“Si ça avait été moi je t’aurais défoncé”

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Temps de lecture : 13 minutes Manif du 1er mai 2021. Témoignages de Kévin*, 30 ans, ouvrier en espaces verts et Mélanie*, 24 ans, hôtesse de caisse

ILLUSTRATION PAR FLAGRANT DENI

Manif du 1er mai 2021. Kévin a été interpellé à 11H30, puis poursuivi pour participation à un groupement en vue de commettre des dégradations ou des violences, rébellion et violences sur personne dépositaire de l’autorité publique sans ITT. Lors de la charge policière, il a été blessé notamment à l’index de la main droite, qui a subi une luxation. Mélanie a également été blessée, au même moment. Un certificat médical fait état d’hématomes aux coude et genou, de plaies sur les mains, et de « troubles anxieux avec syndrome de stress post-traumatique ». Il évalue son ITT à 3 jours.

La manifestation

Mélanie : Kévin et moi on est arrivé-es par Saxe Gambetta, la manif avait déjà commencé. Je crois qu’il était 11h30, quelque chose comme ça. On a retrouvé des amis entre le cortège de tête et la CGT. La CGT et le cortège de tête échangeaient vivement, mais je n’ai pas trop compris pourquoi sur le moment. Il y avait des slogans qui étaient scandés, c’était assez bon enfant. Il y avait déjà eu la première charge, ils avaient déjà chopé la banderole du Pink bloc avant qu’on arrive. On a eu le temps de dire bonjour à nos amis, Kévin a sorti son drapeau [noir uniforme]. Et c’est là que j’ai entendu « ils chargent ils chargent, ils arrivent ». On s’est retournés pour voir, on s’est collés contre le magasin SFR sur le trottoir pour laisser passer la charge. Les CRS nous ont bousculé en criant « avancez avancez » et il y avait un autre cordon qui était devant nous. On ne pouvait pas avancer.

Kévin : Il y a un premier cordon de CRS qui nous a dépassé-es, ils essayaient de pousser tout le monde. On s’est dit, c’est peut être plus intelligent de les laisser passer. De se plaquer contre le mur et de leur montrer qu’on ne représente pas de danger. Mais la deuxième ligne de CRS était plus énervée que la première et ils ont commencé à être super véhéments sauf qu’on pouvait pas s’extraire. La première ligne était passée, on était vraiment encerclé-es par des CRS, partout. C’est à ce moment là qu’il y en a un qui a décidé de m’attraper. La première vague était passée, et on était en train de se faire pousser par la deuxième vague, plus violemment. Ils nous donnaient des petits coups de matraques et boucliers dans le dos. Du coup les lunettes de Mélanie sont tombées. On a été franchement bien bousculé-es. Donc j’ai décidé de me jeter au sol pour récupérer les lunettes. J’ai plongé. Derrière Mélanie me disait que c’était pas grave, qu’on pouvait abandonner les lunettes. Après avoir récupéré les lunettes, je voulais récupérer mon drapeau que j’avais laisser tomber. Pour moi ça ne représentait pas un danger immédiat pour eux. C’est un drapeau quoi, c’est pas méchant.

L’interpellation

Kévin : Un des flics a voulu m’en empêcher. J’ai pu ramasser les lunettes, essayer de me relever et c’est vraiment quand j’ai saisi le drapeau qu’ils se sont mis à plusieurs sur moi. Il y avait Mélanie derrière moi et quelqu’un d’autre d’après ce qu’on m’a dit, qui ont essayé de m’aider pour qu’on puisse s’extraire de là. Lui s’est pris un coup de poing par un CRS. Un autre a attrapé Mélanie par le cou pour la tirer en arrière. J’ai été tiré en avant, j’ai lâché le drapeau, et j’ai essayé de rejoindre Mélanie et là ils m’ont plaqué au sol. Coup de genou, coup de matraque dans le dos. Au moment où je me faisais plaquer au sol, j’entendais Mélanie qui hurlait parce qu’elle se prenait des coups. Ça a été une pluie de coups alors qu’on n’avait pas été ni violent-es ni véhément-es. Au contraire, on voulait juste laisser passer la charge.

