Guide pour les victimes de violences policières,
en 17 fiches pratiques et juridiques

Version 2.2 publiée le 13/03/2024

Déposer plainte

PARTAGER SUR :


En cas d’homicide, une enquête doit démarrer d’office immédiatement. En cas de violences, c’est très rare. Or la rapidité de l’enquête est essentielle. Si possible, déposez plainte dès que vous avez des preuves de vos blessures. Ensuite, en général, les premiers temps de l’enquête vous demanderont peu d’efforts matériels. Même en cas de classement sans suite, le dossier, dont vous pourrez obtenir copie, vous apportera de nombreuses informations. Dans tous les cas, essayez de médiatisez les faits !

Dans cette fiche :

Y a-t-il toujours besoin de déposer plainte pour obtenir une enquête ?
Quand déposer plainte ?
Comment déposer plainte par lettre au procureur ?
Comment déposer plainte au poste ?
Comment parler à la police ?
Comment raconter les faits ?
Que faire si la police vient à l’hôpital ?

Les 7 étapes clés pour déposer plainte

En cas d’homicidebook_2 (ou de personne « grièvement blessée ») l’urgence à déposer plainte est moins cruciale car une enquête doit être ouverte d’office immédiatementbook_2. En revanche, en cas de blessures, mieux vaut aller vite :

1. Sur place, s’il y en a, récupérez les premières preuvesbook_2 : résidus d’armes et coordonnées des témoins ou des personnes qui ont filmé ou photographié. Repérez s’il y a des vidéosurveillancesbook_2.

2. Si vous êtes blessé·e, prenez des photos des blessuresbook_2 le jour-même, et RDV avec un médecin pour établir un certificat médical

3. Rapidement, contactez un·e avocat·e, un collectif ou un·e proche pour « débriefer »book_2

4. Sans tarder, déposez votre plainte au postebook_2 (si possible accompagné·e) ou par lettre au procureurbook_2

5. Si vous avez déposé plainte au poste, écrivez :

– à l’OPJ qui a pris la plainte pour lister les actes d’enquête à réaliserbook_2 (réquisitions de vidéos notamment)

– au procureur en lui joignant copie du PV de plainte

6. S’il y a des vidéosurveillances à sauvegarder, n’hésitez pas à saisir le Défenseur des droitsbook_2 (DDD)

7. Si possible médiatisezbook_2. Partez à la recherche des preuves, relancez la justice et la police. Même en cas de classement, demandez une copie de votre dossierbook_2.

Y a-t-il toujours besoin de déposer plainte pour obtenir une enquête ?

Contrairement à une idée reçue, beaucoup d’enquêtes pénales sont déclenchées par le procureur de la Républiquebook_2 d’office, sans plainte de la victime. Le procureur y est obligénote en cas d’homicidebook_2 ou de personne « grièvement blessée », si la cause est « inconnue ou suspecte ». Pour n’importe quelle infraction, le procureur peut se saisir d’office sur la base de renseignement divers, y compris de simples « dénonciations »note. Ces dénonciations peuvent provenir de témoins, d’un collectif, d’un·e proche de la victime… ou des médias. Encore faut-il que le retentissement de l’affaire soit (très) important. Pour les affaires impliquant la police (et sauf cas d’homicides ou blessures graves), il est rare que le procureur se saisisse d’office. En principe, il en a pourtant l’obligationbook_2. Si vous souhaitez obtenir une enquête pénale, il est donc conseillé de déposer une plainte en bonne et due forme : le procureur doit note apprécier la suite à lui donner et ouvrir son enquêtebook_2. Dans le cas d’homicidebook_2 (ou autres crimesbook_2), vous pouvez obtenir directement la saisie d’un juge d’instruction en déposant une « plainte avec constitution de partie civile »book_2. Dans tous les cas, il est conseillé de médiatiser les faitsbook_2 en parallèle : la justice travaille souvent mieux quand les médias regardent un peu par-dessus son épaule !

Quand l’IGPN est saisie « par voie de presse »

Sommes contacté par [le] vice-procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon, qui saisit l’IGPN d’une enquête préliminaire relative à des faits de violences par personnes dépositaires de l’autorité publique, qui se seraient déroulés le 10 décembre 2019, vers 14h30, au cours d’une manifestation contre la réforme des retraites, au centre de Lyon, place Bellecour. Selon les éléments en sa possession, la victime se prénommerait Arthur et aurait reçu un coup de matraque lui occasionnant une fracture à la mâchoire, de la part de policiers. La victime mettait en cause par voie de presse les membres d’une compagnie républicaine de sécurité, mais les photographies prises lors de cet événement et figurant dans la presse montraient des policiers dont la tenue ne correspondait pas à des CRS mais à celle d’effectifs d’une brigade anti-criminalité. Dès lors, vu les articles 75 et suivants du Code de procédure pénale, diligentons une enquête préliminaire conformément aux instructions reçues [du vice-procureur], relative aux faits susmentionnés.

