Guide pour les victimes de violences policières,
en 17 fiches pratiques et juridiques
Version 2.2 publiée le 13/03/2024
Accueil
1 | Je suis victime ou proche d’une victime de la police
2 | Déposer plainte
3 | Réunir les preuves
4 | Les premiers pas de l’enquête
5 | Victime mise en cause par la police
6 | Après le classement sans suite
7 | Accéder à son dossier
8 | Bien choisir son avocat•e
9 | Lutter pour une enquête efficace
10 | Le procureur, un magistrat central
11 | Les services d’enquête
12 | Devant le juge d’instruction
13 | Les infractions policières
14 | Devant le tribunal
15 | Obtenir une condamnation de l’État
16 | Les sanctions disciplinaires dans la police
17 | Mettre en cause la justice
Annuaire
Tous les schémas
Devant
le tribunal
PARTAGER SUR :
Le procès est l’aboutissement de l’affaire : le moment où la justice examinera enfin votre cause publiquement. Préparez-bien cette étape : vous ne pourrez pas faire appel d’une éventuelle relaxe ou acquittement des policiers.
Dans cette fiche :
● Dans quel cas peut-il y avoir un procès ?
● Devant quels tribunaux peut se dérouler le procès ?
● Comment se déroule l’audience ?
● Quel rôle peut jouer la « partie civile » ?
● Quelles décisions peut rendre le tribunal sur le plan pénal?
● Quelles décisions peut rendre le tribunal sur le plan civil ?
● Qui peut faire appel de la décision du tribunal ?
Dans quel cas peut-il y avoir un procès ?
Trois personnes peuvent saisir un tribunal. D’abord, à la fin de l’enquête du procureur de la République (enquête « préliminaire » ou « de flagrance »)Fiche 4. Les premiers pas de l'enquêteQuels types d'enquête peuvent être déclenchés par le procureur ?book_2, ce dernier peut renvoyerSourceArticle 40-1 du Code de procédure pénalenote les suspects devant le tribunal. Ensuite, à la fin de l’information judiciaire, le juge d’instructionFiche 12. Devant le juge d'instructionbook_2 peut en faire autantSourceArticle 392-1 du Code de procédure pénalenote. Enfin, vous pouvezSourceArticle 392-1 du Code de procédure pénalenote également obliger la justice à organiser un procès par le biais d’une « citation directe »Fiche 6. Après le classement sans suiteQu'est-ce que la «citation directe » devant le tribunal ?book_2. C’est possible seulement en cas de délitDans cette ficheDevant quels tribunaux peut se dérouler le procès ?book_2. Attention : si le tribunal estime que les personnes que vous avez fait comparaître ne sont pas coupables, il peut vous obliger à leur payer une « amende civile »Fiche 6. Après le classement sans suiteQuels sont les risques juridiques en cas de plainte avec CPC ou citation directebook_2. Dans tous les cas, un tribunal ne peut juger que des personnes dénomméesSourceArticle 40-1 du Code de procédure pénalenote et régulièrement convoquées, et seulementSourceCour de Cassation, Chambre criminelle, du 23 janvier 2001, n°00-80.562note pour les faits dont il a été saisi. Par exemple, s’il est saisi seulement pour des violences, il ne pourra pas condamner des policiers pour des faux PV. En revanche, le tribunal est libre de « requalifier » juridiquement les faits (par exemple en requalifiant des violences simples en violences avec arme).
Devant quels tribunaux peut se dérouler le procès ?
