La démo du “17” en avant-première !

Attention : texte et mise en page non définitives et schémas à venir.

Cet automne, Flagrant déni va publier le « 17 » : un guide en ligne pour les victimes de violences policières, en 17 fiches pratiques et juridiques.

Beaucoup de victimes de violences policières se demandent notamment : 

  • Quelles peuvent être les raisons de déposer plainte, ou pas ?
  • Comment faire pour empêcher les policiers violents de continuer d’exercer ?
  • Comment donner à ma plainte toutes les chances d’aboutir ?
  • Comment obtenir une indemnisation sans attendre la fin du procès ?

Le « 17 » leur répondra avec : 

  • Plus de 100 questions / réponses qui suivent le parcours des victimes : du jour des faits à la Cour européenne
  • Un texte précis et sourcé avec un langage clair
  • Des exemples concrets et des schémas explicatifs

Fiche 2 : déposer plainte

En général, les premiers temps de l’enquête vous demanderont peu d’efforts. Même en cas de classement sans suite, le dossier, dont vous pourrez obtenir copie, vous apportera de nombreuses informations. Pour donner le plus de chances à votre plainte, ne perdez pas de temps pour saisir la justice et si possible, médiatisez les faits.

Dans cette fiche :

Y’a-t-il toujours besoin de déposer plainte pour obtenir une enquête ?

Contrairement à une idée reçue, un très grand nombre d’enquêtes pénales sont déclenchées par le procureur de la République d’office, sans plainte de la victime. En effet, ce magistrat a toute latitude pour se saisir sur la base des procès-verbaux (PV) rédigés par des officiers de police judiciaire, et même sur la base de simples “dénonciations” . Ces dénonciations peuvent être effectuées par des témoins, un collectif, un·e proche de la victime… ou par les médias. Il n’est pas rare que le procureur se saisisse suite à des faits rendus publics par voie de presse. C’est spécialement vrai pour les affaires impliquant des forces de police. Cependant, si vous souhaitez obtenir une enquête pénale, il est conseillé de déposer une plainte en bonne et due forme : le procureur doit apprécier la suite à lui donner. Mais il est tout à fait possible d’essayer de médiatiser les faits en parallèle : la justice travaille souvent mieux quand les médias regardent un peu par-dessus son épaule ! Si vous parlez à la presse, n’hésitez pas à demander de rester anonyme et à relire vos citations avant publication.

Quand déposer plainte ?

Si vous souhaitez déposer plainte, il vaut mieux le faire rapidement : quelques jours après les faits, si possible le jour-même ou le lendemain. Une bonne enquête est celle qui démarre tôt : les preuves sont mieux conservées. Nous déconseillons donc d’attendre de recueillir tous les témoignages et autres preuves pour déposer plainte plusieurs semaines ou mois après les faits. Cela conduit à démarrer l’enquête officielle tard, ce qui nuira presque toujours à son efficacité. Il n’est pas nécessaire de faire appel à un·e avocat·e pour déposer plainte, sauf si vous êtes mis·e en cause ou pensez que vous risquez de l’être. En effet, un dépôt de plainte n’est pas une vraie procédure juridique, mais un simple récit des faits adressé à la justice. La seule vraie condition préalable à la plainte pour violences physiques, c’est d’avoir des preuves des blessures que vous avez subies. Si vous n’avez pas déposé plainte juste après les faits, vous avez néanmoins la possibilité de le faire plus tard. Le délai de « prescription » est de six ans pour les délits (violences volontaires par exemple) et de 20 ans pour la plupart des crimes (homicides par exemple).

Comment déposer plainte par lettre au procureur ?

La lettre au procureur de la République permet de choisir ses mots et de se tenir à l’écart de la police. Mais elle est souvent plus lente et empêche d’avoir un interlocuteur à contacter. Elle oblige à passer par l’écrit. En outre, si une enquête a lieu, il ne faut pas oublier que vous serez en principe auditionné·e tôt ou tard. Mais cette confrontation est parfois plus facile à vivre quand elle a lieu plusieurs semaines ou mois après les faits. Si vous choisissez d’écrire au procureur, il vous suffit de rédiger votre récit des faits. Pas besoin d’entrer dans des considérations juridiques. La lettre peut être postée (en recommandé) mais cette option entraîne des délais postaux. Le mieux est de déposer un exemplaire de la lettre à l’accueil du palais de justice, et d’en garder un autre pour soi, à faire tamponner par le tribunal. Le tampon servira de preuve de dépôt. L’échange avec le secrétariat permet aussi d’obtenir des informations sur le traitement des plaintes et les coordonnées téléphoniques du service à contacter pour prendre des nouvelles. Dans tous les cas, joignez une copie de pièce d’identité. Prenez garde à donner une adresse valide (car c’est à cette adresse que vous recevrez des informations), et laissez si possible un numéro de téléphone ou une adresse courriel.