Procès-verbal rédigé par l’IGPN, décembre 2019

Quand déposer plainte ?

En cas d’homicide policier, le dépôt de plainte est moins urgent : une enquête doit être ouvert d’officebook_2 . Vous pouvez vous consacrer au plus vite à la recherche de preuvesbook_2. Dans tous les autres cas (violences, etc), mieux vaut déposer plainte rapidement : si possible le jour-même ou le lendemain. Une bonne enquête est celle qui démarre tôt. Nous déconseillonsbook_2 donc d’attendre de recueillir tous les témoignages (qui pourront être ajoutés plus tard) et autres preuves pour déposer plainte plusieurs semaines ou mois après les faits. Cela conduit à démarrer l’enquête officielle tard, ce qui nuira presque toujours à son efficacitébook_2. Il n’est pas nécessaire de faire appel à un·e avocat·ebook_2 pour déposer plainte, sauf si vous êtes mis·e en cause ou pensez que vous risquez de l’êtrebook_2. En effet, un dépôt de plainte n’est pas une vraie procédure juridique, mais un simple récit des faits adressé à la justice. En pratique, la seule condition préalable à une plainte pour violences, c’est d’avoir des preuves des blessuresbook_2 que vous avez subies. Si vous n’avez pas déposé plainte juste après les faits, vous avez néanmoins la possibilité de le faire plus tard. Le délai de « prescription »note est de six ans pour les délitsbook_2 (violences, etc.) et de 20 ans pour la plupart des crimesbook_2 (homicides, etc).

Mort de Nahel : enquête déclenchée d’office par le procureur

A Nanterre, à 8 h 18 ce mardi 27 juin, deux policiers ont contrôlé une voiture occupée par trois personnes, dont deux mineurs. Sur une vidéo qui a circulé sur les réseaux sociaux, on voit l’un des agents se tenir près de la vitre du conducteur. À ses côtés, au niveau du pare-brise, un autre policier pointe son arme sur le jeune homme au volant. Lorsque celui-ci redémarre, il tire à bout portant, sans que le véhicule semble alors représenter un quelconque danger. Le conducteur, Nahel M., âgé de 17 ans, est décédé une heure plus tard […]. Le parquet de Nanterre a aussitôt annoncé l’ouverture de deux enquêtes : l’une […] pour « refus d’obtempérer et tentative d’homicide volontaire sur personne dépositaire de l’autorité publique » ; la seconde, confiée à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), vise les policiers pour « homicide volontaire par personne dépositaire de l’autorité publique ». Le policier auteur du tir mortel, âgé de 38 ans, était mardi soir « en garde à vue pour homicide volontaire […] », précise le parquet de Nanterre dans un communiqué.

Mediapart, juin 2023

Comment déposer plainte par lettre au procureur ?

La lettre au procureur de la Républiquebook_2 présente des avantages : elle permet de choisir ses mots et de se tenir à l’écart de la police. Attention : si une enquête a lieu, vous serez en principe auditionné·e tôt ou tard. Mais cette confrontation est parfois plus facile à vivre quand elle a lieu plusieurs semaines ou mois après les faits. La plainte par lettre présente aussi des inconvénients : elle est plus lente et oblige à passer par l’écrit. Si vous choisissez d’écrire au procureur, il vous suffit de rédiger votre récit des faitsbook_2. Pas besoin d’entrer dans des considérations juridiques. La lettre peut être postée (en recommandé). Le plus rapide et efficace est de déposer un exemplaire de la lettre à l’accueil du palais de justice, et d’en garder un autre pour soi, à faire tamponner à l’accueil du tribunal. Le tampon servira de preuve de dépôt. L’échange avec le secrétariat permet aussi d’obtenir des informations sur le traitement des plaintes et les coordonnées téléphoniques du service à contacter pour prendre des nouvelles. Dans tous les cas, joignez une copie de pièce d’identité (française ou étrangère peu importe). Prenez garde à donner une adresse valide (car c’est à cette adresse que vous recevrez des informations), et laissez si possible un numéro de téléphone ou une adresse mail.

