciaire et la décision de celle-ci, il s’écoule un délai qui est souvent de plusieurs mois voire de plus d’une année, à l’exception des décisions immédiates de poursuites ».

Rapport 2021 de l’IGPN

Pourquoi vaut-il mieux agir vite ?

Une bonne enquête est celle qui démarre vitebook_2 : les preuves sont disponibles et les témoignages frais. Mais ce n’est pas tout. D’abord, l’institution judiciaire et en particulier le procureur, en général peu pressé de poursuivre les infractions policières, peut facilement jouer la montre. Par exemple, il lui suffit d’attendre quelques semaines (c’est à dire… de ne rien faire) pour qu’une vidéosurveillance soit effacée. L’expérience prouve d’ailleurs que si la plainte prend du retard au début, le dossier sera considéré comme moins prioritaire, et prendra encore plus de temps à être traité note. Ensuite, si vous essayez de médiatiser l’affairebook_2, gardez en tête que les médias ont tendance à se désintéresser très vite, dès les premiers jours écoulés. La dernière raison est le risque de découragement. Plus le temps s’écoule, plus il y a de chances que vous ayez envie de passer à autre chose. C’est vrai pour vous, pour vos proches, mais aussi pour les médias. Il est bien plus facile de les mobiliser autour de faits récents que d’histoires anciennes, surtout si les faits ne relèvent pas d’une gravité majeure. Ne laissez pas la justice vous avoir à l’usure ! Rappelez-vous aussi que plus l’affaire est médiatisée, plus elle sera considérée comme prioritaire.

Violences policières au stade de France : pièces à conviction détruites

« Les images de vidéo-surveillance des violences autour du Stade de France lors de la finale de la Ligue des champions n’ont pas été conservées, a-t-on appris lors des auditions par le Sénat, jeudi. Ces images sont systématiquement détruites au bout de sept jours, sauf réquisition de la justice, a expliqué Erwan Le Prévost, le directeur des affaires institutionnelles de la Fédération française de football (FFF), dont une délégation était entendue au Sénat. […] Pour le sénateur David Assouline, « des images très violentes existaient et elles ont été effacées sept jours après les faits. Pourquoi n’ont-elles pas été réquisitionnées? », a-t-il demandé. […] Pour le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau, « tout porte à croire qu’on a sciemment laissé détruire des pièces à conviction compromettantes ».

AFP, 9 juin 2022

Comment la victime peut-elle intervenir dans l’enquête du procureur ?

Ne laissez pas « la justice faire son travail » ! Rappelez-vous que c’est aussi et surtout « votre » enquête. Contrairement au modèle anglo-saxon par exemple, la justice française dirige l’enquête et les victimes ont peu de droits. Quels que soient les faits (homicidebook_2 ou violencesbook_2), au stade de l’enquête du procureur (« de flagrance » ou « préliminaire »), vous n’êtes pas considéré·e comme une véritable « partie »book_2. Vous n’avez donc aucun droit à obtenir tel ou tel acte d’investigation, ou même des informations sur l’avancée de l’enquête. Pour autant, rien ne vous interdit de les demander en vous appuyant sur les principes de l’enquête effectivebook_2 posés par la Cour européenne. C’est même conseillé : à chaque coup de fil au service d’enquêtebook_2, il y a de bonnes chances que le dossier remonte en haut de la pile… Débrouillez-vous toujours pour laisser une trace écrite de vos démarches, par exemple un simple mail de confirmation. N’hésitez pas à intervenir à tout moment de l’enquête. Par ailleurs, les victimes doivent pouvoirnote« être accompagnées » par « la personne majeure de leur choix » (avocat·ebook_2 ou simple proche, membre d’un collectifbook_2, etc.) et ce, « à tous les stades de la procédure ». C’est donc valable pour les auditions, mais aussi pour des coups de téléphone, lettres de relance, etc.

Comment se termine l’enquête du procureur ?

Une fois que le service d’enquête estime avoir terminé son enquête, il rédige un procès-verbal (PV) de synthèse. En général, ce PV présente un résumé des faits, du déroulé de l’enquête, et une conclusion : auteurs des faits identifiés ou pas, violence « légitime » ou pasbook_2, proposition de classement sans suite, etc. Il y joint l’ensemble de ses actes d’enquête et transmet le tout au procureur. Formellement, c’est donc ce dernier qui décide de classer sans suitebook_2, ou bien de « poursuivre » (ouverture d’une information judiciairebook_2, convocation au tribunalbook_2, etc.). En général, le procureur se contente de suivre la proposition du service enquêteur, et effectue un contrôle assez faible sur la qualité de l’enquête. Quelle que soit sa décision, il doit vous « aviser  note (informer). S’il classe sans suite, il doit vous indiquer « les raisons juridiques ou d’opportunité » qui le justifient et vous informer de votre droitnote à demander une copie de la procédure. Attention : il n’est pas rare que les classements sans suite soient notifiés avec retard, voire pas du tout. N’hésitez pas à relancer le procureur pour obtenir une réponse. Enfin, demander une copie du dossier d’enquêtebook_2. La lecture du dossier apporte de multiples informations sur les faits eux-mêmes, les policiers en cause et le déroulé de l’enquête.