Comment déposer plainte au poste  ?

Le dépôt de plainte au « poste » de police ou de gendarmerie est a priori plus efficace, surtout s’il est primordial que l’enquête démarre vite (vidéosurveillances à saisir notamment). Déposer au poste permet d’avoir tout de suite un interlocuteur en charge du traitement de la plainte. En revanche, ça implique de se « jeter dans la gueule du loup », ce qui peut être très désagréable juste après une confrontation avec des membres du même corps que la personne chargée de prendre votre déposition. Il faut aussi s’attendre à essuyer un refus de plainte, ce qui est illégal, mais pas rare. Les policiers ou gendarmes de tout le pays sont tenus de recevoir la plainte quels que soient le lieu des faits ou votre domicile. Par ailleurs, il est tout à fait possible (et conseillé !) de déposer plainte contre des policiers à la gendarmerie, ou vice-versa. Surtout, évitez de déposer auprès des collègues des policiers que vous mettez en cause, par exemple dans le commissariat auquel ils sont rattachés. Les commissariats centraux ou les hôtels de police sont dotés de services dédiés au recueil des plaintes, dans lesquels les fonctionnaires sont souvent (mais pas toujours !) plus attentifs vis à vis des victimes.

Refus de plainte répétés

« Dès que je suis sorti de l’hôpital, je suis allé au commissariat le plus proche. A cette heure-ci les commissariats, c’est plutôt fermé, j’ai dû sonner à l’interphone et expliquer : « je viens pour déposer plainte suite à une agression à la manifestation ». La policière m’a demandé si je connaissais les agresseurs, j’ai dit que c’était des policiers, et elle a raccroché. J’ai poussé la porte parce que j’ai cru qu’elle l’avait ouverte, mais non, elle était fermée ! Juste après la policière a entrouvert la porte, elle est restée comme ça en travers de la porte à me dire « Je ne prendrai jamais une plainte contre mes collègues, pour ça il y a le formulaire en ligne de l’IGPN ». Et elle a fermé. Puisque la police ne voulait pas prendre ma plainte, le soir même j’ai essayé d’appeler la gendarmerie. J’ai appelé un numéro de standard trouvé sur Internet et j’ai demandé à quelle gendarmerie je pouvais aller pour déposer plainte. Quand j’ai expliqué pour quoi c’était, ils m’ont dit que la gendarmerie ne pouvait pas s’en occuper ».

Témoignage d’Arthur, extrait du rapport de Flagrant déni sur la Fabrique de l’oubli

Comment parler à la police ?

Au moment de déposer plainte, ou lors de dépositions ultérieures, la victime a le droit de se faire accompagner « par la personne majeure de son choix ». N’hésitez pas à venir avec un·e avocat·e, un·e proche, un·e membre d’une association, etc. En général, l’officier de police judiciaire (OPJ) laisse la victime expliquer librement son histoire, puis lui pose des questions. Ne parlez que de ce dont vous vous rappelez, mais avec le plus de détails possible (voir ci-dessous). Méfiez-vous des « gentils flics » qui peuvent essayer de vous faire dire que vous avez « peut-être » eu des gestes agressifs, ou autres. Restez fixé·e sur les faits dont vous vous rappelez à coup sûr ; sinon dites que vous ne vous rappelez pas. Si besoin, n’hésitez pas à rappeler que vous êtes la victime, et non le prévenu ! L’avocat·e peut poser des questions et faire des observations écrites. L’OPJ doit dresser un procès-verbal (PV). La loi prévoit que « les personnes entendues procèdent elles-mêmes à sa lecture » et « peuvent y faire consigner leurs observations » avant de signer. Prenez le temps de relire et corriger sereinement votre déposition. Si vous la demandez, une copie du PV doit vous être remise à la fin de l’audition. Ce dernier droit n’est pas valable pour les éventuelles auditions ultérieures.