Selon la gravité des faits, le procès peut se dérouler devant diverses juridictions. La cour d’assises juge les crimesSourceArticle 231 du Code de procédure pénalenote. Ce sont les faits les plus gravesFiche 13. Les infractions policièresComment sont classées les infractions pénales ?book_2, passibles de dix ans de prison au minimum. Elle est compétente en cas de décès, d’infirmités permanentes, mais aussi dans certains cas de faux procès-verbauxFiche 13. Les infractions policièresQuelles peuvent être les autres infractions policières ?book_2. Elle est composée d’un jury de 3 magistrats professionnels et de 9 jurés tirés au sort. Le tribunal correctionnel juge les délitsSourceArticle 381 du Code de procédure pénalenote, qui sont les faits passibles de dix ans de prison maximum. Le procès devant le tribunal correctionnel prend en général la forme classique de l’audience « collégiale » avec trois magistrats professionnels. Pour certaines infractionsSourceArticle 398 et suivants du Code de procédure pénalenote les moins graves, seul un « juge unique » statue. Le procureur de la RépubliqueFiche 10. Le procureur, un magistrat centralbook_2 peut aussi choisir la « comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » (CRPC), une sorte de « plaider-coupable » à la française. Au cours de la CRPC, en tant que victime, vous ne pouvezSourceArticle 495-13 du Code de procédure pénalenote vous exprimer que lors de l’audience finale, qui est très rapide parce qu’elle fait suite à une phase de négociation (à laquelle vous ne participez pas).
Procédure expéditive
La décision est tombée trois minutes seulement après l’ouverture de l’audience. Le fonctionnaire de police Sébastien Maréchal, 43 ans, a été condamné à une faible amende par le tribunal correctionnel de Bayonne, ce vendredi 26 juin, pour des faits de « violences involontaires ». Ce membre de la BAC de Bordeaux avait tiré au LBD (lanceur de balles de défense) dans la tête de Lola Villabriga, alors âgée de 19 ans, lors d’une manifestation anti-G7, à Biarritz, en décembre 2018. M. Maréchal devra payer 90 jours-amendes à 15 euros, soit un total de 1 350 euros. Le policier a reconnu les faits dans le cadre d’une procédure de plaider-coupable (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou CRPC). Expéditive, la procédure de CRPC a empêché tout débat sur le fond du dossier au cours de l’audience : pas de retour sur les circonstances du drame, sur le déroulé de l’enquête de l’IGPN ou d’explications du policier à la barre.
Comment se déroule l’audience ?
Quelle que soit la juridiction, les participants (en robe) sont les mêmes : en face la « cour » ou le « tribunal » (le ou les juges) qui « siège » et rendra la décision, sous la direction d’un·e président·e. D’un côté, le procureurFiche 10. Le procureur, un magistrat centralbook_2 ; de l’autre, le ou la greffière. Dans la salle, l’huissier (également en robe) est chargé de faire respecter « la police de l’audience », dictée par le président. Il y a souvent des policiers ou gendarmes. Dans les affaires policières, la confusion entre ceux chargés de la « sérénité » des débats et ceux venus soutenir les suspects est courante. En principe, les victimes et les suspects (« accusés » aux assises et « prévenus » en correctionnelle) se trouvent chacun·e d’un côté mais, pas toujours, faute de place. Le président procède à « l’instruction à la barre » en reprenant les faits à partir du dossier et en interrogeant les témoins, les victimes puis les suspects. Cette phase est beaucoup plus rapide devant le tribunal correctionnel que devant les assises. Une fois que tous les éléments de l’affaire sont passés en revue, la parole est donnée dans l’ordre à l’avocat de la victime (plaidoirie), au procureur (réquisitoire), puis à la défense (plaidoirie). Les décisions sont souvent mises en délibéré à plus tard, sauf devant la cour d’assises. Sauf exception, les audiences sont publiques.
Quel rôle peut jouer la « partie civile » ?
