Guide pour les victimes de violences policières,
en 17 fiches pratiques et juridiques

Version 2.2 publiée le 13/03/2024

Les services
d’enquête

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Les enquêtes sur les policiers et gendarmes sont menées par des collègues. Or en France, aucune règle n’est prévue pour limiter les risques de parti-pris. Dans le silence de la loi, les traditions pèsent lourd, souvent pour le pire. A l’ombre de l’IGPN et de l’IGGN, des services méconnus assurent 9 enquêtes sur 10 !

Dans cette fiche :

Qu’est-ce que l’IGPN ?
Qu’est ce que L’IGGN ?
Qu’est-ce que les « cellules déontologie » ?
Quels autres services d’enquête peuvent être saisis ?
Qui choisit le service de police en charge de l’enquête judiciaire ?

Qu’est-ce que l’IGPN ?

L’inspection générale de la police nationalenote (IGPN) est un organe de contrôle interne de la police. Depuis 2022, elle est dirigée par une magistratenote. Mais elle reste placée sous l’autoriténote du directeur général de la police nationale, lui-même sous les ordres du ministre de l’Intérieur. L’IGPN est un service de plus de 270 fonctionnaires. La majorité des personnels de l’IGPN travaille à des tâches d’audits, d’études, etc. Seuls 120 d’entre eux travaillent au sein de l’unité de coordination des enquêtes. Ils sont répartis dans neuf délégations localesnote situées dans toute la France (en général dans les enceintes de commissariats). Ces délégations ont une compétence nationalenote, mais elles sont presque toujours saisies pour les faits commis dans leur aire géographique. Une division nationale des enquêtes, composée d’une douzaine d’enquêteurs, travaille essentiellement sur les affaires de corruption. Tous ces services effectuent à la fois les enquêtes judiciaires (traitement des plaintes) et disciplinairesbook_2. Pour les enquêtes judiciaires, l’IGPN rappellenote qu’elle n’est « saisie que des affaires les plus graves ou les plus retentissantes, soit environ 10 % du total ». L’IGPN reconnaît elle-même que ses ressources « ne permettent pas, ou plus, de faire face » au nombre actuel d’enquêtes judiciaires.

Qu’est-ce que l’IGGN ?

L’Inspection générale de la gendarmerie nationalenote (IGGN) est l’équivalent de l’IGPN pour les gendarmes. Elle est placée sous l’autoriténote du directeur général de la gendarmerie nationale, lui-même placé sous l’autorité du ministre de l’Intérieur. L’IGGN est un service de plus de 110 militaires, mais seule une petite partie d’entre eux (20 militaires) assure les enquêtes judiciaires sur des faits commis par des gendarmes. Ils sont réunis dans le bureau des enquêtes judiciaires (BEJ) et répartis en deux lieux : le siège de l’IGGN à Malakoff (département des Hauts-de-Seine), et l’antenne de Montpellier. Le bureau des enquêtes administratives (BEA), lui, assure les enquêtes disciplinairesbook_2. Il est composé de 18 militaires répartis au siège et dans les six antennes décentralisées. Le BEA et le BEJ sont réunis au sein d’une « division des enquêtes internes ». La plupart des militaires de l’IGGN travaillent donc sur des tâches autres que les enquêtes : audits, études, expertises techniques, etc. L’IGGN ne traite qu’une petite partie des enquêtes judiciaires sur des gendarmes : en 2021, elle a ouvert 59 nouveaux dossiers. La même année, les autres services locaux de gendarmerie en ont ouvert 463. La part de dossiers impliquant des gendarmes traités par l’IGGN est de l’ordre de 10 %, comme pour l’IGPN.

Qu’est-ce que les « cellules déontologie » ?

