Guide pour les victimes de violences policières,
en 17 fiches pratiques et juridiques

Version 2.2 publiée le 13/03/2024

Après le classement
sans suite

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Le classement sans suite est un moment charnière. Dans tous les cas, nous vous conseillons de demander une copie du dossier d’enquête. Même si vous voulez en rester là, il vous apportera des informations précieuses. Ensuite, si vous le souhaitez, des moyens juridiques permettent d’obliger la justice à rouvrir l’enquête.

Dans cette fiche :

Que faire après un classement sans suite ?
Qu’est-ce que le recours au procureur général ?
Qu’est-ce que la « plainte avec constitution de partie civile » (CPC) ?
Qu’est-ce que la « consignation » ?
Quelles suites peuvent être données à la plainte avec CPC ?
Qu’est-ce que la « citation directe » devant le tribunal ?
Quels sont les risques juridiques en cas de plainte avec CPC ou citation directe ?

Que faire après un classement sans suite ?

La plupart des plaintes ou enquêtes contre la police (même pour les faits les plus graves comme les homicidesbook_2) aboutissent à un classement sans suitebook_2. C’est un début, pas une fin ! La première chose à faire est d’obtenir la décision (un simple courrier du procureur), qui ne vous sera pas toujours notifiée d’office. Ensuite, il faut récupérer une copie de votre dossierbook_2. Même en cas de classement sans suite, la lecture du dossier apporte de multiples informations sur les faits eux-mêmes, les policiers en cause et le déroulé de l’enquête. C’est dommage de ne pas récupérer ces précieuses informations alors que vous y avez droit. Ensuite, à vous de choisir si vous souhaitez continuer votre parcours judiciaire ! D’une part, vous pouvez sous certaines conditions demander une indemnisation à l’Etatbook_2. D’autre part, vous pouvez relancer l’enquête pénale. Cela peut permettre de chercher la vérité sur votre affaire, d’obtenir une indemnisation de la part des policiersbook_2, ou au moins des explications, de faire condamner une pratique qui vous semble injuste, etc. Deux voies sont possibles : le recours au procureur général ou la constitution de partie civile.

Homicides policiers : plus d’un tiers de classements sans suite

De janvier 1977 à juin 2020, 703 personnes sont décédées des suites d’une intervention policière ou suite à l’action d’un agent en dehors de son service. Nous avons exclu les affaires sur lesquelles nous ne disposons d’aucune information sur la réponse pénale qui leur aurait été donnée ; celles, en cours, sur lesquelles la justice ne s’est pas encore prononcée (101 affaires) [etc.). Il nous reste donc 213 affaires sur lesquelles nous disposons d’informations relatives aux suites judiciaires qui leur ont été données. Au total, nous avons compté au moins 84 classements sans suite [39 % des affaires].

Basta.media, juillet 2020

Qu’est-ce que le recours au procureur général ?

En cas de classement sans suite, vous pouveznote former un recours auprès du procureur généralbook_2 de la cour d’appel. Cette procédure est gratuite, et sans formalisme : vous-même ou votre avocat·ebook_2 pouvez écrire une simple lettre (avec recommandé pour garder une preuve). Vous pouvez indiquer les actes d’enquête que vous estimez utiles (plus la lettre est précise, plus elle aura de chances de succès). Aucun délai n’est prévu par les textes ni pour le dépôt de ce recours, ni pour la réponse du procureur général. En principe, il doit vous informer s’il rejette le recours, mais les délais sont parfois très longs. N’hésitez pas à relancer par courrier. Suite à votre demande, le procureur général peut demander au procureur de la République de rouvrir l’enquête préliminaire pour la compléter. Le recours au procureur général permet donc d’obtenir un complément d’enquête, sans passer par la phase lourde du juge d’instructionbook_2. En théorie, le procureur général peut annuler le classement sans suite, mais ce cas semble rare voire inexistant en pratique. Si vous souhaitez qu’il y ait des poursuites, il vous faudra passer par une « constitution de partie civile ».

Qu’est-ce que la « plainte avec constitution de partie civile » (CPC) ?