La « partie civile » est la victime qui intervient dans la procédure pour obtenir la réparation de son préjudiceFiche 1. Je suis victime ou proche d'une victime de la policeComment obtenir une indemnisation ?book_2. Vous pouvez vous « constituer » partie civileSourceArticle 418 du Code de procédure pénalenote jusqu’au moment de l’audience Vous pouvez aussi jouer un rôle sur le plan pénalFiche 8. Bien choisir son avocat·eQuand faut-il solliciter l'assistance d'un·e avocat·e ?book_2. Avant l’audience, vous pouvez faire citer des témoinsSourceArticle 550 du Code de procédure pénalenote, mais aussi des suspects (sauf aux assisesSourceArticle 281 du Code de procédure pénalenote). C’est utile si vous estimez que le procureur n’a pas convoqué tous les coupables (coauteurs, responsables hiérarchiques, etc.). Vous pouvez aussi faire citer un prévenu déjà convoqué en ajoutant des faits à poursuivre (par exemple un policier poursuivi par le procureur pour violences, mais pas pour un faux PV). Ces citations ont lieu par voie d’huissier, ce qui implique des coûts. Avant ou pendant l’audience, vous pouvez déposer des « conclusions »SourceArticle 459 du Code de procédure pénalenote (observations) écrites. C’est utile notamment pour insister sur tel élément de preuve, pour demander la requalification de tel fait ou pour demander réparation de votre préjudice. Enfin, pendant l’audience, vous pouvez prendre la parole, et votre avocat·e peut poser des questionsSourceArticle 442-1 du Code de procédure pénalenote aux témoins et aux suspects.
Quelles décisions peut rendre le tribunal sur le plan pénal ?
L’aspect « pénal » du procès concerne l’existence ou non d’infraction(s)Fiche 13. Les infractions policièresContenubook_2. S’il juge qu’il n’y en a pas, le tribunal prononce « l’acquittement » (aux assises) ou la « relaxe » (tribunal correctionnel). S’il y a infraction, il « qualifie » les faits reprochés à chaque suspect, c’est à dire qu’il indique quelle infraction a été commise. Puis il prononce les peines. Les peines dites « principales » sont essentiellement la prison (avec ou sans sursis) et l’amende. Les condamnations de policiers ou gendarmes à des peines de prison ferme sont extrêmement rares. En cas de violencesFiche 13. Les infractions policièresQu'est-ce qu'une « violence » ?book_2 ou homicideFiche 13. Les infractions policièresQu'est-ce qu'un « homicide » ?book_2, le tribunal peut déciderSourceArticle 222-44 du Code pénalnote d’ajouter une peine complémentaire, comme l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou celle de porter une arme. L’interdiction professionnelle peut êtreSourceArticle 131-27 du Code pénalnote temporaire ou définitive. Le tribunal peut donc se substituer à la carence fréquenteFiche 16. Les sanctions disciplinaires dans la policeQui décide des sanctions disciplinaires ?book_2 de l’autorité hiérarchique des policiers. En 2021, les 5 seules évictions définitives de policiers pour violences policières ont été décidées par la justice, hors de toute procédure interne à la police. Enfin, le tribunal peut déciderSourceArticle 775-1 du Code de procédure pénalenote de ne pas mentionner la condamnation au casier judiciaire du policier ou gendarme. La mention n’a de toute façon aucune conséquence automatiqueFiche 16. Les sanctions disciplinaires dans la policeQui peut déclencher des poursuites disciplinaires ?book_2.
83 % de peines avec sursis
D’après les chiffres inédits du ministère de la Justice obtenus par Politis, les condamnations prononcées dans les affaires de violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique (PDAP) sont globalement en baisse depuis dix ans. Ainsi, 98 condamnations ont été prononcées en 2010 contre 53 en 2020. […] Sans conteste, le recours à la prison ferme baisse dans ces dossiers depuis dix ans, en nombre et en pourcentage des peines d’emprisonnement. Ainsi, le ferme représentait 35 % des emprisonnements en 2010 contre 14 % en 2019 (et 17 % en 2021). Une chute de plus de moitié en dix ans. […] En 2021, 83% des peines d’emprisonnement prononcées pour violences volontaires par PDAP sont assorties du sursis. Une part écrasante qui peut aussi s’expliquer, en partie, par l’absence d’antécédents judiciaires de beaucoup de mis en cause. Dans la population générale – tous crimes et délits confondus –, en 2021, le sursis représente 55% des peines d’emprisonnement.