Sans-papiers : mieux vaut déposer plainte par lettre

StreetPress a identifié huit personnes en situation irrégulière, qui […] se sont présentées auprès de policiers en qualité de victimes et ont fini placées en centre de rétention administrative. La Cimade, une association qui intervient dans les [centres de rétention administrative], a recensé « un peu plus d’une dizaine » d’autres personnes, et note une augmentation des cas depuis le mois de décembre. C’est ce mois-là que Malik, un Tunisien sans histoires, vient pointer dans un commissariat à quelques kilomètres de Douai (59), dans le cadre de son assignation à résidence. Ce jour-là, il souhaite aussi porter plainte au sujet d’une agression dont il déclare être victime. Une garde à vue plus tard, il sera placé au centre de rétention de Calais (62). […] « Darmanin fait la chasse aux sans-papiers ! » commente Henri Braun, avocat spécialisé en droit des étrangers : « Moi, je préviens toujours mes clients en situation irrégulière de porter plainte en écrivant une lettre au procureur. Il ne faut pas aller au commissariat ! » [Pour la Cimade] : « Il faut absolument que le ministère de l’Intérieur rappelle à la police qu’il y a une obligation de prendre les plaintes des personnes victimes d’infractions ! Et que pour cela, il n’y a ni condition de séjour, ni condition de nationalité. »

Streetpress, mai 2023

Comment déposer plainte au poste  ?

Le dépôt de plainte au poste de police ou de gendarmerie est a priori plus efficace, surtout s’il est primordial que l’enquête démarre vite (vidéosurveillances à saisir notammentbook_2). Cela permet d’avoir tout de suite un interlocuteur en charge du traitement de la plainte. En revanche, ça implique de se « jeter dans la gueule du loup », ce qui peut être très désagréable juste après avoir un perdu un proche ou avoir été blessé par une action de la police. Les refus de plainte sont fréquents mais illégaux : les policiers ou gendarmes de tout le pays sont tenus de recevoir la plaintenote quels que soient le lieu des faits ou votre domicile. Ils peuvent vous conseiller de saisir l’IGPN ou l’IGGN sur leurs « plateformes de signalement ». N’acceptez pas : ça n’équivaut pas à une plainte !book_2 Par ailleurs, il est tout à fait possible (et conseillé) de déposer plainte contre des policiers à la gendarmerie, ou vice-versa. Surtout, évitez de déposer auprès des collègues des policiers que vous mettez en cause, par exemple dans le commissariat auquel ils sont rattachés (par ex. n’allez pas au commissariat de Vénissieux si vous êtes victime de policiers de Vénissieux). Les commissariats centraux ou les hôtels de police sont dotés de services dédiés au recueil des plaintes, dans lesquels les fonctionnaires sont souvent (mais pas toujours) plus attentifs vis-à-vis des victimes.

« Vous avez du culot de venir ici pour déposer plainte contre des collègues »

Achour a voulu déposer plainte à l’hôtel de police pour violences policières, accompagné de son éducatrice. Un véritable parcours du combattant. L’éducatrice raconte : « A l’accueil, la policière du guichet n’a pas voulu prendre la plainte, disant : “pour ça vous devez aller à l’IGPN”. Mais on a insisté ». Lors de la plainte, l’accueil ne s’améliore guère : une deuxième policière « nous a dit qu’elle prenait la plainte parce qu’on insistait, mais que ce n’était pas le lieu adapté. Elle a dit : “mes collègues ont fait leur travail. Il faut arrêter de crier aux violences policières à chaque arrestation. Vous avez du culot de venir ici pour déposer plainte contre des collègues”. Ensuite, quand Achour a commencé à raconter ce qui lui était arrivé, elle était de mauvaise foi, elle roulait des yeux, elle commençait tout de suite à défendre ses collègues. Quand il a expliqué qu’il avait une fracture du bout du doigt, elle a dit “C’est ce qu’on appelle violence policière ? C’est pour ça que vous êtes là ? Parce qu’on lui a marché sur la main ! Ça n’a sans doute pas été fait exprès ! Ce n’est rien du tout ça, une interpellation c’est toujours un peu brusque, le jeune s’est débattu peut-être c’est pourquoi il a sans doute été maîtrisé” ».

Flagrant déni, avril 2023

Comment parler à la police ?