Vous pouveznote faire une « constitution de partie civile » (CPC) en déposant une plainte devant le juge d’instructionbook_2. Concrètement, cela vous permet de contourner le refus du procureur de saisir un juge d’instruction pour relancer l’enquêtebook_2. Si les faits sont des crimesbook_2 (homicides par exemple), vous pouvez déposer la plainte avec CPC tout de suite après les faits. Si les faits sont des délitsbook_2, vous ne pouvez le faire qu’après réception du classement sans suite, ou après un « délai de trois mois » à compter de votre plainte initiale. Attention : dans ce cas, vous devez avoir une preuve du dépôt de votre plaintebook_2 au procureur. Agir sans attendre le classement sans suite permet de gagner du temps, mais empêche de consulter le dossier d’enquêtebook_2 du procureur avant de décider quoi faire. Le contenu de la plainte CPC est relativement libre : vous devez déclarer votre adresse, décrire les faitsbook_2, leur date, et surtout exprimer clairement que vous voulez vous « constituer partie civile ». Vous pouvez déposer plainte contre X. La lettre doit être adressée au « doyen des juges d’instruction » par recommandé ou dépôt au tribunal. Le recours à un·e avocat·ebook_2 est fortement conseillé.

Plainte auprès du juge d’instruction pour tortures dans l’Essonne

«Torture» : le terme […] figure aujourd’hui sur une plainte avec constitution de partie civile […] pour «actes de torture commis par personnes dépositaires de l’autorité publique dans l’exercice de leurs fonctions, en réunion, avec usage d’armes». Autre circonstance aggravante, selon le document consulté par Libération : son potentiel mobile raciste. Le plaignant affirme que les policiers l’ont traité de «bougnoule» et de «sale arabe». [Il raconte] qu’il avait été interpellé violemment, et sans motif apparent, sur un parking de sa ville d’Athis-Mons, avec deux amis, puis emmené au commissariat de la ville voisine, le 10 mai vers 4 heures du matin, où il avait subi ce qu’il qualifie de «torture». Une fois dans les locaux de la police nationale, «les agents se déchaînaient, ils me mettaient des coups de poing au visage, des coups de pied avec la pointe de leurs chaussures dans mes tibias, ils me marchaient sur les pieds. Ils en rigolaient, il y avait à peu près six policiers à ce moment, dont trois qui me frappaient. Ils s’amusaient aussi à me mettre des coups de Taser dans l’épaule et un dans le cou. Puis, ils m’ont menacé de me taser les parties intimes», décrivait-il à Libération.

Libération, mai 2011

Qu’est-ce que la « consignation » ?

Si vous déposez une plainte avec constitution de partie civile, la première chose que va vous demander la justice… c’est de l’argent, sous forme de « consignation »book_2. Si vous ne payez pas dans le délai imparti, votre plainte sera rejetée. Le juge doit fixer le montant « en fonction des ressources » dont vous disposez. Il peut vous en dispenser, et il est obligé de le faire si vous avez obtenu l’aide juridictionnellebook_2, même partiellebook_2. La somme ne peut excéder 15 000€, ce qui est énorme. Cependant, une somme de 12 000€ pour une personne sans ressources a été jugée « disproportionnée »book_2 et donc illégale. Les montants demandés semblent plus souvent se situer autour de 1000€. Si vous jugez le montant trop élevé, vous pouvez faire appelbook_2 auprès de la chambre de l’instructionbook_2. La consignation sert à payer une éventuelle « amende civile »book_2 prononcée par le juge d’instruction à la fin de la procédure. Si à la fin de l’information judiciairebook_2, aucune amende civile n’est prononcée, la consignation doit vous être restituée.

Quelles suites peuvent être données à la plainte avec CPC ?

Le juge d’instruction doit ouvrirbook_2 une instruction (ou information judiciaire)book_2 à réception de votre plainte avec CPC. Il doit la transmettrenote au procureur, qui doit donner ses « réquisitions » (son avis) sur votre plainte. Le procureur peut demander un délai de trois mois pour mener sa propre enquête avant de donner son avis. Le juge est libre de suivre (ou pas) les réquisitions du procureur. En principe, il ne peut pas se contenternote d’un « examen abstrait de la plainte ». Il doit donc mener une enquête avant de prononcer un éventuel non-lieu. Mais le juge d’instruction peut réaliser une enquête très minimaliste, essayer de la conclure très vite, ou au contraire la laisser traîner en longueur sans rien faire. Il est donc conseillé de faire dès le début des « demandes d’actes »book_2 pour pousser le juge à agir. Le délai entre le dépôt de la plainte avec CPC et l’ouverture concrète de l’instruction est souvent long (plusieurs mois). Rien ne vous empêche de faire un recours au procureur généralbook_2 pour tenter d’obtenir des actes d’enquête pendant ce temps.