Quelles décisions peut rendre le tribunal sur le plan civil ?
L’aspect « civil » du procès concerne l’indemnisationFiche 1. Je suis victime ou proche d'une victime de la policeComment obtenir une indemnisation ?book_2 de la victime. Si le tribunal estime qu’il y a un préjudiceFiche 4. Les premiers pas de l'enquêteComment évaluer votre préjudice ?book_2, il fixe le montant de l’indemnisation. Devant la cour d’assises, la décision civile est indépendante de la décision pénale. Il peut y avoir indemnisationSourceArticle 372 du Code de procédure pénalenote même si la cour estime qu’il n’y a pas eu de faute pénale. Devant le tribunal correctionnel, ce mécanisme n’est prévuSourceArticle 470-1 du Code de procédure pénalenote qu’en cas d’infraction non intentionnelle (par exemple, « violences involontaires » Fiche 13. Les infractions disciplinaireQu'est-ce qu'une « violence » ?book_2). Dans tous les cas, le tribunal peut ordonner aux condamnés de verser une « provision » (une somme d’argent) qui sera « exécutoire » (due à la victime) même s’ils font appel. Les condamnés ne pourront s’y opposerSourceArticle 380-8 du Code de procédure pénalenote qu’aux assises, sur des critères stricts. Vous avez tout intérêt à demander cette provision dans vos « conclusions » écritesDans cette ficheQuel rôle peut jouer la « partie civile » ?book_2. Enfin, le tribunal (correctionnelSourceArticle 464 du Code de procédure pénalenote ou cour d’assisesSourceArticle 371-1 du Code de procédure pénalenote) peut « renvoyer » l’affaire pour se prononcer plus tard sur les dommages-intérêts. Si c’est vous qui le demandez (par exemple pour apporter des justificatifs de votre préjudice), le tribunal ne peut pas refuser. Le renvoi doit être fixé à une date raisonnable. La seconde audience a lieu à juge unique et peut se tenir hors la présence du procureur.
Qui peut faire appel de la décision du tribunal ?
Seuls le procureur ou les condamnés peuvent faire appel de la décision pénale. En tant que victime « partie civile », après un procès d’assisesSourceArticle 380-2 du Code de procédure pénalenote ou correctionnelSourceArticle 497 du Code de procédure pénalenote, vous ne pouvez pas faire appel sur le volet pénal de la décision. Vous ne pouvez ni contester une décision d’acquittement ou de relaxe, ni la peine prononcée (si vous la jugez trop peu sévère par exemple). Vous ne pourrez faire appel que sur les « intérêts civils » (l’indemnisation)Fiche 1. Je suis victime ou proche d'une victime de la policeA quoi sert la « Commission d'indemnisation des victimes d'infraction » ?book_2. A moins d’un appel du procureur (toujours possible), l’éventuelle mise hors de cause des policiers deviendra donc définitive. C’est dire l’importance de bien préparer le procès ! Aux assisesSourceArticle 380-9 du Code de procédure pénalenote ou en correctionnelleSourceArticle 498 du Code de procédure pénalenote, le délai pour former un appel est de dix jours à compter de la signification de la décision. Suite à un appel d’une « partie », les autres parties peuvent faire un « appel incident ». Pour le faire, elles disposent d’un délai supplémentaire de cinq jours. L’appel a un effet « suspensif » : jusqu’à de que l’affaire soit jugée en appel, ni la peine ni les intérêts civils ne seront mis en œuvre, sauf les « provisions »Dans cette ficheQuelles décisions peut rendre le tribunal sur le plan civil ?book_2. Les appels sont jugés selon le cas par une cour d’assises d’appel ou la « chambre correctionnelle » de la cour d’appel.