En tant que victime, vous avez le droit de vous faire accompagnernote par la personne majeure de votre choix. C’est valable pour le dépôt de plainte et toutes vos auditions. N’hésitez pas à venir avec un·e avocat·ebook_2, un·e proche ou un·e membre d’une associationbook_2, etc. En général, l’officier de police judiciaire (OPJ) vous laissera expliquer votre histoire, puis vous posera des questions. Ne parlez que de ce dont vous vous rappelez, mais avec le plus de détails possiblebook_2. Méfiez-vous des « gentils flics » qui peuvent essayer de vous faire dire que vous (ou votre proche décédé) avez « peut-être » eu des gestes agressifs, ou autres. Restez fixé·e sur les faits dont vous vous rappelez à coup sûr ; sinon dites que vous ne vous rappelez pas. Si besoin, n’hésitez pas à rappeler que vous êtes la victime, et non le prévenu ! L’avocat.e peutnote poser des questions et faire des observations écrites. L’OPJ doit dresser un procès-verbal (PV). Vous devez pouvoirnote relire le PV et « faire consigner » vos observations avant de signer. Prenez le temps de relire et corriger sereinement votre déposition. Vous pouvez refuser de signer en cas de désaccord. Si vous la demandez, une copie du PV doit vous être remisenote à la fin de l’audition. Ce dernier droit n’est pas valable pour les éventuelles auditions suivantes.

Comment raconter les faits ?

Qu’il soit écrit (lettre au procureur) ou oral (plainte au poste), votre récit doit être aussi détaillé que possiblebook_2. Efforcez-vous de respecter l’ordre chronologique des faits et d’indiquer les lieux précis (ville, rue, n°, côté de la chaussée, carrefour, trottoir, pièce de l’appartement, etc.) et les heures où ils se sont déroulés. Une scène de violence se joue souvent en quelques secondes. Même si ça paraît fastidieux, essayez de raconter ces secondes au ralenti. La rapidité et la violence des faits peuvent entraîner un état de sidération : les trous de mémoire ou les flous sont fréquents. C’est normal : ne vous le reprochez pas et ne vous forcez pas à inventer ! Racontez seulement ce dont vous vous souvenez. Évoquez ensuite les conséquences des faits et votre ressenti. Le plus efficace est de demander à quelqu’un de vous poser des questions. Elles vous obligeront à détailler et clarifier votre récit. Si vous allez au poste, cet exercice fera office de répétition. Si vous rédigez la plainte, la retranscription des réponses pourra constituer le contenu de la lettre au procureur. L’idéal est de faire appel à un·e avocat·e ou une association habituée à ce genre de procédure, mais un proche peut très bien faire l’affaire.

Que faire si la police vient à l’hôpital ?

Si vos blessures vous conduisent aux urgences, la police peut se déplacer pour vous auditionner à l’hôpital. La voir débarquer sur son lieu de soins n’est pas forcément rassurant. Facteur aggravant : les urgentistes sont parfois enclins à laisser la police vous approcher plus facilement que vos proches, et ne sont pas toujours regardants sur le respect du secret médical face à des uniformes. Cependant, la présence policière à l’hôpital est souvent le simple résultat d’une obligation de procédure : si la police apprend qu’une personne a été victime de violences, elle doit en principe ouvrir une enquête. Si vous souhaitez déposer plainte, il n’est pas conseillé de refuser de voir les enquêteurs : ils peuvent en profiter pour clôturer tout de suite l’enquête. Faites leur simplement part de votre souhait de déposer plainte. Si vous ne souhaitez pas leur parler à l’hôpital (fatigue, état de choc, besoin de vous concentrer sur vos soins, etc), dites-leur que vous souhaitez être auditionné·e plus tard. Enfin, si besoin, rappelez aux personnels soignants que, sauf réquisition écrite, les informations et documents médicaux vous concernant, y compris les certificats, sont couverts par le secret médicalnote.

« Avant de voir un médecin, c’est la police qu’il a vue »

Sandrine, la mère de la victime, souligne la mauvaise influence de la présence de la police sur le déroulement des soins : « Avant même de voir un médecin, c’est la police qu’il a vue ». Elle remarque aussi que les soignants favorisaient la police : « Ils ne nous ont pas laissé entrer à deux [dans le box où se trouvait la victime], mais les policiers étaient deux. […] Je savais qu’il fallait qu’il obtienne des urgences une attestation pour les ITT. J’ai dû insister pour avoir un certificat d’ITT. Je sentais que, comme il y avait eu la présence de la police, ils étaient réticents à donner des documents qui les engagent. »

Flagrant déni, novembre 2020

Lisez-nous…

Suivez / diffusez-nous…

Financez-nous !