Qu’est-ce que la « citation directe » devant le tribunal ?

En dépit d’un classement sans suite, il se peut que le ou les auteurs des faits soient identifiés individuellement dans l’enquête du procureur. Dans ce cas, vous pouveznote vous « constituer partie civile » pour les poursuivre directement devant le tribunal correctionnelbook_2. Cette procédure appelée « citation directe » permet de contourner l’inaction du procureur, comme la plainte avec CPC. Elle n’est pas possible devant la cour d’assisesbook_2. La citationnote a lieu par voie d’huissier, ce qui implique des coûts. En outre, une « consignation »book_2 vous sera demandée, sauf si vous avez droit à l’aide juridictionnellebook_2. La citation entraîne la saisine (saisie) du tribunal et la convocation des personnes que vous avez visées. L’assistance d’un·e avocat·ebook_2 est vivement conseillée. C’est une procédure rarissime pour des dossiers impliquant la police. En pratique, elle nécessite non seulement que les auteurs soient connus, mais aussi que le dossier d’enquête soit suffisamment complet pour permettre au tribunal de juger. Sinon, vous risquez de ne pas obtenir la condamnation que vous espérez, et de payer en outre une amende pour « procédure abusive »note, voire en plus des dommages et intérêtsbook_2.

Quels sont les risques juridiques en cas de plainte avec CPC ou citation directe ?

Si, à la suite de votre plainte avec CPC ou votre citation directe, la justice met les auteurs hors de cause (non-lieubook_2 , relaxe ou acquittementbook_2), trois mécanismes de sanction peuvent être activés contre vous. 1) Une « amende civile » peut être prononcée si votre plainte était « abusive ou dilatoire ». Ces notions ne sont pas définies, mais le juge devra « motiver »note (expliquer) sa décision. Il peut vous sanctionner même en cas de plainte « contre X ». 2) Si vous avez mis en cause nommément des personnes, elles peuvent vous demander des « dommages et intérêts » (indemnisation) pour « abus de constitution de partie civile ». C’est possible après l’instructionnote ou après un procès au tribunalnote. Les personnes que vous avez mises en cause doivent démontrernote en quoi votre plainte leur a porté un préjudice réel. 3) Toujours si vous avez mis en cause des personnes précises, vous pouvez être poursuivi·e pour « dénonciation calomnieuse »note. Une condamnation ne pourra intervenir que si vous avez menti sciemment (par exemple en dénonçant un policier tout en sachant qu’il n’était pas l’auteur des faits). En résumé, si vous déposez plainte « contre X », les risques sont faibles (les amendes civiles semblent rares). Si vous visez des personnes précises, réfléchissez bien avant d’agir.

Procès contre Assa Traoré suite à une tribune sur Facebook

Attaquée en diffamation par les gendarmes qu’elle accuse d’avoir tué son frère, Assa Traoré, devenue icône de la dénonciation des violences policières, a saisi l’occasion de son procès, jeudi 6 mai, pour faire celui de la « criminalisation des victimes ». […] « Je n’ai jamais vu une sœur de victime se retrouver au tribunal parce qu’elle a donné le nom des personnes qui ont tué son frère », a appuyé Samir Elyes Boulaadj, figure du Mouvement de l’immigration et des banlieues (MIB). […] Les trois gendarmes, auxquels Assa Traoré espérait être confrontée, étaient absents. Objet du procès : la tribune d’Assa Traoré, intitulée J’accuse, publiée sur Facebook en juillet 2019, lors du troisième anniversaire de la mort d’Adama. Dans une référence à la formule d’Emile Zola, Assa Traoré cite les noms des gendarmes et les accuse, en usant d’une anaphore, « d’avoir tué [son] frère Adama Traoré en l’écrasant avec le poids de leurs corps », « de ne pas [l’]avoir secouru » et « d’avoir refusé de [le] démenotter en affirmant qu’il simulait ».