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en 17 fiches pratiques et juridiques
Version 2.1 publiée le 23/11/2023
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1 | Je suis victime ou proche d’une victime de la police
2 | Déposer plainte
3 | Réunir les preuves
4 | Les premiers pas de l’enquête
5 | Victime mise en cause par la police
6 | Après le classement sans suite
7 | Accéder à son dossier
8 | Bien choisir son avocat•e
9 | Lutter pour une enquête efficace
10 | Le procureur, un magistrat central
11 | Les services d’enquête
12 | Devant le juge d’instruction
13 | Les infractions policières
14 | Devant le tribunal
15 | Obtenir une condamnation de l’État
16 | Les sanctions disciplinaires dans la police
17 | Mettre en cause la justice
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Devant le tribunal
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Le procès est l’aboutissement de l’affaire : le moment où la justice examinera enfin votre cause publiquement. Préparez-bien cette étape : vous ne pourrez pas faire appel d’une éventuelle relaxe ou acquittement des policiers.
Dans cette fiche :
● Dans quel cas peut-il y avoir un procès ?
● Devant quels tribunaux peut se dérouler le procès ?
● Comment se déroule l’audience ?
● Quel rôle peut jouer la « partie civile » ?
● Quelles décisions peut rendre le tribunal sur le plan pénal?
● Quelles décisions peut rendre le tribunal sur le plan civil ?
● Qui peut faire appel de la décision du tribunal ?
Dans quel cas peut-il y avoir un procès ?
Trois personnes peuvent saisir un tribunal. D’abord, à la fin de l’enquête du procureur de la République (enquête « préliminaire » ou « de flagrance »)Fiche 4. Les premiers pas de l'enquêteQuels types d'enquête peuvent être déclenchés par le procureur ?book_2, ce dernier peut renvoyerSourceArticle 40-1 du Code de procédure pénalenote les suspects devant le tribunal. Ensuite, à la fin de l’information judiciaire, le juge d’instructionFiche 12. Devant le juge d'instructionbook_2 peut en faire autantSourceArticle 392-1 du Code de procédure pénalenote. Enfin, vous pouvezSourceArticle 392-1 du Code de procédure pénalenote également obliger la justice à organiser un procès par le biais d’une « citation directe »Fiche 6. Après le classement sans suiteQu'est-ce que la «citation directe » devant le tribunal ?book_2. C’est possible seulement en cas de délitDans cette ficheDevant quels tribunaux peut se dérouler le procès ?book_2. Attention : si le tribunal estime que les personnes que vous avez fait comparaître ne sont pas coupables, il peut vous obliger à leur payer une « amende civile »Fiche 6. Après le classement sans suiteQuels sont les risques juridiques en cas de plainte avec CPC ou citation directebook_2. Dans tous les cas, un tribunal ne peut juger que des personnes dénomméesSourceArticle 40-1 du Code de procédure pénalenote et régulièrement convoquées, et seulementSourceCour de Cassation, Chambre criminelle, du 23 janvier 2001, n°00-80.562note pour les faits dont il a été saisi. Par exemple, s’il est saisi seulement pour des violences, il ne pourra pas condamner des policiers pour des faux PV. En revanche, le tribunal est libre de « requalifier » juridiquement les faits (par exemple en requalifiant des violences simples en violences avec arme).
Devant quels tribunaux peut se dérouler le procès ?