Mélanie :  Moi quand j’ai vu qu’ils commençaient à taper Kévin et qu’il y en a un qui lui mettait des coups de poings par le bas du visage (du moins c’est ce que j’avais l’impression), j’ai essayé de saisir Kévin pour qu’on bouge. Il y a un CRS qui était derrière moi qui m’a chopé par l’arrière du cou. Par la nuque, mais comme j’avais une écharpe ça m’étranglait. Il m’a jetée au sol au milieu d’autres CRS. Ils m’ont donné plusieurs coups de pieds et coups de matraques. Je suis tombée contre le mur du magasin et au sol. Coups de matraques et coups de pieds. Je crois qu’il y en a un qui a dit : « c’est bon pour celle là ». Ils m’ont laissée là et je me suis faite récupérée par des streets médics.  Ils m’ont prise en charge. Au début je ne voulais pas partir de là ou j’étais, il y a 6 CRS avec des LBD qui commençaient à nous viser. Donc les streets médics ont du insister pour me décaler dans un endroit safe pour pouvoir me soigner, je saignais des doigts.

L’accusation

Kévin :  Le CRS voulait me mettre les serflex mais je voulais d’abord ranger les lunettes dans ma poche. Que je ne me sois pas jeté au sol pour rien. Et quand les lunettes ont été rangées, il m’a mis les serflex. Là ils m’ont emmené tête baissée jusque dans une rue sur la gauche. Là j’étais en position accroupi au sol avec les mains dans le dos et un CRS avec son genou qui m’appuyait contre la vitre, pendant ce temps là ils m’ont enlevé les serflex et mis les menottes. J’étais face à la vitre avec la pression du CRS derrière, j’ai du lui dire deux fois « j’étouffe » pour qu’il arrête de faire pression sur moi avec son genou. Une fois qu’ils m’ont mis les pinces ils m’ont relevé et ils m’ont amené jusqu’au fourgon. Le temps que je monte dans le fourgon j’ai entendu le CRS qui avait attrapé mon drapeau et qui m’accuse de l’avoir frappé dire : « lui, on l’arrête pour violence contre membre de l’autorité publique » je sais plus comment il a tourné ça.

J’étais persuadé de ne pas lui avoir donné de coup de drapeau, donc je lui ai dit : « donc ce que vous allez faire c’est encore une fausse déposition à charge ». Le chef de la brigade m’a regardé et m’a dit : « t’as de la chance que ce soit lui qui t’ait chopé, parce que si ça avait été moi je t’aurais défoncé », texto. Le chef. Tu reconnais quand un CRS s’adresse à son gradé, il y a une certaine marque de déférence. Il n’avait pas son masque, il m’a dit ça avec le sourire. Du coup je me suis dit,  bon là mec faut que tu fermes ta gueule parce que ça peut vite dégénérer. J’étais isolé et loin de la vue de tous. J’ai fait profil bas, je me suis tu et je les ai laissé m’embarquer dans le fourgon. Peu de temps après il y a les 3 autres interpellés qui sont entrés dans le fourgon. J’étais super inquiet parce que les derniers liens que j’ai eu avec Mélanie, c’était elle qui était en train de crier.

La garde à vue

Kévin : J’ai passé 48h en garde à vue, sans savoir au final si Mélanie était à l’hôpital, si elle était en garde à vue. Les cris, ils étaient assez déchirants … honnêtement c’était un peu chaud. Bon c’est comme ça mais… J’avais peur aussi de montrer trop d’intérêt pour elle, qu’ils essayent de l’embarquer pour complicité. Quand je suis arrivé au poste, dans ma déposition, j’ai quand même parlé de cette angoisse. C’était vraiment prégnant, j’ai pas dormi pendant 48h. J’aurais pu passer un coup de fil mais le seul numéro que je connaissais par cœur c’était celui de mon frangin. On te demande si tu veux qu’on prévienne un proche, ou si tu veux qu’on appelle un avocat ou un médecin, mais à aucun moment ils m’ont dit que je pouvais avoir directement un de mes proches au téléphone. Et comme mon frère était à la manifestation avec moi et déjà au courant, je me suis dit, ça sert à rien. Quand ils m’ont demandé, vous voulez qu’on prévienne un de vos proches, j’ai dit nom, c’est bon ils sont déjà au courant.