Guide pour les victimes de violences policières,
en 17 fiches pratiques et juridiques

Version 2.1 publiée le 23/11/2023

Déposer plainte

PARTAGER SUR :


En cas d’homicide, une enquête doit démarrer d’office immédiatement. En cas de violences, c’est très rare. Or la rapidité de l’enquête est essentielle. Si possible, déposez plainte dès que vous avez des preuves de vos blessures. Ensuite, en général, les premiers temps de l’enquête vous demanderont peu d’efforts matériels. Même en cas de classement sans suite, le dossier, dont vous pourrez obtenir copie, vous apportera de nombreuses informations. Dans tous les cas, essayez de médiatisez les faits !

Dans cette fiche :

Y a-t-il toujours besoin de déposer plainte pour obtenir une enquête ?
Quand déposer plainte ?
Comment déposer plainte par lettre au procureur ?
Comment déposer plainte au poste ?
Comment parler à la police ?
Comment raconter les faits ?
Que faire si la police vient à l’hôpital ?

Les 7 étapes clés pour déposer plainte

En cas d’homicidebook_2 (ou de personne « grièvement blessée ») l’urgence à déposer plainte est moins cruciale car une enquête doit être ouverte d’office immédiatementbook_2. En revanche, en cas de blessures, mieux vaut aller vite :

1. Sur place, s’il y en a, récupérez les premières preuvesbook_2 : résidus d’armes et coordonnées des témoins ou des personnes qui ont filmé ou photographié. Repérez s’il y a des vidéosurveillancesbook_2.

2. Si vous êtes blessé·e, prenez des photos des blessuresbook_2 le jour-même, et RDV avec un médecin pour établir un certificat médical

3. Rapidement, contactez un·e avocat·e, un collectif ou un·e proche pour « débriefer »book_2

4. Sans tarder, déposez votre plainte au postebook_2 (si possible accompagné·e) ou par lettre au procureurbook_2

5. Si vous avez déposé plainte au poste, écrivez :

– à l’OPJ qui a pris la plainte pour lister les actes d’enquête à réaliserbook_2 (réquisitions de vidéos notamment)

– au procureur en lui joignant copie du PV de plainte

6. S’il y a des vidéosurveillances à sauvegarder, n’hésitez pas à saisir le Défenseur des droitsbook_2 (DDD)

7. Si possible médiatisezbook_2. Partez à la recherche des preuves, relancez la justice et la police. Même en cas de classement, demandez une copie de votre dossierbook_2.

Y a-t-il toujours besoin de déposer plainte pour obtenir une enquête ?

Contrairement à une idée reçue, beaucoup d’enquêtes pénales sont déclenchées par le procureur de la Républiquebook_2 d’office, sans plainte de la victime. Le procureur y est obligénote en cas d’homicidebook_2 ou de personne « grièvement blessée », si la cause est « inconnue ou suspecte ». Pour n’importe quelle infraction, le procureur peut se saisir d’office sur la base de renseignement divers, y compris de simples « dénonciations »note. Ces dénonciations peuvent provenir de témoins, d’un collectif, d’un·e proche de la victime… ou des médias. Encore faut-il que le retentissement de l’affaire soit (très) important. Pour les affaires impliquant la police (et sauf cas d’homicides ou blessures graves), il est rare que le procureur se saisisse d’office. En principe, il en a pourtant l’obligationbook_2. Si vous souhaitez obtenir une enquête pénale, il est donc conseillé de déposer une plainte en bonne et due forme : le procureur doit note apprécier la suite à lui donner et ouvrir son enquêtebook_2. Dans le cas d’homicidebook_2 (ou autres crimesbook_2), vous pouvez obtenir directement la saisie d’un juge d’instruction en déposant une « plainte avec constitution de partie civile »book_2. Dans tous les cas, il est conseillé de médiatiser les faitsbook_2 en parallèle : la justice travaille souvent mieux quand les médias regardent un peu par-dessus son épaule !

Quand l’IGPN est saisie « par voie de presse »

Sommes contacté par [le] vice-procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon, qui saisit l’IGPN d’une enquête préliminaire relative à des faits de violences par personnes dépositaires de l’autorité publique, qui se seraient déroulés le 10 décembre 2019, vers 14h30, au cours d’une manifestation contre la réforme des retraites, au centre de Lyon, place Bellecour. Selon les éléments en sa possession, la victime se prénommerait Arthur et aurait reçu un coup de matraque lui occasionnant une fracture à la mâchoire, de la part de policiers. La victime mettait en cause par voie de presse les membres d’une compagnie républicaine de sécurité, mais les photographies prises lors de cet événement et figurant dans la presse montraient des policiers dont la tenue ne correspondait pas à des CRS mais à celle d’effectifs d’une brigade anti-criminalité. Dès lors, vu les articles 75 et suivants du Code de procédure pénale, diligentons une enquête préliminaire conformément aux instructions reçues [du vice-procureur], relative aux faits susmentionnés.

