Déposer plainte

En résumé, pour déposer plainte :

1. Prenez des photos des blessures et prenez RDV avec un médecin pour établir un certificat médical
2. Contactez-nous pour affiner la stratégie
3. Rédigez votre témoignage, de préférence avec une aide extérieure
4. Sans tarder, déposez votre plainte écrite avec les éléments médicaux
5. Ne lâchez rien ! Appelez pour prendre des nouvelles, envoyez les nouveaux éléments recueillis (témoignages, vidéos, etc.)

Comment déposer plainte ?

Surtout, il faut aller vite ! En principe, le délai de « prescription » pour les délits (la plupart des cas) est de six ans. Mais en pratique, mieux vaut déposer plainte quelques jours après les faits, si possible le lendemain. Une bonne enquête est celle qui démarre tôt : les preuves sont conservées, les témoignages sont frais. Pas besoin d’un·e avocat·e à ce stade, sauf si vous êtes mis·e en cause ou risquez de l’être. En effet, un dépôt de plainte n’est pas une vraie procédure juridique, mais le simple envoi d’un récit des faits au procureur de la République, qui décidera du traitement judiciaire du dossier. Il n’est pas non plus nécessaire d’aller déposer au commissariat ou à la gendarmerie. Une lettre au procureur suffit (voir modèle). Mentionnez vers où les recherches peuvent être menées (par exemple s’il y avait des caméras, des témoins, etc.). Si possible, essayez de médiatiser les faits.

Récit des faits.

Il vaut mieux qu’il soit aussi détaillé que possible. En matière de violences policières, tout se joue généralement en quelques secondes. Même si ça paraît fastidieux, essayez de décortiquer ces secondes au ralenti. La rapidité des faits entraîne souvent un état de sidération et les trous de mémoire sont fréquents. C’est normal : ne vous le reprochez pas et ne vous forcez pas à inventer ! Racontez seulement ce dont vous vous souvenez. Parlez du déroulé des faits, de leurs conséquences, mais aussi de ce que vous avez ressenti. Le plus efficace est de demander à quelqu’un·e de vous poser des questions et retranscrire vos réponses. Plus de détails en sortiront, et votre récit sera plus facile à comprendre par des regards extérieurs.

Preuves médicales.

Si possible, faites des photos ! Prenez RDV avec un médecin de confiance pour établir un certificat médical le plus rapidement possible (le jour-même est le mieux). Si ce RDV a lieu trop tard (risque d’atténuation des preuves), n’hésitez pas à aller aux urgences ou dans une consultation rapide. Plusieurs certificats valent mieux que pas du tout. Le médecin doit préciser la durée de l’interruption temporaire de travail (ITT), même en cas d’inactivité. Il faut aussi lui demander (et insister) de décrire précisément chaque blessure, les conséquences physiques et psychologiques, et de dire si les faits que vous rapportez peuvent effectivement expliquer vos blessures. Ce dernier point est important : paradoxalement, les médecins légistes mandatés par la justice ne se prononcent en général pas sur l’origine des blessures…

Preuves vidéos.

La parole des policiers est très souvent considérée comme source de vérité par la justice. Il est donc important de trouver des images qui attestent des faits. Attention : beaucoup d’enregistrements sont détruits rapidement. Chaque réseau de vidéosurveillance (commerces, banques, villes, autres institutions, etc.) choisit sa durée de conservation, qui ne peut légalement excéder un mois. La Ville de Lyon ne les conserve par exemple que 15 jours. Les enregistrements de l’hélico de police lyonnais sont conservées 30 jours. Même si la plainte est déposée très vite, les lenteurs administratives entraînent souvent des délais qui empêchent la saisie des vidéos. Dans ce cas, contactez directement le service d’enquête (voir « Flagrant déni avec vous »). N’omettez pas non plus de chercher des images privées, si les faits ont eu lieu en présence de témoins.

Parler à la police ?

Si vous déposez plainte, vous serez probablement « auditionné·e » par un service de police. En tant que victime, vous pouvez être assisté·e d’un·e avocat·e. N’hésitez donc pas à solliciter cette aide si vous le souhaitez. Dans tous les cas, entraînez-vous avec une personne de confiance avant le RDV. Méfiez-vous des « gentils flics », qui essaieront de vous faire dire que vous avez « peut-être » eu des gestes agressifs, ou autres. Comme dans votre récit écrit des faits, ne parlez que de ce dont vous vous rappelez, mais avec le plus de détails possible. Prenez le temps de relire et corriger sereinement votre déposition, au cours de l’entretien, et à la fin de celui-ci. Si vos blessures vous conduisent aux urgences, il est fréquent que la police se déplace pour vous auditionner à l’hôpital. Dans ce cas, dites-leur si vous souhaitez déposer plainte ou pas, et que vous n’êtes pas en état de témoigner. Prenez le temps de vous entraîner avant.

Après le classement sans suite…

Le classement, ce n’est pas la fin de la procédure, mais le début ! Vous le recevrez par courrier adressé par le procureur de la République, plusieurs mois après votre plainte. Le plus important : vous pouvez demander copie de l’enquête. C’est toujours instructif, même si elle a été bâclée. Ensuite, plusieurs options sont possibles : vous arrêter là, relancer la justice pénale (recours au procureur général, « plainte avec constitution de partie civile »), saisir le tribunal administratif, etc. Ce dernier constitue une voie souvent peu explorée, à tort : il permet plus facilement d’obtenir une décision de justice et une indemnisation. Certaines de ces options peuvent se cumuler. A ce stade, la procédure devient technique. L’aide d’un·e avocat·e pourra être bienvenue.

Ne laissez pas filer le temps !

L’institution judiciaire joue la montre pour vous avoir à l’usure. Plus le temps passe, plus il y a de chances que vous ayez envie de passer à autre chose. Chaque délai administratif, chaque rebond de la procédure, chaque attente d’un RDV avec un·e avocat·e constituent des obstacles et des causes de découragement. Ne vous laissez pas faire. N’hésitez pas à relancer vos interlocuteurs (avocat·e, tribunal, police). N’hésitez pas à leur rappeler que pour vous, obtenir justice est urgent. Décidez vous-même de la stratégie à adopter avec les conseils de votre avocat·e. Les possibilités offertes par la loi sont limitées : si les conseils de votre avocat·e vous déçoivent, ielle n’est peut-être pas en cause. N’hésitez cependant pas à en changer si ça ne « colle » pas. Rappelez-vous que c’est « votre » enquête, et pas celle de la justice !

Soutenir les plaintes

En France, les enquêtes sont tout entières aux mains de la justice et de la police. A cause d’une longue tradition judiciaire et faute de temps, les avocat·es sont souvent démuni·es pour mener de véritables contre-enquêtes. Ce grave déséquilibre désarme, décourage les victimes et constitue l’une des causes premières de l’impunité. C’est vrai, certaines règles de droit rendent difficile la participation des victimes à l’enquête. Mais c’est néanmoins possible ! Une bonne contre-enquête nécessite une bonne connaissance des pratiques policières et du temps pour mener les investigations (recherche de témoignages, de vidéos, analyse détaillée du dossier, etc.). Par ailleurs, il peut être utile d’utiliser l’arme médiatique pour critiquer les lacunes de la justice et faire avancer un dossier. Flagrant déni intervient aux côtés des victimes et de leur avocat·e pour discuter de la stratégie, alimenter les enquêtes par des analyses et recherches factuelles, et assurer un regard critique sur les procédures officielles.

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