J’ai accepté un avocat commis d’office. Elle a grave géré, elle a plusieurs fois fait en sorte que le policier n’essaye pas de trop orienter l’interrogatoire. J’avais déjà entendu dire qu’il ne fallait rien dire en garde à vue. Nonobstant, à ce moment là j’avais un souvenir précis de ce qu’il s’était passé. Et je savais pertinemment que je n’avais pas frappé ce policier. Du coup j’avais envie de me défendre et d’être confronté. A partir du moment ou ta déposition est contradictoire avec celle du policier il y a confrontation. Je voulais bénéficier de la confrontation parce qu’elle est consignée par procès verbal. Le policier a déposé avoir été touché au plexus par mon drapeau. Il n’a pas demandé de certificat médical, il n’a pas eu de jour d’ITT.

Le premier OPJ a beaucoup essayé d’orienter ma déposition. Ils ont essayé de me faire porter le chapeau sur le fait d’être resté après les sommations. Mais comme on est arrivés entre la première charge et la deuxième, les sommations ont eu lieu avant la première charge. Plusieurs fois j’ai du dire que j’étais entre la CGT et le cortège de tête. J’avais un pantalon noir, et un pull à capuche gris. Mais comme il pleuvait, j’avais mis mon Kway. Qui est noir malheureusement. Pour eux c’était sur à 200 % qu’on était affiliés au black bloc. Plusieurs fois l’OPJ m’a demandé à quoi ressemblait la banderole de tête, si je l’avais vue. Si j’avais vu les tirs de mortiers. J’ai même dû lui faire un schéma, pour qu’il veuille bien noter que je n’étais pas tout devant à ce moment là et que je n’avais rien vu de tout ça. Au bout d’un moment j’ai décidé de garder le silence. Le deuxième OPJ a fait l’exploitation de mon téléphone, et il n’a rien trouvé. Il a cherché dans les messages et les photos. Il n’a rien trouvé à charge.

Le tribunal

Kévin : J’ai passé 48h en garde à vue, après j’ai passé toute une journée dans les geôles du tribunal. Toutes celles et ceux qui y sont passés savent à quel point … c’est un peu comme le mitard en fait. T’as l’isolement, t’as pas la lumière du jour, ta paillasse c’est du béton et du bois. Les couvertures puent le vomi, la merde et la pisse. Et t’y restes de 8 h du matin jusqu’à 23h 30 le soir.

Au début je pensais accepter la comparution immédiate. Quand je suis remonté dans la salle et que j’ai vue les juges j’ai changé d’avis. Ça fait un peu préjugé mais bon quand un juge te regarde avec mépris et qu’il fronce les sourcils… Pareil, la procureur avait de la colère dans les yeux quand elle me fixait. Je me suis dit on va demander un report, histoire de pas être jugé tout de suite. Donc mandat de dépôt, alors que je ne représente pas plus de risque que ça. Ils ont prononcé deux semaines de mandat de dépôt. Donc j’ai su que j’allais à Corbas, quartier arrivant.

Mélanie : Toutes les personnes qui sont passées lundi, elles ont toutes pris le maximum que ce que le procureur requerrait. C’est aussi toute la composition du tribunal qui a joué. Et ce lundi là c’était horrible pour tout les gens qui sont passés.  Mélanie : ce qui est incroyable c’est que je suis témoin direct des actes et à aucun moment les flics m’ont appelé pour demander mon témoignage. Et ça, même la présidente du tribunal l’a relevé. Il y a une témoin directe qui est présente et vous ne l’avez même pas entendue.

Kévin : Les procureurs de la république ne sont jamais cléments parce que leur travail c’est de dépeindre un profil de toi qui ne correspond pas du tout à ce que t’es mais qui correspond plutôt à ce qui pourrait t’incriminer. Du coup tu te doutes que quand ils elles demandent des peines, c’est pas des peines cadeaux. Ils nous rabâchent la sécurité, la haine anti flics, ça pardonne pas. Dès qu’ils peuvent avoir l’occasion de penser, dès qu’il peut y avoir ne serait ce qu’un faisceau d’indices qui laissent à penser que éventuellement tu serais quelqu’un d’anti flics, ils arrosent que là-dessus. Quand tu pars en manif, t’attends pas forcement à être interpellé. Et je ne m’attendais absolument pas à finir à Corbas. Ça a été un gros coup. Il s’arrogent le droit de me priver de mes libertés alors que pour l’instant je ne suis pas encore coupable aux yeux de l’état français.