Procès-verbal rédigé par l’IGPN, décembre 2019

Quand déposer plainte ?

En cas d’homicide policier, le dépôt de plainte est moins urgent : une enquête doit être ouvert d’officebook_2 . Vous pouvez vous consacrer au plus vite à la recherche de preuvesbook_2. Dans tous les autres cas (violences, etc), mieux vaut déposer plainte rapidement : si possible le jour-même ou le lendemain. Une bonne enquête est celle qui démarre tôt. Nous déconseillonsbook_2 donc d’attendre de recueillir tous les témoignages (qui pourront être ajoutés plus tard) et autres preuves pour déposer plainte plusieurs semaines ou mois après les faits. Cela conduit à démarrer l’enquête officielle tard, ce qui nuira presque toujours à son efficacitébook_2. Il n’est pas nécessaire de faire appel à un·e avocat·ebook_2 pour déposer plainte, sauf si vous êtes mis·e en cause ou pensez que vous risquez de l’êtrebook_2. En effet, un dépôt de plainte n’est pas une vraie procédure juridique, mais un simple récit des faits adressé à la justice. En pratique, la seule condition préalable à une plainte pour violences, c’est d’avoir des preuves des blessuresbook_2 que vous avez subies. Si vous n’avez pas déposé plainte juste après les faits, vous avez néanmoins la possibilité de le faire plus tard. Le délai de « prescription »note est de six ans pour les délitsbook_2 (violences, etc.) et de 20 ans pour la plupart des crimesbook_2 (homicides, etc).

Mort de Nahel : enquête déclenchée d’office par le procureur

A Nanterre, à 8 h 18 ce mardi 27 juin, deux policiers ont contrôlé une voiture occupée par trois personnes, dont deux mineurs. Sur une vidéo qui a circulé sur les réseaux sociaux, on voit l’un des agents se tenir près de la vitre du conducteur. À ses côtés, au niveau du pare-brise, un autre policier pointe son arme sur le jeune homme au volant. Lorsque celui-ci redémarre, il tire à bout portant, sans que le véhicule semble alors représenter un quelconque danger. Le conducteur, Nahel M., âgé de 17 ans, est décédé une heure plus tard […]. Le parquet de Nanterre a aussitôt annoncé l’ouverture de deux enquêtes : l’une […] pour « refus d’obtempérer et tentative d’homicide volontaire sur personne dépositaire de l’autorité publique » ; la seconde, confiée à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), vise les policiers pour « homicide volontaire par personne dépositaire de l’autorité publique ». Le policier auteur du tir mortel, âgé de 38 ans, était mardi soir « en garde à vue pour homicide volontaire […] », précise le parquet de Nanterre dans un communiqué.

Mediapart, juin 2023

Comment déposer plainte par lettre au procureur ?

La lettre au procureur de la Républiquebook_2 présente des avantages : elle permet de choisir ses mots et de se tenir à l’écart de la police. Attention : si une enquête a lieu, vous serez en principe auditionné·e tôt ou tard. Mais cette confrontation est parfois plus facile à vivre quand elle a lieu plusieurs semaines ou mois après les faits. La plainte par lettre présente aussi des inconvénients : elle est plus lente et oblige à passer par l’écrit. Si vous choisissez d’écrire au procureur, il vous suffit de rédiger votre récit des faitsbook_2. Pas besoin d’entrer dans des considérations juridiques. La lettre peut être postée (en recommandé). Le plus rapide et efficace est de déposer un exemplaire de la lettre à l’accueil du palais de justice, et d’en garder un autre pour soi, à faire tamponner à l’accueil du tribunal. Le tampon servira de preuve de dépôt. L’échange avec le secrétariat permet aussi d’obtenir des informations sur le traitement des plaintes et les coordonnées téléphoniques du service à contacter pour prendre des nouvelles. Dans tous les cas, joignez une copie de pièce d’identité (française ou étrangère peu importe). Prenez garde à donner une adresse valide (car c’est à cette adresse que vous recevrez des informations), et laissez si possible un numéro de téléphone ou une adresse mail.