Le Monde, mai 2021

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Guide pour les victimes de violences policières,
en 17 fiches pratiques et juridiques

Version 2.1 publiée le 23/11/2023

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Le classement sans suite est un moment charnière. Dans tous les cas, nous vous conseillons de demander une copie du dossier d’enquête. Même si vous voulez en rester là, il vous apportera des informations précieuses. Ensuite, si vous le souhaitez, des moyens juridiques permettent d’obliger la justice à rouvrir l’enquête.

Dans cette fiche :

Que faire après un classement sans suite ?
Qu’est-ce que le recours au procureur général ?
Qu’est-ce que la « plainte avec constitution de partie civile » (CPC) ?
Qu’est-ce que la « consignation » ?
Quelles suites peuvent être données à la plainte avec CPC ?
Qu’est-ce que la « citation directe » devant le tribunal ?
Quels sont les risques juridiques en cas de plainte avec CPC ou citation directe ?

Que faire après un classement sans suite ?

La plupart des plaintes ou enquêtes contre la police (même pour les faits les plus graves comme les homicidesbook_2) aboutissent à un classement sans suitebook_2. C’est un début, pas une fin ! La première chose à faire est d’obtenir la décision (un simple courrier du procureur), qui ne vous sera pas toujours notifiée d’office. Ensuite, il faut récupérer une copie de votre dossierbook_2. Même en cas de classement sans suite, la lecture du dossier apporte de multiples informations sur les faits eux-mêmes, les policiers en cause et le déroulé de l’enquête. C’est dommage de ne pas récupérer ces précieuses informations alors que vous y avez droit. Ensuite, à vous de choisir si vous souhaitez continuer votre parcours judiciaire ! D’une part, vous pouvez sous certaines conditions demander une indemnisation à l’Etatbook_2. D’autre part, vous pouvez relancer l’enquête pénale. Cela peut permettre de chercher la vérité sur votre affaire, d’obtenir une indemnisation de la part des policiersbook_2, ou au moins des explications, de faire condamner une pratique qui vous semble injuste, etc. Deux voies sont possibles : le recours au procureur général ou la constitution de partie civile.

Homicides policiers : plus d’un tiers de classements sans suite

De janvier 1977 à juin 2020, 703 personnes sont décédées des suites d’une intervention policière ou suite à l’action d’un agent en dehors de son service. Nous avons exclu les affaires sur lesquelles nous ne disposons d’aucune information sur la réponse pénale qui leur aurait été donnée ; celles, en cours, sur lesquelles la justice ne s’est pas encore prononcée (101 affaires) [etc.). Il nous reste donc 213 affaires sur lesquelles nous disposons d’informations relatives aux suites judiciaires qui leur ont été données. Au total, nous avons compté au moins 84 classements sans suite [39 % des affaires].

Basta.media, juillet 2020

Qu’est-ce que le recours au procureur général ?

En cas de classement sans suite, vous pouveznote former un recours auprès du procureur généralbook_2 de la cour d’appel. Cette procédure est gratuite, et sans formalisme : vous-même ou votre avocat·ebook_2 pouvez écrire une simple lettre (avec recommandé pour garder une preuve). Vous pouvez indiquer les actes d’enquête que vous estimez utiles (plus la lettre est précise, plus elle aura de chances de succès). Aucun délai n’est prévu par les textes ni pour le dépôt de ce recours, ni pour la réponse du procureur général. En principe, il doit vous informer s’il rejette le recours, mais les délais sont parfois très longs. N’hésitez pas à relancer par courrier. Suite à votre demande, le procureur général peut demander au procureur de la République de rouvrir l’enquête préliminaire pour la compléter. Le recours au procureur général permet donc d’obtenir un complément d’enquête, sans passer par la phase lourde du juge d’instructionbook_2. En théorie, le procureur général peut annuler le classement sans suite, mais ce cas semble rare voire inexistant en pratique. Si vous souhaitez qu’il y ait des poursuites, il vous faudra passer par une « constitution de partie civile ».

Qu’est-ce que la « plainte avec constitution de partie civile » (CPC) ?