La prison

Kévin : La prison, bah, c’est la prison. C’est toujours différent quand on te le décrit… De le vivre dans sa chair en fait, c’est … il y a beaucoup de choses à dire là dessus. En ce moment à Corbas, ils sont à 130 % des effectifs. Ils nous ont bassiné avec leurs remises de peines par temps de covid, pour faire en sorte de vider les prisons, mais la réalité c’est que les prisons sont toujours pleines à craquer. Les aménagements de peines ne pleuvent pas.

T’arrives à Corbas au quartier des arrivants, si c’est la première fois, forcement c’est perturbant. Ce qui est rassurant c’est qu’il y a quand même une certaine entraide. Ça suinte la misère et l’enfermement.  Heureusement on voit jaillir le meilleur de l’humanité à ce moment là aussi. Ça a été rude, mais il y a quand des prisonniers qui sont là pour t’expliquer comment ça marche. Parce que si tu compte sur les surveillants surveillantes, tu peux toujours attendre quoi. Il y a quand même eu deux ou trois surveillants sur l’équipe d’une quarantaine de surveillants que j’ai vu défilé qui ont été humains entre guillemets.

Il y en a plein qui m’ont dit : « je ne comprends pas ce qu’un profil comme toi fait en prison ». Pour eux, je n’avais pas le « profil type » du détenu car je suis un petit blanc avec une bonne éducation. En l’occurrence pour eux le « profil type » était maghrébin avec une « éducation de cité ». De fait tous les profils correspondants a cette description devaient être traités de la même façon : des coupables qui méritent d’être là, quand bien même leur culpabilité n’avait pas été avérée par décision de justice.

Mélanie : Tout le truc c’est de trouver ensuite comment aider la personne qui est en garde à vue. J’ai très peu dormi, pendant super longtemps. Savoir qu’il était en prison pour rien, c’était très lourd à subir. Encore une fois, il n’y avait aucun relais d’information donc j’ai galéré à trouver comment pouvoir l’aider. Le fait de ne pas rester inactive, m’a fait du bien. J’avais l’impression de produire quelque chose, de continuer à avancer. Et de faire en sorte que ce qui s’est passé ne s’oublie pas. J’ai du aller deux fois au TGI pour faire une demande de permis de visite parce que sois disant la première fois je n’avais pas de justificatifs suffisants qui prouvaient notre concubinage.

Kévin : Nous pour justifier notre concubinage ça a été très compliqué. Et pourtant on avait des papiers qui remontent à 6 ans, quand on s’est déclaré-es en couple auprès de la CAF. Depuis cette époque là on ne s’est jamais séparé-es. Moi je suis affilié à la MSA comme j’ai été ouvrier agricole un certain temps. Même sur les dossiers MSA on est affilié-es ensemble et à leur yeux, il y a tout un tas de papiers qui ne suffisaient pas à prouver notre concubinage. Devoir te justifier d’être en couple, auprès d’une institution qui dit qui te dit qu’elle pense que vous n’êtes pas en couple, parce que vous n’êtes pas pacsés, pas mariés au civil. En fait c’est juste absurde, c’est ubuesque, on a l’impression de marcher sur la tête. Nous on sait ce qu’on a vécu pendant 6 ans, on est toujours là, la preuve, Mélanie est en train de se battre pour moi qui suis à l’intérieur. T’as beau leur fournir tout ce que tu peux à l’instant T, si ils ont décidé que ça passe pas, ça passe pas. Du coup ils tombent dans le jugement de valeur. Et une justice qui se veut impartiale, elle n’est pas censée juger les valeurs.  Parce que ça veut dire qu’un juge qui est de droite, s’il te juge seulement sur un jugement de valeur, et que toi t’es de gauche, bah c’est sûr que tu finis en prison ou avec une lourde peine. Et ça c’est problématique.

Finalement, l’avocate a fait appel de la décision de mandat de dépôt, pour que je puisse sortir sous contrôle judiciaire. Ça a fonctionné. Du coup je passe en procès le 20 mai. Étant libre.

Porter plainte ?