Sans-papiers : mieux vaut déposer plainte par lettre

StreetPress a identifié huit personnes en situation irrégulière, qui […] se sont présentées auprès de policiers en qualité de victimes et ont fini placées en centre de rétention administrative. La Cimade, une association qui intervient dans les [centres de rétention administrative], a recensé « un peu plus d’une dizaine » d’autres personnes, et note une augmentation des cas depuis le mois de décembre. C’est ce mois-là que Malik, un Tunisien sans histoires, vient pointer dans un commissariat à quelques kilomètres de Douai (59), dans le cadre de son assignation à résidence. Ce jour-là, il souhaite aussi porter plainte au sujet d’une agression dont il déclare être victime. Une garde à vue plus tard, il sera placé au centre de rétention de Calais (62). […] « Darmanin fait la chasse aux sans-papiers ! » commente Henri Braun, avocat spécialisé en droit des étrangers : « Moi, je préviens toujours mes clients en situation irrégulière de porter plainte en écrivant une lettre au procureur. Il ne faut pas aller au commissariat ! » [Pour la Cimade] : « Il faut absolument que le ministère de l’Intérieur rappelle à la police qu’il y a une obligation de prendre les plaintes des personnes victimes d’infractions ! Et que pour cela, il n’y a ni condition de séjour, ni condition de nationalité. »

Streetpress, mai 2023

Comment déposer plainte au poste  ?

Le dépôt de plainte au poste de police ou de gendarmerie est a priori plus efficace, surtout s’il est primordial que l’enquête démarre vite (vidéosurveillances à saisir notammentbook_2). Cela permet d’avoir tout de suite un interlocuteur en charge du traitement de la plainte. En revanche, ça implique de se « jeter dans la gueule du loup », ce qui peut être très désagréable juste après avoir un perdu un proche ou avoir été blessé par une action de la police. Les refus de plainte sont fréquents mais illégaux : les policiers ou gendarmes de tout le pays sont tenus de recevoir la plaintenote quels que soient le lieu des faits ou votre domicile. Ils peuvent vous conseiller de saisir l’IGPN ou l’IGGN sur leurs « plateformes de signalement ». N’acceptez pas : ça n’équivaut pas à une plainte !book_2 Par ailleurs, il est tout à fait possible (et conseillé) de déposer plainte contre des policiers à la gendarmerie, ou vice-versa. Surtout, évitez de déposer auprès des collègues des policiers que vous mettez en cause, par exemple dans le commissariat auquel ils sont rattachés (par ex. n’allez pas au commissariat de Vénissieux si vous êtes victime de policiers de Vénissieux). Les commissariats centraux ou les hôtels de police sont dotés de services dédiés au recueil des plaintes, dans lesquels les fonctionnaires sont souvent (mais pas toujours) plus attentifs vis-à-vis des victimes.

« Vous avez du culot de venir ici pour déposer plainte contre des collègues »

Achour a voulu déposer plainte à l’hôtel de police pour violences policières, accompagné de son éducatrice. Un véritable parcours du combattant. L’éducatrice raconte : « A l’accueil, la policière du guichet n’a pas voulu prendre la plainte, disant : “pour ça vous devez aller à l’IGPN”. Mais on a insisté ». Lors de la plainte, l’accueil ne s’améliore guère : une deuxième policière « nous a dit qu’elle prenait la plainte parce qu’on insistait, mais que ce n’était pas le lieu adapté. Elle a dit : “mes collègues ont fait leur travail. Il faut arrêter de crier aux violences policières à chaque arrestation. Vous avez du culot de venir ici pour déposer plainte contre des collègues”. Ensuite, quand Achour a commencé à raconter ce qui lui était arrivé, elle était de mauvaise foi, elle roulait des yeux, elle commençait tout de suite à défendre ses collègues. Quand il a expliqué qu’il avait une fracture du bout du doigt, elle a dit “C’est ce qu’on appelle violence policière ? C’est pour ça que vous êtes là ? Parce qu’on lui a marché sur la main ! Ça n’a sans doute pas été fait exprès ! Ce n’est rien du tout ça, une interpellation c’est toujours un peu brusque, le jeune s’est débattu peut-être c’est pourquoi il a sans doute été maîtrisé” ».

Flagrant déni, avril 2023

Comment parler à la police ?