Les « cellules déontologie » sont les services qui assurent le plus grand nombre d’enquêtes sur des policiers. Pourtant, ce sont les moins connus. Elles ne font l’objet de presque aucune communication institutionnelle, et même les règlements internes qui organisent leur fonctionnement ne sont pas publics. Et pourtant, elles existent ! Selon les villes, ces « cellules » portent des noms différents : « service de déontologie de synthèse et d’évaluation » (SDSE) à Paris, « cellule zonale déontologie et discipline » à Lyon ou Lille, etc. Ces services assurent les mêmes missions que l’IGPN (enquêtes judiciaires et disciplinaires, audits). Elles sont saisies pour les affaires les moins graves ou moins médiatisées. Dans la hiérarchie policière, elles appartiennent aux services locaux de sécurité publique, qui assurent (en gros) la police du quotidien. Elles ne sont pas compétentes pour les CRS, la police aux frontières, ou la police judiciaire. Elles sont placées sous l’autorité des directeurs locaux de sécurité publique, qui sont par ailleurs les chefs directs des policiers mis en cause. Leur indépendance est donc encore plus douteusebook_2 que celle de l’IGPN. En outre, une analyse des enquêtes menées par la cellule déontologie de Lyon a montré qu’elle réalise des enquêtes beaucoup moins complètes que l’IGPN.

7 fois moins d’auditions que l’IGPN

L’IGPN, critiquée (à raison) de toutes parts, passerait pour un service exemplaire aux côtés de ces bœufs-carottes de l’ombre [les cellules déontologie]. Flagrant déni a comparé le travail des deux services. La « cellule déontologie » de Lyon procède en moyenne à 7 fois moins d’auditions. Pire : elle n’auditionne presque jamais de policier ! Que dirait-on d’un service de stups qui n’interroge jamais de trafiquants ? C’est qu’en pratique, la « cellule déontologie » se contente souvent de sous-traiter l’enquête à des collègues des policiers incriminés. Pas étonnant dès lors que le taux de classement sans suite observé soit de… 100 %. La conclusion s’impose d’elle-même : ces services partiaux et inefficaces doivent disparaître.

Flagrant déni, juin 2022

Quels autres services d’enquête peuvent être saisis ?

Les enquêtes sur les policiers ou gendarmes peuvent être confiéesnote à des services non spécialisés de police judiciaire. Du côté de la police nationale, les services saisis peuvent être les directions zonales de police judiciaire (DZPJ), ou les sûretés départementales (SD). Ce sont les deux principaux services d’enquêtes générales de la police. Les SD dépendent du directeur départemental de la sécurité publique. Pour l’heure, aucune donnée chiffrée n’est publiée sur leur activité de police des polices. Du côté des gendarmes, l’IGGN indique qu’en 2021, 463 enquêtes sur des gendarmes ont été assurées par les sections de recherche (régionales) ou brigades de recherche (locales). S’agissant de services non spécialisés, leur impartialité est encore plus discutable que pour l’IGPN ou l’IGGN. Le degré de partialitébook_2 dépend surtout de la proximité des policiers ou gendarmes enquêteurs par rapport à ceux qui sont visés par l’enquête : proximité géographique, appartenance ou non à un même corps, liens hiérarchiques, etc. En pratique, les procureursbook_2 tolèrent parfois un degré de proximité grossier entre enquêteurs et enquêtés.

L’épouse du commissaire mis en cause dirige l’enquête

« Au cours d’une manifestation des gilets jaunes, le samedi 23 mars à Nice, la militante d’Attac Geneviève Legay a été grièvement blessée par une charge de police. Le procureur Jean-Michel Prêtre a confié l’enquête préliminaire à Hélène Pedoya, cheffe de la Sûreté départementale, qui n’est autre que la compagne du commissaire Rabah Souchi, chargé des opérations ce jour-là […]. Selon des sources proches de l’enquête, Hélène Pedoya a également participé au maintien de l’ordre le jour même de la manifestation, et de surcroît dans le périmètre où Geneviève Legay a été heurtée par des policiers. […] Interrogé par Mediapart sur ce nouveau conflit d’intérêts, le procureur Jean-Michel Prêtre confirme avoir “été au courant de la présence d’Hélène Pedoya lors des manifestations, dans la zone où Geneviève Legay a été blessée” mais sans percevoir “où est le problème”. Il tente néanmoins de minimiser l’implication de la commissaire divisionnaire qui, selon lui, “ne menait pas l’enquête. C’est le service qu’elle dirigeait qui en avait la charge [sic]” ».

Mediapart, mai 2019

Qui choisit le service de police en charge de l’enquête judiciaire ?