Selon la gravité des faits, le procès peut se dérouler devant diverses juridictions. La cour d’assises juge les crimesSourceArticle 231 du Code de procédure pénalenote. Ce sont les faits les plus gravesFiche 13. Les infractions policièresComment sont classées les infractions pénales ?book_2, passibles de dix ans de prison au minimum. Elle est compétente en cas de décès, d’infirmités permanentes, mais aussi dans certains cas de faux procès-verbauxFiche 13. Les infractions policièresQuelles peuvent être les autres infractions policières ?book_2. Elle est composée d’un jury de 3 magistrats professionnels et de 9 jurés tirés au sort. Le tribunal correctionnel juge les délitsSourceArticle 381 du Code de procédure pénalenote, qui sont les faits passibles de dix ans de prison maximum. Le procès devant le tribunal correctionnel prend en général la forme classique de l’audience « collégiale » avec trois magistrats professionnels. Pour certaines infractionsSourceArticle 398 et suivants du Code de procédure pénalenote les moins graves, seul un « juge unique » statue. Le procureur de la RépubliqueFiche 10. Le procureur, un magistrat centralbook_2 peut aussi choisir la « comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » (CRPC), une sorte de « plaider-coupable » à la française. Au cours de la CRPC, en tant que victime, vous ne pouvezSourceArticle 495-13 du Code de procédure pénalenote vous exprimer que lors de l’audience finale, qui est très rapide parce qu’elle fait suite à une phase de négociation (à laquelle vous ne participez pas).
Procédure expéditive
La décision est tombée trois minutes seulement après l’ouverture de l’audience. Le fonctionnaire de police Sébastien Maréchal, 43 ans, a été condamné à une faible amende par le tribunal correctionnel de Bayonne, ce vendredi 26 juin, pour des faits de « violences involontaires ». Ce membre de la BAC de Bordeaux avait tiré au LBD (lanceur de balles de défense) dans la tête de Lola Villabriga, alors âgée de 19 ans, lors d’une manifestation anti-G7, à Biarritz, en décembre 2018. M. Maréchal devra payer 90 jours-amendes à 15 euros, soit un total de 1 350 euros. Le policier a reconnu les faits dans le cadre d’une procédure de plaider-coupable (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou CRPC). Expéditive, la procédure de CRPC a empêché tout débat sur le fond du dossier au cours de l’audience : pas de retour sur les circonstances du drame, sur le déroulé de l’enquête de l’IGPN ou d’explications du policier à la barre.
Comment se déroule l’audience ?
Quelle que soit la juridiction, les participants (en robe) sont les mêmes : en face la « cour » ou le « tribunal » (le ou les juges) qui « siège » et rendra la décision, sous la direction d’un·e président·e. D’un côté, le procureurFiche 10. Le procureur, un magistrat centralbook_2 ; de l’autre, le ou la greffière. Dans la salle, l’huissier (également en robe) est chargé de faire respecter « la police de l’audience », dictée par le président. Il y a souvent des policiers ou gendarmes. Dans les affaires policières, la confusion entre ceux chargés de la « sérénité » des débats et ceux venus soutenir les suspects est courante. En principe, les victimes et les suspects (« accusés » aux assises et « prévenus » en correctionnelle) se trouvent chacun·e d’un côté mais, pas toujours, faute de place. Le président procède à « l’instruction à la barre » en reprenant les faits à partir du dossier et en interrogeant les témoins, les victimes puis les suspects. Cette phase est beaucoup plus rapide devant le tribunal correctionnel que devant les assises. Une fois que tous les éléments de l’affaire sont passés en revue, la parole est donnée dans l’ordre à l’avocat de la victime (plaidoirie), au procureur (réquisitoire), puis à la défense (plaidoirie). Les décisions sont souvent mises en délibéré à plus tard, sauf devant la cour d’assises. Sauf exception, les audiences sont publiques.
Quel rôle peut jouer la « partie civile » ?