En tant que victime, vous avez le droit de vous faire accompagnernote par la personne majeure de votre choix. C’est valable pour le dépôt de plainte et toutes vos auditions. N’hésitez pas à venir avec un·e avocat·ebook_2, un·e proche ou un·e membre d’une associationbook_2, etc. En général, l’officier de police judiciaire (OPJ) vous laissera expliquer votre histoire, puis vous posera des questions. Ne parlez que de ce dont vous vous rappelez, mais avec le plus de détails possiblebook_2. Méfiez-vous des « gentils flics » qui peuvent essayer de vous faire dire que vous (ou votre proche décédé) avez « peut-être » eu des gestes agressifs, ou autres. Restez fixé·e sur les faits dont vous vous rappelez à coup sûr ; sinon dites que vous ne vous rappelez pas. Si besoin, n’hésitez pas à rappeler que vous êtes la victime, et non le prévenu ! L’avocat.e peutnote poser des questions et faire des observations écrites. L’OPJ doit dresser un procès-verbal (PV). Vous devez pouvoirnote relire le PV et « faire consigner » vos observations avant de signer. Prenez le temps de relire et corriger sereinement votre déposition. Vous pouvez refuser de signer en cas de désaccord. Si vous la demandez, une copie du PV doit vous être remisenote à la fin de l’audition. Ce dernier droit n’est pas valable pour les éventuelles auditions suivantes.

Comment raconter les faits ?

Qu’il soit écrit (lettre au procureur) ou oral (plainte au poste), votre récit doit être aussi détaillé que possiblebook_2. Efforcez-vous de respecter l’ordre chronologique des faits et d’indiquer les lieux précis (ville, rue, n°, côté de la chaussée, carrefour, trottoir, pièce de l’appartement, etc.) et les heures où ils se sont déroulés. Une scène de violence se joue souvent en quelques secondes. Même si ça paraît fastidieux, essayez de raconter ces secondes au ralenti. La rapidité et la violence des faits peuvent entraîner un état de sidération : les trous de mémoire ou les flous sont fréquents. C’est normal : ne vous le reprochez pas et ne vous forcez pas à inventer ! Racontez seulement ce dont vous vous souvenez. Évoquez ensuite les conséquences des faits et votre ressenti. Le plus efficace est de demander à quelqu’un de vous poser des questions. Elles vous obligeront à détailler et clarifier votre récit. Si vous allez au poste, cet exercice fera office de répétition. Si vous rédigez la plainte, la retranscription des réponses pourra constituer le contenu de la lettre au procureur. L’idéal est de faire appel à un·e avocat·e ou une association habituée à ce genre de procédure, mais un proche peut très bien faire l’affaire.

Que faire si la police vient à l’hôpital ?

Si vos blessures vous conduisent aux urgences, la police peut se déplacer pour vous auditionner à l’hôpital. La voir débarquer sur son lieu de soins n’est pas forcément rassurant. Facteur aggravant : les urgentistes sont parfois enclins à laisser la police vous approcher plus facilement que vos proches, et ne sont pas toujours regardants sur le respect du secret médical face à des uniformes. Cependant, la présence policière à l’hôpital est souvent le simple résultat d’une obligation de procédure : si la police apprend qu’une personne a été victime de violences, elle doit en principe ouvrir une enquête. Si vous souhaitez déposer plainte, il n’est pas conseillé de refuser de voir les enquêteurs : ils peuvent en profiter pour clôturer tout de suite l’enquête. Faites leur simplement part de votre souhait de déposer plainte. Si vous ne souhaitez pas leur parler à l’hôpital (fatigue, état de choc, besoin de vous concentrer sur vos soins, etc), dites-leur que vous souhaitez être auditionné·e plus tard. Enfin, si besoin, rappelez aux personnels soignants que, sauf réquisition écrite, les informations et documents médicaux vous concernant, y compris les certificats, sont couverts par le secret médicalnote.

« Avant de voir un médecin, c’est la police qu’il a vue »

Sandrine, la mère de la victime, souligne la mauvaise influence de la présence de la police sur le déroulement des soins : « Avant même de voir un médecin, c’est la police qu’il a vue ». Elle remarque aussi que les soignants favorisaient la police : « Ils ne nous ont pas laissé entrer à deux [dans le box où se trouvait la victime], mais les policiers étaient deux. […] Je savais qu’il fallait qu’il obtienne des urgences une attestation pour les ITT. J’ai dû insister pour avoir un certificat d’ITT. Je sentais que, comme il y avait eu la présence de la police, ils étaient réticents à donner des documents qui les engagent. »

Flagrant déni, novembre 2020