Mélanie : Les jours après la manif ont été super lourds. J’avais l’impression que l’interpellation de Kévin avait été très violente, donc je me faisais du souci pour sa santé. Le mardi suivant j’ai pris rendez-vous avec une médecin généraliste, que je ne connaissais pas, que je suis allée voir. Elle a été super compatissante et compréhensive. Elle a même noté que j’avais déclaré que c’était les forces de l’ordre qui m’avaient frappée, avec un choc post-traumatique. Pendant plusieurs jours j’étais dans des états émotionnels assez difficiles. Parce que c’était super violent. Les souvenirs étaient très déconstruits dans ma tête. J’avais l’impression que ça avait duré beaucoup plus longtemps. Qu’il y avait beaucoup plus de flics autour de nous parce que j’avais une sensation d’écrasement. En fait je pense que 6 CRS autour de toi avec leurs boucliers et leurs matraques ça suffit largement pour se sentir écrasée.

Il y a vraiment eu une volonté de tuer la manifestation du 1er mai. Le rabâchage médiatique des journaux de base que j’ai j’ai constaté est super lourd. Ils font un relais d’information pourri. Quand j’étais à la comparution immédiate, je suis sortie de la salle d’audience et il y avait l’avocat des flics qui parlait à BFM Lyon, et qui racontait des horreurs. Ça m’a rendue folle. J’ai du m’éloigner, sinon je me serais mise à gueuler en face de BFM Lyon et ça n’aurait pas arrangé la situation. T’es dans un truc où tu ne pas t’exprimer, tu ne sais pas ce qui va porter défaut ou être utile. Quand tu vois que BFM Lyon fait de la diffamation, tu te demandes comment tu peux contredire sans que ça puisse entraîner des complications ou des problèmes. Tout le monde a vu ce rabâchage médiatique.

Je sais pas si déposer une plainte ça va être utile ou si ça va servir, même si j’ai très envie de le faire. Qu’est ce qu’on fait de ça ? Qu’est ce qu’on peut réellement faire ? Concrètement, pour que cette histoire tombe pas dans l’oubli ? Et que tout ça ne soit pas inutile. Que ça n’est pas été juste un super moment de violence et qu’on en reste là. Et que ça s’oublie comme toutes les autres violences policières qu’il y a eu. Il y a des gens qui ont perdu des yeux, des mains, ils sont dans des procédures qui durent depuis plus d’un an. Si tu te lances dans une plainte comme ça, c’est quelque chose qui va durer super longtemps, est-ce qu’on a tous forcement le courage d’être dans la durée, d’être aussi active dans ce truc là ? Ça peut durer deux ans. Deux ans où en fin de compte on ne te donnera pas raison. Au contraire, on va te donner tort. On va peut être même pas te considérer comme une victime.

Kevin : On pense souvent à Assa Traoré qui est poursuivie en justice maintenant pour diffamation. Dans ces cas là, il y a vraiment une rage sourde. T’as envie de les attaquer en justice sans scrupules comme ils l’ont fait envers toi, mais tu te dis que le moindre geste que tu feras à leur encontre va être sujet à détournement de la part des médias ou de la justice, et ça va à nouveau focaliser leur attention sur toi, ça va relancer des enquêtes, eux aussi ils vont porter plainte …  Déjà on sait que ça va prendre du temps. Et on a parfaitement conscience du fait que, quand bien même tu ressors acquitté, le fait de porter plainte contre eux, eux derrière rien ne va les empêcher, même le procureur de la république ou la procureure, de faire appel à ton encontre et qu’on finisse condamnés pour des trucs sur lesquels on avait été acquittés. C’est une rage quasi viscérale, dans le sens où t’as l’impression d’être impotent quoi qu’il arrive. De rien pouvoir faire. Accepte et ferme a gueule parce que de toutes façons si tu l’ouvres, tu vas manger plus cher. Dans toute cette situation, certes, il y a la violence policière, mais ce qui marque le plus les chairs et l’esprit c’est la non reconnaissance officielle de tout ça. Malgré la détention, malgré la violence, c’est ce qui continue maintenant à me flinguer le plus.

* Les prénoms ont été modifiés.

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En cas de confrontation avec la police, Flagrant Déni recueille les récits des victimes et des témoins. Il s’agit d’abord de faire entendre cette parole : à l’heure où l’immense majorité des médias (la « presse paresseuse ») se contente de relayer les discours préfectoraux, il est très important de pouvoir rendre public le vécu de celles et ceux qui se retrouvent sous les matraques, les nuages de lacrymos ou face aux armes à feu. Il s’agit aussi de pouvoir contre-enquêter : face à une justice qui s’obstine à croire sur parole des policiers dont les mensonges sont pourtant fréquents, il est nécessaire de recueillir des preuves, et de les multiplier autant que possible.

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