Comment raconter les faits ?

Qu’il soit écrit (lettre au procureur) ou oral (plainte au poste), votre récit doit être aussi détaillé que possible. Efforcez-vous de respecter l’ordre chronologique des faits et d’indiquer les lieux précis (ville, rue, n°, côté de la chaussée, carrefour, trottoir, pièce de l’appartement, etc.) et les heures où ils se sont déroulés. La scène de violence se joue souvent en quelques secondes. Même si ça paraît fastidieux, essayez de raconter ces secondes au ralenti. La rapidité et la violence des faits peuvent entraîner un état de sidération : les trous de mémoire ou les flous sont fréquents. C’est normal : ne vous le reprochez pas et ne vous forcez pas à inventer ! Racontez seulement ce dont vous vous souvenez. Évoquez ensuite les conséquences des faits et votre ressenti. Le plus efficace est de demander à quelqu’un de vous poser des questions. Elles vous obligeront à détailler et clarifier votre récit. Si vous allez au poste, cet exercice fera office de répétition. Si vous rédigez la plainte, la retranscription des réponses pourra constituer le contenu de la lettre au procureur. L’idéal est de faire appel à un·e avocat·e ou une association habituées à ce genre de procédure, mais un proche peut très bien faire l’affaire.

Que faire si la police vient à l’hôpital ?

Si vos blessures vous conduisent aux urgences, la police peut se déplacer pour vous auditionner à l’hôpital. La voir débarquer sur son lieu de soins n’est pas forcément rassurant. Facteur aggravant : les urgentistes sont parfois enclins à laisser la police vous approcher plus facilement que vos proches, et ne sont pas toujours regardants sur le respect du secret médical face à des uniformes. Cependant, la présence policière à l’hôpital est souvent le simple résultat d’une obligation de procédure : si la police apprend qu’une personne été victime de violences, elle doit en principe ouvrir une enquête. Si vous souhaitez déposer plainte, il n’est pas conseillé de refuser de voir les enquêteurs : ils en profitent souvent pour clôturer tout de suite l’enquête. Faites leur simplement part de votre souhait de déposer plainte. Si vous ne souhaitez pas leur parler à l’hôpital (fatigue, état de choc, besoin de vous concentrer sur vos soins, etc), dites-leur que vous souhaitez être auditionné·e plus tard. Enfin, si besoin, rappelez aux personnels soignants que, sauf réquisition écrite, les informations et documents médicaux vous concernant, y compris les certificats, sont couverts par le secret médical.

« Avant de voir un médecin, c’est la police qu’il a vue »

Sandrine souligne la mauvaise influence de la présence de la police sur le déroulement des soins : « Avant même de voir un médecin, c’est la police qu’il a vue ». Elle remarque aussi que les soignants favorisaient la police : « Ils ne nous ont pas laissé entrer à deux [dans le box où se trouvait Thomas], mais les policiers étaient deux. […] Je savais qu’il fallait qu’il obtienne des urgences une attestation pour les ITT. J’ai dû insister pour avoir un certificat d’ITT. Je sentais que, comme il y avait eu la présence de la police, ils étaient réticents à donner des documents qui les engagent. »

Extrait du rapport de Flagrant déni : La Fabrique de l’oubli

Les 7 étapes-clefs pour déposer plainte

1. Sur place, s’il y en a, récupérez les résidus d’armes et les coordonnées des témoins ou des personnes qui ont filmé ou photographié. Repérez s’il y a des vidéosurveillances.
2. Le jour même, prenez des photos des blessures et RDV avec un médecin pour établir un certificat médical
3. Rapidement, contactez un·e avocat·e, un collectif ou un·e proche pour « debriefer »
4. Sans tarder, déposez votre plainte au poste (si possible accompagné·e) ou par lettre au procureur
5. Si vous avez déposé plainte au poste, écrivez :
– à l’OPJ pour lister les actes d’enquête à réaliser (réquisitions de vidéos notamment)
– au procureur en lui joignant copie du PV de plainte
6. S’il y a des vidéosurveillances à sauvegarder, n’hésitez pas à saisir le Défenseur des droits
7. Si possible médiatisez. Partez à la recherche des preuves, relancez la justice et la police. Même en cas de classement, demandez une copie de votre dossier.

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