La « partie civile » est la victime qui intervient dans la procédure pour obtenir la réparation de son préjudiceFiche 1. Je suis victime ou proche d'une victime de la policeComment obtenir une indemnisation ?book_2. Vous pouvez vous « constituer » partie civileSourceArticle 418 du Code de procédure pénalenote jusqu’au moment de l’audience Vous pouvez aussi jouer un rôle sur le plan pénalFiche 8. Bien choisir son avocat·eQuand faut-il solliciter l'assistance d'un·e avocat·e ?book_2. Avant l’audience, vous pouvez faire citer des témoinsSourceArticle 550 du Code de procédure pénalenote, mais aussi des suspects (sauf aux assisesSourceArticle 281 du Code de procédure pénalenote). C’est utile si vous estimez que le procureur n’a pas convoqué tous les coupables (coauteurs, responsables hiérarchiques, etc.). Vous pouvez aussi faire citer un prévenu déjà convoqué en ajoutant des faits à poursuivre (par exemple un policier poursuivi par le procureur pour violences, mais pas pour un faux PV). Ces citations ont lieu par voie d’huissier, ce qui implique des coûts. Avant ou pendant l’audience, vous pouvez déposer des « conclusions »SourceArticle 459 du Code de procédure pénalenote (observations) écrites. C’est utile notamment pour insister sur tel élément de preuve, pour demander la requalification de tel fait ou pour demander réparation de votre préjudice. Enfin, pendant l’audience, vous pouvez prendre la parole, et votre avocat·e peut poser des questionsSourceArticle 442-1 du Code de procédure pénalenote aux témoins et aux suspects.
Quelles décisions peut rendre le tribunal sur le plan pénal ?
L’aspect « pénal » du procès concerne l’existence ou non d’infraction(s)Fiche 13. Les infractions policèresContenubook_2. S’il juge qu’il n’y en a pas, le tribunal prononce « l’acquittement » (aux assises) ou la « relaxe » (tribunal correctionnel). S’il y a infraction, il « qualifie » les faits reprochés à chaque suspect, c’est à dire qu’il indique quelle infraction a été commise. Puis il prononce les peines. Les peines dites « principales » sont essentiellement la prison (avec ou sans sursis) et l’amende. Les condamnations de policiers ou gendarmes à des peines de prison ferme sont extrêmement rares. En cas de violencesFiche 13. Les infractions policièresQu'est-ce qu'une « violence » ?book_2 ou homicideFiche 13. Les infractions policièresQu'est-ce qu'un « homicide » ?book_2, le tribunal peut déciderSourceArticle 222-44 du Code pénalnote d’ajouter une peine complémentaire, comme l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou celle de porter une arme. L’interdiction professionnelle peut êtreSourceArticle 131-27 du Code pénalnote temporaire ou définitive. Le tribunal peut donc se substituer à la carence fréquenteFiche 16. Les sanctions disciplinaires dans la policeQui décide des sanctions disciplinaires ?book_2 de l’autorité hiérarchique des policiers. En 2021, les 5 seules évictions définitives de policiers pour violences policières ont été décidées par la justice, hors de toute procédure interne à la police. Enfin, le tribunal peut déciderSourceArticle 775-1 du Code de procédure pénalenote de ne pas mentionner la condamnation au casier judiciaire du policier ou gendarme. La mention n’a de toute façon aucune conséquence automatiqueFiche 16. Les sanctions disciplinaires dans la policeQui peut déclencher des poursuites disciplinaires ?book_2.
83 % de peines avec sursis
D’après les chiffres inédits du ministère de la Justice obtenus par Politis, les condamnations prononcées dans les affaires de violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique (PDAP) sont globalement en baisse depuis dix ans. Ainsi, 98 condamnations ont été prononcées en 2010 contre 53 en 2020. […] Sans conteste, le recours à la prison ferme baisse dans ces dossiers depuis dix ans, en nombre et en pourcentage des peines d’emprisonnement. Ainsi, le ferme représentait 35 % des emprisonnements en 2010 contre 14 % en 2019 (et 17 % en 2021). Une chute de plus de moitié en dix ans. […] En 2021, 83% des peines d’emprisonnement prononcées pour violences volontaires par PDAP sont assorties du sursis. Une part écrasante qui peut aussi s’expliquer, en partie, par l’absence d’antécédents judiciaires de beaucoup de mis en cause. Dans la population générale – tous crimes et délits confondus –, en 2021, le sursis représente 55% des peines d’emprisonnement.