En principe, le procureur de la Républiquebook_2 doit lui-même choisirnote le service d’enquête. Mais le choix résulte souvent de négociations entre ce magistrat et les services d’enquête. L’IGGN affirmenote par exemple réorienter « un certain nombre de sollicitations de magistrats » vers d’autres services. Aucun texte n’oblige le procureur à saisir une unité de police pour enquêter sur la police, ou une unité de gendarmerie sur la gendarmerie : il s’agit de simples traditions. Seule restriction : l’IGGN ne peut enquêternote que sur des faits commis par des gendarmes. Mais une « section de recherche » (service d’enquête généraliste de la gendarmerie) pourrait enquêter sur des policiers. L’IGPN et l’IGGN doivent être saisiesnote pour les affaires les plus importantes, puis les services de police judiciaire, et enfin les cellules déontologie de la police. Les procureurs sont invités à choisir le service d’enquête en fonction de « la complexité, la gravité et la sensibilité » des affaires. Le « retentissement médiatique » des affaires est un critère officiel de saisine de l’IGPNnote et de l’IGGNnote. A gravité égale, les faits commis en banlieue arrivent bien moins souvent à l’IGPN ou l’IGGN que ceux commis dans des manifestations de centre-ville.

Problèmes de neutralité et impartialité de l’enquête

« Plusieurs parquets font état de la difficulté de trouver le bon interlocuteur pour assurer la neutralité et l’impartialité de l’enquête. Les services d’enquête compétents sont soumis à de fortes tensions. Les antennes régionales de l’IGPN, dont la saisine est naturellement privilégiée par les procureurs, sont régulièrement saturées, quand leur éloignement géographique n’est pas un frein à leur action (à titre d’illustration, la cour d’appel d’Orléans dépend […] de l’antenne IGPN de Rennes, située à 3h30 de route d’Orléans). S’agissant de la gendarmerie, les capacités limitées de l’IGGN et le maillage territorial conduisent les procureurs de la République à saisir le plus souvent les sections de recherches, voire les brigades de recherches pour les faits les moins graves. La saisine des inspections ou de leurs antennes locales est ainsi susceptible de conduire à un traitement plus long des investigations ».

Rapport du ministère public, Ministère de la justice, 2021

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Guide pour les victimes de violences policières,
en 17 fiches pratiques et juridiques

Version 2.1 publiée le 23/11/2023

Les services d’enquête

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Les enquêtes sur les policiers et gendarmes sont menées par des collègues. Or en France, aucune règle n’est prévue pour limiter les risques de parti-pris. Dans le silence de la loi, les traditions pèsent lourd, souvent pour le pire. A l’ombre de l’IGPN et de l’IGGN, des services méconnus assurent 9 enquêtes sur 10 !

Dans cette fiche :

Qu’est-ce que l’IGPN ?
Qu’est ce que L’IGGN ?
Qu’est-ce que les « cellules déontologie » ?
Quels autres services d’enquête peuvent être saisis ?
Qui choisit le service de police en charge de l’enquête judiciaire ?

Qu’est-ce que l’IGPN ?

L’inspection générale de la police nationalenote (IGPN) est un organe de contrôle interne de la police. Depuis 2022, elle est dirigée par une magistratenote. Mais elle reste placée sous l’autoriténote du directeur général de la police nationale, lui-même sous les ordres du ministre de l’Intérieur. L’IGPN est un service de plus de 270 fonctionnaires. La majorité des personnels de l’IGPN travaille à des tâches d’audits, d’études, etc. Seuls 120 d’entre eux travaillent au sein de l’unité de coordination des enquêtes. Ils sont répartis dans neuf délégations localesnote situées dans toute la France (en général dans les enceintes de commissariats). Ces délégations ont une compétence nationalenote, mais elles sont presque toujours saisies pour les faits commis dans leur aire géographique. Une division nationale des enquêtes, composée d’une douzaine d’enquêteurs, travaille essentiellement sur les affaires de corruption. Tous ces services effectuent à la fois les enquêtes judiciaires (traitement des plaintes) et disciplinairesbook_2. Pour les enquêtes judiciaires, l’IGPN rappellenote qu’elle n’est « saisie que des affaires les plus graves ou les plus retentissantes, soit environ 10 % du total ». L’IGPN reconnaît elle-même que ses ressources « ne permettent pas, ou plus, de faire face » au nombre actuel d’enquêtes judiciaires.