Vous pouveznote faire une « constitution de partie civile » (CPC) en déposant une plainte devant le juge d’instructionbook_2. Concrètement, cela vous permet de contourner le refus du procureur de saisir un juge d’instruction pour relancer l’enquêtebook_2. Si les faits sont des crimesbook_2 (homicides par exemple), vous pouvez déposer la plainte avec CPC tout de suite après les faits. Si les faits sont des délitsbook_2, vous ne pouvez le faire qu’après réception du classement sans suite, ou après un « délai de trois mois » à compter de votre plainte initiale. Attention : dans ce cas, vous devez avoir une preuve du dépôt de votre plaintebook_2 au procureur. Agir sans attendre le classement sans suite permet de gagner du temps, mais empêche de consulter le dossier d’enquêtebook_2 du procureur avant de décider quoi faire. Le contenu de la plainte CPC est relativement libre : vous devez déclarer votre adresse, décrire les faitsbook_2, leur date, et surtout exprimer clairement que vous voulez vous « constituer partie civile ». Vous pouvez déposer plainte contre X. La lettre doit être adressée au « doyen des juges d’instruction » par recommandé ou dépôt au tribunal. Le recours à un·e avocat·ebook_2 est fortement conseillé.

Plainte auprès du juge d’instruction pour tortures dans l’Essonne

«Torture» : le terme […] figure aujourd’hui sur une plainte avec constitution de partie civile […] pour «actes de torture commis par personnes dépositaires de l’autorité publique dans l’exercice de leurs fonctions, en réunion, avec usage d’armes». Autre circonstance aggravante, selon le document consulté par Libération : son potentiel mobile raciste. Le plaignant affirme que les policiers l’ont traité de «bougnoule» et de «sale arabe». [Il raconte] qu’il avait été interpellé violemment, et sans motif apparent, sur un parking de sa ville d’Athis-Mons, avec deux amis, puis emmené au commissariat de la ville voisine, le 10 mai vers 4 heures du matin, où il avait subi ce qu’il qualifie de «torture». Une fois dans les locaux de la police nationale, «les agents se déchaînaient, ils me mettaient des coups de poing au visage, des coups de pied avec la pointe de leurs chaussures dans mes tibias, ils me marchaient sur les pieds. Ils en rigolaient, il y avait à peu près six policiers à ce moment, dont trois qui me frappaient. Ils s’amusaient aussi à me mettre des coups de Taser dans l’épaule et un dans le cou. Puis, ils m’ont menacé de me taser les parties intimes», décrivait-il à Libération.

Libération, mai 2011

Qu’est-ce que la « consignation » ?

Si vous déposez une plainte avec constitution de partie civile, la première chose que va vous demander la justice… c’est de l’argent, sous forme de « consignation »book_2. Si vous ne payez pas dans le délai imparti, votre plainte sera rejetée. Le juge doit fixer le montant « en fonction des ressources » dont vous disposez. Il peut vous en dispenser, et il est obligé de le faire si vous avez obtenu l’aide juridictionnellebook_2, même partiellebook_2. La somme ne peut excéder 15 000€, ce qui est énorme. Cependant, une somme de 12 000€ pour une personne sans ressources a été jugée « disproportionnée »book_2 et donc illégale. Les montants demandés semblent plus souvent se situer autour de 1000€. Si vous jugez le montant trop élevé, vous pouvez faire appelbook_2 auprès de la chambre de l’instructionbook_2. La consignation sert à payer une éventuelle « amende civile »book_2 prononcée par le juge d’instruction à la fin de la procédure. Si à la fin de l’information judiciairebook_2, aucune amende civile n’est prononcée, la consignation doit vous être restituée.

Quelles suites peuvent être données à la plainte avec CPC ?

Le juge d’instruction doit ouvrirbook_2 une instruction (ou information judiciaire)book_2 à réception de votre plainte avec CPC. Il doit la transmettrenote au procureur, qui doit donner ses « réquisitions » (son avis) sur votre plainte. Le procureur peut demander un délai de trois mois pour mener sa propre enquête avant de donner son avis. Le juge est libre de suivre (ou pas) les réquisitions du procureur. En principe, il ne peut pas se contenternote d’un « examen abstrait de la plainte ». Il doit donc mener une enquête avant de prononcer un éventuel non-lieu. Mais le juge d’instruction peut réaliser une enquête très minimaliste, essayer de la conclure très vite, ou au contraire la laisser traîner en longueur sans rien faire. Il est donc conseillé de faire dès le début des « demandes d’actes »book_2 pour pousser le juge à agir. Le délai entre le dépôt de la plainte avec CPC et l’ouverture concrète de l’instruction est souvent long (plusieurs mois). Rien ne vous empêche de faire un recours au procureur généralbook_2 pour tenter d’obtenir des actes d’enquête pendant ce temps.

