Augmentation des homicides policiers : l’ONU saisie de nouveau
Temps de lecture : 3 minutesDans la note adressée au rapporteur spécial sur les exécutions extra-judiciaires, nous publions une analyse inédite de la triple hausse des homicides policiers après la loi « Cazeneuve » de 2017.
Nous dénonçons la récente instruction « Retailleau » sur les refus d’obtempérer
qui risque encore d’aggraver le phénomène.

ILLUSTRATION DE LAFFRANCE
Vendredi 6 juin, Flagrant déni a saisi, aux côtés du SAF* de SAVE* et de familles et collectifs de victimes de la police*, le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extra-judiciaires. Nous l’alertons solennellement de la triple hausse des personnes tuées par les forces de l’ordre après la loi « Cazeneuve » de 2017, et de la récente instruction « Retailleau » de mai dernier, qui risque encore d’aggraver ce phénomène, en encourageant les courses-poursuites en cas de refus d’obtempérer. Dans le cadre de son mandat, le rapporteur spécial cherche notamment à connaître « les contextes et les cas dans lesquels les actions des responsables de l’application des lois peuvent conduire à la privation arbitraire de la vie »
Lire notre saisine du rapporteur spécial
Depuis 2017, et l’adoption de l’article L.435-1 du Code de la sécurité intérieure ayant assoupli le cadre de l’usage des armes par les policiers en cas de refus d’obtempérer, le nombre de personnes tuées par les forces de sécurité a connu trois évolutions préoccupantes. D’abord, les personnes tuées par balle après un refus d’obtempérer sont 5 fois plus nombreuses. Notre saisine analyse aussi, pour la première fois, deux effets cachés de l’article L.435-1 : les personnes tuées par balles hors refus d’obtempérer et les personnes tuées au cours d’un « accident routier » après un refus d’obtempérer sont désormais beaucoup plus nombreuses. En 2023, 19 personnes sont mortes au cours d’un accident routier après une course poursuite. En 2024, 27 personnes ont été tuées par balle. Des chiffres jamais vus jusque là.

Par ailleurs, nous rappelons que, selon une étude scientifique récente, les personnes racisées ont 6 fois plus de risques d’être tuées par la police française. Pour Issam El Khalfaoui, « l’introduction [dans la loi] d’une notion complètement subjective (« lorsque les occupants sont susceptibles d’être dangereux ») a créé une inégalité sans précédent dans la loi. Alors que le racisme et l’islamophobie n’ont jamais été aussi forts, que nombre de policiers sont d’extrême droite, il va de soi qu’un jeune racisé est très souvent perçu comme dangereux par les forces de l’ordre, quelles que soient les circonstances, contrairement à un jeune blanc ».
Trois organes de l’ONU ont déjà condamné officiellement la France pour le flou du cadre légal posé par l’article L.435-1, et certains syndicats policiers commencent à s’en alarmer. Deux propositions de loi ont été déposées à l’Assemblée nationale, sans suite pour l’instant. La France est devenue le pays européen qui compte le plus de personnes tuées par la police. Mais le ministère de l’Intérieur continue de faire la sourde oreille. Cette inertie n’entame pas et n’entamera jamais notre volonté. La France doit se conformer au droit européen et abroger l’article L.435-1. Combien de morts faudra-t-il encore pour que cette réforme advienne ?
* Les co-signataires de la saisine sont : Flagrant déni, le Syndicat des avocat·es de France (SAF), Stop aux violences d’État (SAVE), Amal Bentounsi, sœur d’Amine, tué par la police le 22 avril 2012, Casimir et Christèle Bico, frère et belle-sœur de Luis Bico, tué par la police le 19 août 2017, Mahmad Camara, frère de Gaye, tué par la police le 16 janvier 2018, Marie-Paule Chenevat, mère de Romain, tué par la police le 14 août 2018, Léo Gomes, frère d’Olivio, tué par la police le 17 octobre 2020, Issam et Samia El Khalfaoui, père et tante de Souheil, tué par la police le 4 août 2021, Comité Justice pour Nordine, blessé par la police le 16 août 2021, Diamana Camara, sœur de Boubacar et Fadjigui, tués par la police le 24 avril 2022, Collectif justice pour Rayana, tuée par la police le 4 juin 2022, Fatiha Boumenjel, mère d’Adam, tué par la police le 19 août 2022
Dossier / L435-1 : permis de tuer ?
LA REDACTION DE FLAGRANT DENI