Qu’est-ce que l’IGGN ?

L’Inspection générale de la gendarmerie nationalenote (IGGN) est l’équivalent de l’IGPN pour les gendarmes. Elle est placée sous l’autoriténote du directeur général de la gendarmerie nationale, lui-même placé sous l’autorité du ministre de l’Intérieur. L’IGGN est un service de plus de 110 militaires, mais seule une petite partie d’entre eux (20 militaires) assure les enquêtes judiciaires sur des faits commis par des gendarmes. Ils sont réunis dans le bureau des enquêtes judiciaires (BEJ) et répartis en deux lieux : le siège de l’IGGN à Malakoff (département des Hauts-de-Seine), et l’antenne de Montpellier. Le bureau des enquêtes administratives (BEA), lui, assure les enquêtes disciplinairesbook_2. Il est composé de 18 militaires répartis au siège et dans les six antennes décentralisées. Le BEA et le BEJ sont réunis au sein d’une « division des enquêtes internes ». La plupart des militaires de l’IGGN travaillent donc sur des tâches autres que les enquêtes : audits, études, expertises techniques, etc. L’IGGN ne traite qu’une petite partie des enquêtes judiciaires sur des gendarmes : en 2021, elle a ouvert 59 nouveaux dossiers. La même année, les autres services locaux de gendarmerie en ont ouvert 463. La part de dossiers impliquant des gendarmes traités par l’IGGN est de l’ordre de 10 %, comme pour l’IGPN.

Qu’est-ce que les « cellules déontologie » ?

Les « cellules déontologie » sont les services qui assurent le plus grand nombre d’enquêtes sur des policiers. Pourtant, ce sont les moins connus. Elles ne font l’objet de presque aucune communication institutionnelle, et même les règlements internes qui organisent leur fonctionnement ne sont pas publics. Et pourtant, elles existent ! Selon les villes, ces « cellules » portent des noms différents : « service de déontologie de synthèse et d’évaluation » (SDSE) à Paris, « cellule zonale déontologie et discipline » à Lyon ou Lille, etc. Ces services assurent les mêmes missions que l’IGPN (enquêtes judiciaires et disciplinaires, audits). Elles sont saisies pour les affaires les moins graves ou moins médiatisées. Dans la hiérarchie policière, elles appartiennent aux services locaux de sécurité publique, qui assurent (en gros) la police du quotidien. Elles ne sont pas compétentes pour les CRS, la police aux frontières, ou la police judiciaire. Elles sont placées sous l’autorité des directeurs locaux de sécurité publique, qui sont par ailleurs les chefs directs des policiers mis en cause. Leur indépendance est donc encore plus douteusebook_2 que celle de l’IGPN. En outre, une analyse des enquêtes menées par la cellule déontologie de Lyon a montré qu’elle réalise des enquêtes beaucoup moins complètes que l’IGPN.

7 fois moins d’auditions que l’IGPN

L’IGPN, critiquée (à raison) de toutes parts, passerait pour un service exemplaire aux côtés de ces bœufs-carottes de l’ombre [les cellules déontologie]. Flagrant déni a comparé le travail des deux services. La « cellule déontologie » de Lyon procède en moyenne à 7 fois moins d’auditions. Pire : elle n’auditionne presque jamais de policier ! Que dirait-on d’un service de stups qui n’interroge jamais de trafiquants ? C’est qu’en pratique, la « cellule déontologie » se contente souvent de sous-traiter l’enquête à des collègues des policiers incriminés. Pas étonnant dès lors que le taux de classement sans suite observé soit de… 100 %. La conclusion s’impose d’elle-même : ces services partiaux et inefficaces doivent disparaître.

Flagrant déni, juin 2022

Quels autres services d’enquête peuvent être saisis ?