Qu’est-ce que la « citation directe » devant le tribunal ?

En dépit d’un classement sans suite, il se peut que le ou les auteurs des faits soient identifiés individuellement dans l’enquête du procureur. Dans ce cas, vous pouveznote vous « constituer partie civile » pour les poursuivre directement devant le tribunal correctionnelbook_2. Cette procédure appelée « citation directe » permet de contourner l’inaction du procureur, comme la plainte avec CPC. Elle n’est pas possible devant la cour d’assisesbook_2. La citationnote a lieu par voie d’huissier, ce qui implique des coûts. En outre, une « consignation »book_2 vous sera demandée, sauf si vous avez droit à l’aide juridictionnellebook_2. La citation entraîne la saisine (saisie) du tribunal et la convocation des personnes que vous avez visées. L’assistance d’un·e avocat·ebook_2 est vivement conseillée. C’est une procédure rarissime pour des dossiers impliquant la police. En pratique, elle nécessite non seulement que les auteurs soient connus, mais aussi que le dossier d’enquête soit suffisamment complet pour permettre au tribunal de juger. Sinon, vous risquez de ne pas obtenir la condamnation que vous espérez, et de payer en outre une amende pour « procédure abusive »note, voire en plus des dommages et intérêtsbook_2.

Quels sont les risques juridiques en cas de plainte avec CPC ou citation directe ?

Si, à la suite de votre plainte avec CPC ou votre citation directe, la justice met les auteurs hors de cause (non-lieubook_2 , relaxe ou acquittementbook_2), trois mécanismes de sanction peuvent être activés contre vous. 1) Une « amende civile » peut être prononcée si votre plainte était « abusive ou dilatoire ». Ces notions ne sont pas définies, mais le juge devra « motiver »note (expliquer) sa décision. Il peut vous sanctionner même en cas de plainte « contre X ». 2) Si vous avez mis en cause nommément des personnes, elles peuvent vous demander des « dommages et intérêts » (indemnisation) pour « abus de constitution de partie civile ». C’est possible après l’instructionnote ou après un procès au tribunalnote. Les personnes que vous avez mises en cause doivent démontrernote en quoi votre plainte leur a porté un préjudice réel. 3) Toujours si vous avez mis en cause des personnes précises, vous pouvez être poursuivi·e pour « dénonciation calomnieuse »note. Une condamnation ne pourra intervenir que si vous avez menti sciemment (par exemple en dénonçant un policier tout en sachant qu’il n’était pas l’auteur des faits). En résumé, si vous déposez plainte « contre X », les risques sont faibles (les amendes civiles semblent rares). Si vous visez des personnes précises, réfléchissez bien avant d’agir.

Procès contre Assa Traoré suite à une tribune sur Facebook

Attaquée en diffamation par les gendarmes qu’elle accuse d’avoir tué son frère, Assa Traoré, devenue icône de la dénonciation des violences policières, a saisi l’occasion de son procès, jeudi 6 mai, pour faire celui de la « criminalisation des victimes ». […] « Je n’ai jamais vu une sœur de victime se retrouver au tribunal parce qu’elle a donné le nom des personnes qui ont tué son frère », a appuyé Samir Elyes Boulaadj, figure du Mouvement de l’immigration et des banlieues (MIB). […] Les trois gendarmes, auxquels Assa Traoré espérait être confrontée, étaient absents. Objet du procès : la tribune d’Assa Traoré, intitulée J’accuse, publiée sur Facebook en juillet 2019, lors du troisième anniversaire de la mort d’Adama. Dans une référence à la formule d’Emile Zola, Assa Traoré cite les noms des gendarmes et les accuse, en usant d’une anaphore, « d’avoir tué [son] frère Adama Traoré en l’écrasant avec le poids de leurs corps », « de ne pas [l’]avoir secouru » et « d’avoir refusé de [le] démenotter en affirmant qu’il simulait ».

Le Monde, mai 2021

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