Quelles décisions peut rendre le tribunal sur le plan civil ?
L’aspect « civil » du procès concerne l’indemnisationFiche 1. Je suis victime ou proche d'une victime de la policeComment obtenir une indemnisation ?book_2 de la victime. Si le tribunal estime qu’il y a un préjudiceFiche 4. Les premiers pas de l'enquêteComment évaluer votre préjudice ?book_2, il fixe le montant de l’indemnisation. Devant la cour d’assises, la décision civile est indépendante de la décision pénale. Il peut y avoir indemnisationSourceArticle 372 du Code de procédure pénalenote même si la cour estime qu’il n’y a pas eu de faute pénale. Devant le tribunal correctionnel, ce mécanisme n’est prévuSourceArticle 470-1 du Code de procédure pénalenote qu’en cas d’infraction non intentionnelle (par exemple, « violences involontaires » Fiche 13. Les infractions disciplinaireQu'est-ce qu'une « violence » ?book_2). Dans tous les cas, le tribunal peut ordonner aux condamnés de verser une « provision » (une somme d’argent) qui sera « exécutoire » (due à la victime) même s’ils font appel. Les condamnés ne pourront s’y opposerSourceArticle 380-8 du Code de procédure pénalenote qu’aux assises, sur des critères stricts. Vous avez tout intérêt à demander cette provision dans vos « conclusions » écritesDans cette ficheQuel rôle peut jouer la « partie civile » ?book_2. Enfin, le tribunal (correctionnelSourceArticle 464 du Code de procédure pénalenote ou cour d’assisesSourceArticle 371-1 du Code de procédure pénalenote) peut « renvoyer » l’affaire pour se prononcer plus tard sur les dommages-intérêts. Si c’est vous qui le demandez (par exemple pour apporter des justificatifs de votre préjudice), le tribunal ne peut pas refuser. Le renvoi doit être fixé à une date raisonnable. La seconde audience a lieu à juge unique et peut se tenir hors la présence du procureur.
Qui peut faire appel de la décision du tribunal ?
Seuls le procureur ou les condamnés peuvent faire appel de la décision pénale. En tant que victime « partie civile », après un procès d’assisesSourceArticle 380-2 du Code de procédure pénalenote ou correctionnelSourceArticle 497 du Code de procédure pénalenote, vous ne pouvez pas faire appel sur le volet pénal de la décision. Vous ne pouvez ni contester une décision d’acquittement ou de relaxe, ni la peine prononcée (si vous la jugez trop peu sévère par exemple). Vous ne pourrez faire appel que sur les « intérêts civils » (l’indemnisation)Fiche 1. Je suis victime ou proche d'une victime de la policeA quoi sert la « Commission d'indemnisation des victimes d'infraction » ?book_2. A moins d’un appel du procureur (toujours possible), l’éventuelle mise hors de cause des policiers deviendra donc définitive. C’est dire l’importance de bien préparer le procès ! Aux assisesSourceArticle 380-9 du Code de procédure pénalenote ou en correctionnelleSourceArticle 498 du Code de procédure pénalenote, le délai pour former un appel est de dix jours à compter de la signification de la décision. Suite à un appel d’une « partie », les autres parties peuvent faire un « appel incident ». Pour le faire, elles disposent d’un délai supplémentaire de cinq jours. L’appel a un effet « suspensif » : jusqu’à de que l’affaire soit jugée en appel, ni la peine ni les intérêts civils ne seront mis en œuvre, sauf les « provisions »Dans cette ficheQuelles décisions peut rendre le tribunal sur le plan civil ?book_2. Les appels sont jugés selon le cas par une cour d’assises d’appel ou la « chambre correctionnelle » de la cour d’appel.