Les enquêtes sur les policiers ou gendarmes peuvent être confiéesnote à des services non spécialisés de police judiciaire. Du côté de la police nationale, les services saisis peuvent être les directions zonales de police judiciaire (DZPJ), ou les sûretés départementales (SD). Ce sont les deux principaux services d’enquêtes générales de la police. Les SD dépendent du directeur départemental de la sécurité publique. Pour l’heure, aucune donnée chiffrée n’est publiée sur leur activité de police des polices. Du côté des gendarmes, l’IGGN indique qu’en 2021, 463 enquêtes sur des gendarmes ont été assurées par les sections de recherche (régionales) ou brigades de recherche (locales). S’agissant de services non spécialisés, leur impartialité est encore plus discutable que pour l’IGPN ou l’IGGN. Le degré de partialitébook_2 dépend surtout de la proximité des policiers ou gendarmes enquêteurs par rapport à ceux qui sont visés par l’enquête : proximité géographique, appartenance ou non à un même corps, liens hiérarchiques, etc. En pratique, les procureursbook_2 tolèrent parfois un degré de proximité grossier entre enquêteurs et enquêtés.

L’épouse du commissaire mis en cause dirige l’enquête

« Au cours d’une manifestation des gilets jaunes, le samedi 23 mars à Nice, la militante d’Attac Geneviève Legay a été grièvement blessée par une charge de police. Le procureur Jean-Michel Prêtre a confié l’enquête préliminaire à Hélène Pedoya, cheffe de la Sûreté départementale, qui n’est autre que la compagne du commissaire Rabah Souchi, chargé des opérations ce jour-là […]. Selon des sources proches de l’enquête, Hélène Pedoya a également participé au maintien de l’ordre le jour même de la manifestation, et de surcroît dans le périmètre où Geneviève Legay a été heurtée par des policiers. […] Interrogé par Mediapart sur ce nouveau conflit d’intérêts, le procureur Jean-Michel Prêtre confirme avoir “été au courant de la présence d’Hélène Pedoya lors des manifestations, dans la zone où Geneviève Legay a été blessée” mais sans percevoir “où est le problème”. Il tente néanmoins de minimiser l’implication de la commissaire divisionnaire qui, selon lui, “ne menait pas l’enquête. C’est le service qu’elle dirigeait qui en avait la charge [sic]” ».

Mediapart, mai 2019

Qui choisit le service de police en charge de l’enquête judiciaire ?

En principe, le procureur de la Républiquebook_2 doit lui-même choisirnote le service d’enquête. Mais le choix résulte souvent de négociations entre ce magistrat et les services d’enquête. L’IGGN affirmenote par exemple réorienter « un certain nombre de sollicitations de magistrats » vers d’autres services. Aucun texte n’oblige le procureur à saisir une unité de police pour enquêter sur la police, ou une unité de gendarmerie sur la gendarmerie : il s’agit de simples traditions. Seule restriction : l’IGGN ne peut enquêternote que sur des faits commis par des gendarmes. Mais une « section de recherche » (service d’enquête généraliste de la gendarmerie) pourrait enquêter sur des policiers. L’IGPN et l’IGGN doivent être saisiesnote pour les affaires les plus importantes, puis les services de police judiciaire, et enfin les cellules déontologie de la police. Les procureurs sont invités à choisir le service d’enquête en fonction de « la complexité, la gravité et la sensibilité » des affaires. Le « retentissement médiatique » des affaires est un critère officiel de saisine de l’IGPNnote et de l’IGGNnote. A gravité égale, les faits commis en banlieue arrivent bien moins souvent à l’IGPN ou l’IGGN que ceux commis dans des manifestations de centre-ville.

Problèmes de neutralité et impartialité de l’enquête

« Plusieurs parquets font état de la difficulté de trouver le bon interlocuteur pour assurer la neutralité et l’impartialité de l’enquête. Les services d’enquête compétents sont soumis à de fortes tensions. Les antennes régionales de l’IGPN, dont la saisine est naturellement privilégiée par les procureurs, sont régulièrement saturées, quand leur éloignement géographique n’est pas un frein à leur action (à titre d’illustration, la cour d’appel d’Orléans dépend […] de l’antenne IGPN de Rennes, située à 3h30 de route d’Orléans). S’agissant de la gendarmerie, les capacités limitées de l’IGGN et le maillage territorial conduisent les procureurs de la République à saisir le plus souvent les sections de recherches, voire les brigades de recherches pour les faits les moins graves. La saisine des inspections ou de leurs antennes locales est ainsi susceptible de conduire à un traitement plus long des investigations ».

Rapport du ministère public, Ministère de la justice, 2021